La RDC sous le choc après le meurtre d'un célèbre journaliste de radio Okapi
Professionnels des médias, gouvernement et ONG étaient jeudi sous le choc après le meurtre de Serge Maheshe, journaliste à Radio Okapi, abattu mercredi soir par des inconnus à Bukavu, dans l'est volatil de la République démocratique du Congo (RDC).
A Bukavu comme à Kinshasa, la nouvelle de la mort de Serge Maheshe qui, à 31 ans, dirigeait la rédaction de la station de Bukavu de Radio Okapi (parrainée par l'ONU), a semé la consternation parmi les professionnels des médias, qui ont dénoncé un "assassinat" dont les mobiles restent pour le moment un mystère.
Les messages de condoléances et de solidarité ont afflué dans les rédactions de Radio Okapi, pour laquelle Serge Maheshe travaillait depuis son lancement en 2002, alors que la RDC était encore plongée dans une guerre régionale (1998-2003).
A Bukavu, des dizaines de proches et de collègues se sont rendus jeudi au domicile de Serge Maheshe, marié et père de deux enfants.
Sa famille, qui a prévu un enterrement vendredi après-midi à Bukavu, s'est refusée à toute déclaration. Seul son père a fait part de son incompréhension.
Jeudi matin, la police a mené des opérations de contrôle dans le quartier d'Ibanda, près du centre-ville de la capitale du Sud-Kivu, où le journaliste a été tué de cinq balles par des hommes en civil armés de kalachnikov. En milieu d'après-midi, les forces de l'ordre n'avaient procédé à aucune arrestation.
Depuis Kinshasa, le Premier ministre Antoine Gizenga a, par la voix de son porte-parole Godefroid Mayobo, condamné "avec la plus grande énergie" ce crime et "a demandé à la Monuc (Mission de l'ONU en RDC) et aux services de sécurité (congolais) de tout entreprendre pour que cet acte ignoble soit puni".
De leur côté, syndicats de la presse, ONG nationales et internationales ont exigé l'ouverture d'une enquête "indépendante" et des "garanties de sécurité" pour les journalistes en RDC.
"Cet assassinat (est) le quatrième qui frappe des professionnels des médias (3 journalistes et un technicien) en RDCongo en moins de deux années", a rappelé l'ONG locale Journaliste en danger (JED).
"De part le modus operandi de ce crime", JED "est fondée à penser que les tueurs non seulement connaissaient la victime mais aussi qu'ils étaient venus pour le tuer".
C'est aussi l'avis de l'ONG internationale Reporters sans frontières (RSF), qui a dénoncé un "assassinat ciblé".
Selon des témoignages recueillis par l'AFP, Serge Maheshe a été tué devant le domicile d'un ami à qui il venait de rendre visite en compagnie d'un autre ami.
Alors que les deux visiteurs s'apprêtaient à remonter dans la voiture de service de Serge, marquée du sigle des Nations unies, deux hommes en civil se sont approchés et ont ordonné aux trois amis de s'assoir sur le trottoir.
Lorsque ces derniers ont demandé si les agresseurs voulaient de l'argent, l'un d'eux a "pour toute réponse (..) tiré deux coups de feu dans les deux jambes du journaliste" avant de l'achever "de trois balles dans la poitrine", selon JED, qui souligne que les tueurs "n'ont rien emporté et n'ont même pas tenté de tirer" sur les amis de la victime.
De son côté, Radio Okapi restait très prudente, indiquant ignorer si ce crime était lié ou non à la profession de Serge Maheshe.
Professionnel intègre et talentueux, il avait couvert tous les grands épisodes de la vie politique congolaise des dernières années: des accords de paix de 2002 aux élections de 2006, en passant par la brève prise de Bukavu, en juin 2004, par des officiers tutsis congolais dissidents.
Selon ses collègues, il avait reçu, à plusieurs reprises, des menaces dans le cadre de son travail, émanant aussi bien de militaires congolais que de groupes rebelles.