Cités dans des affaires maffieuses...Des ministrables invoquent la présomption d’innocence pour entrer au gouvernement
Des personnalités citées dans le pillage des ressources naturelles de la République démocratique du Congo invoquent, par personnes interposées, la présomption d’innocence pour justifier leur entrée au gouvernement de la troisième République.
Mais, des analystes politiques brandissent, en guise d’obstacle à leur nomination, la présomption de culpabilité.
INCRIMINES, MAIS TOUJOURS AUX AFFAIRES
Ils sont encore nombreux ceux qui, depuis la publication (déjà sous le régime Afdl) des rapports du panel des experts des Nations unies sur le pillage des ressources nationales de la République démocratique du Congo (RDC), occupent encore de hautes fonctions publiques.
La suspension de certains ministres et celle de quelques cadres d’entreprises publiques, suspectés de malversations financières à la lumière des rapports d’audit et des séances d’audition à l’Assemblée nationale, n’a point convaincu les Congolais et la communauté internationale sur la volonté affichée de Kinshasa d’établir la culpabilité ou l’innocence des auteurs présumés des crimes économiques.
La nomination à de hautes fonctions de certaines personnalités, pourtant citées dans les rapports onusiens quelques mois auparavant, est venue renforcer cette impression d’impunité.
Mercredi, un membre du gouvernement de transition a enfoncé le clou en tentant de défendre, sur une chaîne de télévision privée, la cause des incriminés. Pour lui, ces personnalités devraient bénéficier de la présomption d’innocence du fait qu’aucun procès n’a été ouvert à leur charge. Et quand bien même il y aurait eu procès, tant que leur culpabilité n’aura pas été établie, elles sont présumées innocentes, a-t-il déclaré.
Interrogé sur les critères exigés pour faire partie du prochain Exécutif, il a cité, entre autres caractéristiques, l’intégrité morale.
A ce propos, un analyste politique ayant requis l’anonymat est d’avis qu’un homme dans leur situation, ayant le sens de l’honneur et convaincu de son innocence, se mettrait spontanément à la disposition de la justice aux fins d’être lavé de tout soupçon.
« Un tel individu n’accepterait pas d’être nommé à de hautes charges de l’Etat tant que son honneur ne serait pas dégagé de toute suspicion », a-t-il soutenu.
Tout compte fait, les incriminés se trouvent devant une terrible alternative : la présomption d’innocence ou la présomption de culpabilité, que seuls les cours et tribunaux ont le pouvoir d’établir.
POURSUITES JUDICIAIRES BLOQUEES
L’entourage du patriarche Antoine Gizenga, proposé au poste de Premier ministre par le Parti lumumbiste unifié (Palu) aux termes d’un accord passé avec l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP), continue d’insister sur l’intégrité morale des prétendants aux postes ministériels.
Cette prise de position rejoint les préoccupations du président de la République qui place la lutte contre la corruption parmi les priorités de son mandat quinquennal. Son épouse ayant même sollicité une intervention divine afin d’amener Joseph Kabila à nettoyer son sérail.
En fait, des proches collaborateurs du chef de l’Etat figurent parmi les personnalités citées dans des rapports du panel des experts des Nations unies sur le pillage des ressources naturelles et ceux des commissions parlementaires sur les contrats léonins et les détournements des deniers publics.
Sur une période de cinq ans, les enquêteurs ont même découvert des opérations maffieuses ayant rapporté près de cinq milliards de dollars américains à leurs auteurs.
Ce qui a conduit le Conseil de sécurité de l’Onu à demander expressément aux autorités politiques, dont des ressortissants étaient cités dans lesdits rapports, d’engager des poursuites judiciaires à leur charge.
Et alors que l’on s’activait sous d’autres cieux en vue de sanctionner tous les nationaux ou étrangers impliqués dans ces affaires maffieuses, aucun procès n’est ouvert à ce jour en RDC.
Des analystes expliquent le laxisme du pouvoir en place par le fait que les principaux incriminés occupent des fonctions clés dans les instances politiques de décision.