Joseph Kabila a peur de Dos Santos ?
Un mois après l’occupation d’une partie du territoire diamantifère de Kahemba par des policiers angolais, Joseph Kabila continue à observer son mutisme légendaire en dépit de la gravité de la situation. Certains observateurs interprètent cette impassibilité comme un aveu de plus de la duplicité de l’homme qui dirige la RD Congo.
Au nom de prétendues « amitiés personnelles » que certains dirigeants congolais entretiendraient avec leurs homologues angolais, les autorités de Kinshasa continuent à louvoyer pendant que la police et l’armée angolaises sont affairées à consolider l’occupation d’une dizaine de localités dont celle de Shalibwanda dans le territoire de Kahemba. Une entité de la province de Bandundu riche en diamants. Un mois après cette invasion, le ministre de l’Intérieur, le PPRD Denis Kalume Numbi, multiplie des réunions stériles dans la capitale. L’homme semble s’arc-bouter sur sa thèse minimaliste selon laquelle cette incursion serait le fait d’un « commandant local » des forces armées angolaises. Comme pour dire que l’Angola est une pétaudière où n’importe quel « plouc » peut décider d’investir un territoire étranger. A supposer que cela soit vrai, une question reste sans réponse. A savoir : quelles sont les dispositions prises par les gouvernants en place pour restaurer l’intégrité du territoire national ? Assurément aucune. Fidèle à sa réputation légendaire, Joseph Kabila se tait. Il a manifestement concédé l’exercice du ministère de la parole au ministre du Plan et secrétaire permanent du parti présidentiel, Olivier Kamitatu Etsu. Ami d’enfance de Sindika Dokolo qui a épousé une fille Dos Santos, « Olivier » passe souvent ses week-ends dans la capitale angolaise, assurent des témoins. Est-ce pour cette raison que l’ex-numéro deux du MLC a tendance à minimiser les faits s’appuyant sur les « relations amicales » qui existent, selon lui, entre les deux pays ?
Le drapeau angolais
« Ce qui se passe à Kahemba constitue une violation de la souveraineté de la RD Congo ». C’est la déclaration faite, la semaine dernière, sur les ondes de radio Okapi, par le président de l’Ong « La Voix des Sans-Voix », Floribert Chebeya. Citant des sources concordantes, l’APA rapporte que les éléments armés angolais, signalés depuis le 4 février dans plusieurs localités du Bandundu, étaient encore présents mardi 28 février sur le territoire congolais.
Un fait confirmé par un certain Simplice Mbavu, notable de Kahemba, contacté par téléphone depuis Kinshasa.
«Les autorités territoriales nous ont assuré qu’une solution par la voie diplomatique est en voie d’être trouvée», a-t-il souligné ajoutant que les «envahisseurs, bien armés», ont hissé le drapeau angolais dans tous les villages qu’ils occupent.
Selon Mbavu, les villageois qui avaient fui en brousse des exactions des hommes armés angolais ont regagné leurs maisons bien que «la cohabitation est très difficile».
Selon une dépêche de l’APA datée du 28 février, les gouvernements congolais et angolais « ont décidé » de mettre en place une « commission mixte ». Celle-ci aurait pour mission de « vérifier » la présence d’hommes armés angolais dans cette partie de la RD Congo. De qui se moque-t-on ? Aucune mention n’est faite sur la date d’entrer en action de ladite commission. Comme pour laisser entendre que les deux gouvernements sont loin d’y voir une urgence particulière, le ministre sortant des Affaires étrangères, le MLC Raymond Ramazani Baya a lâché ces mots : « Tout dépendra du calendrier qui sera fixé par les autorités civiles et militaires des deux pays ». Comme disent les Belges, c’est une « patate chaude » que Ramazani lègue à son successeur Mbusa Nyamwisi que certains de ses détracteurs présentent comme un homme « proche » des dirigeants tant ougandais qu’angolais. L’histoire ne dit pas si « Baya » aurait affiché la même attitude « patriotique » sous le gouvernement de transition… Quelle est la situation sur le terrain à Kahemba ? Selon des voyageurs, le drapeau de la République populaire d’Angola flotte bel et bien sur cette portion du territoire de la République démocratique du Congo. Pire, selon des sources, les envahisseurs auraient instauré un « sauf-conduit » à toute personne résidant dans la région occupée. « Joseph Kabila a peur de Dos Santos », estime un diplomate occidental joint au téléphone à Kinshasa. Ce fonctionnaire d’ajouter : « Kabila est devenu une sorte de filleul pour Dos Santos. Les deux hommes ont passé un « pacte» lors du voyage effectué par « Joseph » à Luanda à la veille du second tour de l’élection présidentielle ».
Forfaiture
D’aucuns n’hésitent pas à parler de forfaiture au sommet de l’Etat congolais. A l’étranger, des Congolais de la diaspora commencent à donner de la voix pour dire tout le mal qu’ils pensent des autorités de Kinshasa. « Le président élu, écrit un internaute, doit prendre ses responsabilités dès lors qu’il a prêté serment. Kabila a le devoir de démontrer aux Congolais qu'il est capable de défendre le pays contre les Ougandais, Rwandais, Angolais et autres vampires étrangers et nationaux Et d’ajouter : « Jusqu'a présent le gars a échoué lamentablement. On l'a vu négocier "la paix" avec Nkunda à Kigali et muet devant l'occupation de Bandundu par des troupes angolaises. Cette façon de gouverner est irresponsable et inacceptable. Si c'est ça qu'il appelle la fin de la recréation alors on doit se demander s'il sait de quoi il parle ». Un autre d’enchaîner : « Kinshasa ne peut rien faire contre l'occupation angolaise autant qu'il n'a jamais rien fait contre l'occupation rwandaise à travers Laurent Nkunda. » Cet internaute d’inviter les Congolais « à envisager des actions concrètes pour mettre fin à l'occupation» de leur pays ». Dans une récente prise de position publiée sur le Site du mouvement « Apareco », l’ancien conseiller spécial Honoré Ngbanda Nzambo Ko Atumba vitupère le « silence » de Joseph Kabila « face aux drames et aux humiliations » subis par la population. L’ancien chef des services secrets zaïrois d’inviter « les officiers et les militaires congolais qui ont désormais la preuve de la duplicité et de la trahison au sommet de l’Etat » à se tenir « prêts pour la libération effective de notre pays, des mains des imposteurs et des complices qui profitent de leur présence au sommet de nos institutions politiques et militaires pour parachever leur schéma de la balkanisation et de l’occupation de notre pays. Nous devons agir vite avant qu’il ne soit trop tard. » Pour des analystes, une chose paraît sûre : Joseph Kabila n’a pas les ressources nécessaires pour croiser le fer avec l’homme fort de Luanda. Puissance militaire régionale à l’échelle de l’Afrique centrale, l’Angola a la capacité de faire et de défaire les régimes. En août 1998, l’armée angolaise avait sauvé LD Kabila d’une défaite face aux troupes rwandaises venues de Goma. « Le risque est grand de voir l’Angola perpétuer la présence de ses troupes sur cette portion du sol congolais à moins que le Conseil de sécurité de l’Onu élève le ton», note un expert militaire.