Kabila hérite d'un pays pauvre et divisé regorgeant de ressources naturelles
Joseph Kabila, élu président de la République démocratique du Congo (RDC), hérite d'un pays potentiellement riche mais ruiné par des années de guerre, gangrené par la corruption et asphyxié par une gestion désastreuse de son secteur minier.
L'ex-Zaïre, volontiers défini comme un "scandale géologique", recèle 34% des réserves mondiales connues de cobalt, 10% des réserves de cuivre, mais aussi de l'uranium, de l'or et du pétrole. Il abrite la deuxième forêt tropicale primaire de la planète, traversée par le Congo, dont le débit en fait le second fleuve du monde après l'Amazone.
Ces ressources, peu ou mal exploitées, ne parviennent pas à faire vivre les 60 millions d'habitants qui peuplent un territoire grand comme l'Europe de l'ouest. Plus de 75% de la population vit avec moins d'un dollar par jour, moins de 20% des habitants ont un accès régulier à l'eau et à l'électricité. Le taux de mortalité infantile est de 205 pour 1.000, et plus d'un million d'enfants sont orphelins d'un ou deux parents morts du sida, selon l'ONU.
La dernière guerre sur le sol congolais (1998-2003), qui a englouti 80% des ressources du pays, n'a fait qu'aggraver une pauvreté qu'aucun des gouvernements congolais n'est parvenu à éradiquer depuis l'indépendance en 1960. Les élections générales de 2006, financées quasi-entièrement par la communauté internationale, doivent mettre fin à une difficile transition politique entamée en 2003 et remettre le pays sur les rails d'une croissance renaissante (6% en 2005) mais encore faible au regard des défis.
Trois ans après la fin du dernier conflit, pour un opérateur économique du secteur privé, "tout reste à faire: l'Etat est corrompu, les fonctionnaires mal payés. Pour attirer les investisseurs, il faudrait commencer par assainir les services de l'Etat, rationaliser les taxes et encourager les entrepreneurs". Peu avant son élection, Joseph Kabila a déclaré à la presse que les "changements ne seraient pas que cosmétiques", se disant décidé à s'attaquer "en profondeur" à la réforme de l'Etat, à la restructuration de l'armée et au secteur des ressources naturelles.
Mais le mal est profond et les réformes seront difficiles.
Le secteur minier est "la parfaite illustration de l'économie de pillage qui s'est développée à la fin du règne de (Joseph-Désiré) Mobutu (dictateur zaïrois, 1965-1997) et s'est accélérée pendant la guerre puis la transition" politique, estime un spécialiste du secteur, basé au Katanga, riche province cuprifère du sud-est.
Joyau d'un secteur minier autrefois florissant, la société publique Gécamines a vu sa production de cuivre s'écrouler, passant de 470.000 tonnes dans les années 1980 à 9.000 tonnes en 2003, avant d'être dépossédée de ses plus riches gisements octroyés à de voraces investisseurs privés.
Dans son rapport en juillet sur la RDC, l'ONG Global Witness estimait que "le pillage des ressources naturelles de la RDC continue de mettre en péril les opportunités de paix, de stabilité et de développement du pays". L'ONG dénonçait le fait que "plusieurs gros contrats" aient été "conclus à la va-vite en 2005 par un gouvernement de transition (...) qui a lui-même été responsable du pillage des ressources naturelles à grande échelle".
Outre l'opacité de l'attribution des contrats, où l'entourage de M. Kabila était clairement montré du doigt, l'ONG décrivait "l'exportation illicite de minéraux par la frontière entre la RDC et la Zambie" voisine, avec la complicité des autorités. Ecrasée par une dette multilatérale de 14 milliards de dollars, la RDC a été rappelée à l'ordre en octobre par le Fonds monétaire international (FMI) après un nouveau dérapage des dépenses publiques, qui pourrait à terme remettre en cause l'allègement de sa dette prévu mi-2007.