Loi sur la décentralisation, rétrocession de 40%
Le sénateur Lunda-Bululu dénonce l’intention manifeste du gouvernement de violer la Constitution
Y a-t-il volonté ou intention, dans le chef du gouvernement, de violer la Constitution à propos de la rétrocession aux provinces des 40% de recettes à caractère national ? On est bien tenté de le croire. Dans tous les cas, le sénateur Vincent de Paul Lunda-Bululu n’a pas fait dans la dentelle, dénonçant ainsi ce qui a bien l’air d’une violation de la loi des lois, source de toute
légalité.
Vendredi 22 juin, le Sénat est en plénière dans le cadre de sa session extraordinaire. Les questions à l’ordre du jour font monter la température. Surtout que les points abordés, notamment la loi sur la décentralisation et le projet de loi budgétaire, constituent des enjeux de taille. Pas possible, dans ce cas, que le sénateur Lunda-Bululu ne puisse pas monter au créneau d’autant qu’il y a à redire. Particulièrement en ce qui concerne la rétrocession de 40% et le projet de loi budgétaire.
Tout est suffisamment clair
Première chose, il rappelle que la Constitution qui régit le pays est entrée en vigueur le 18 février 2006 pendant que le processus électoral a, à ce jour, abouti à la mise en place des institutions nationales et provinciales.
D’entrée, Lunda-Bululu pose le problème. « A part les articles qui sont placés sous l’empire des dispositions transitoires, tous les autres, affirme-t-il, doivent connaître leur entier déploiement, mais sans que l’on ne sache pourquoi le gouvernement central a suspendu l’application des dispositions qui sont en rapport avec l’autonomie des provinces ».
Il s’agit spécialement de l’article 175, alinéa 2 et des articles 203 et 204. Ces deux derniers précisent le contenu de l’autonomie des provinces. C’est-à-dire en d’autres termes, les missions et attributions que les institutions provinciales doivent accomplir en vue de gouverner leurs juridictions et d’assurer le bien-être des populations.
Et Lunda-Bululu d’ajouter : « Puisque les provinces ont, au niveau du législatif et de l’exécutif, des engagements à remplir à l’égard de leurs populations, la Constitution en vigueur indique la hauteur des ressources financières dont elles doivent disposer sur les recettes à caractère national et détermine les modalités pour y accéder ».
En effet, l’article 175, alinéa 2, de la Constitution, stipule : « La part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source ». Le sénateur Vincent de Paul est en bon droit de penser que « c’est violer la Constitution que d’empêcher les provinces d’avoir accès aux ressources qui leur reviennent conformément à cette loi des lois », source de toute légalité.
Certes, d’aucuns disent que la répartition des ressources financières entre les provinces et l’Etat, selon la formule 40% et 60%, est conditionnée aux vote et promulgation de la loi organique prévue à l’alinéa 4 de l’article 3. Mais Lunda-Bululu balaie l’argument d’un revers de la main. « Cette loi ne concerne pas du tout les rapports de quelque nature que ce soit entre l’Etat et les provinces », insiste-t-il, tout en précisant qu’ « elle n’a trait qu’aux rapports entre, d’une part, l’Etat et les entités territoriales décentralisées et, d’autre part, entre celles-ci et les provinces ».
Et Lunda-Bululu d’appuyer le pied sur la pédale : « L’absence de la loi organique ne peut aucunement servir d’argument pour refuser aux provinces le bénéfice de leur dû de 40% sur les recettes à caractère national ».
Intention de violer la Constitution
Il déplore que d’autres esprits aient même pensé que le ministère de l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité, d’un côté, les provinces, de l’autre, pouvaient trouver un compromis sur l’application de l’alinéa 2 de l’article 175. « Quelle idée surprenante, s’est-il exclamé, de croire que les institutions peuvent s’entendre pour mettre une disposition constitutionnelle au congélateur pendant une durée convenue ».
De toute façon, Vincent de Paul Lunda-Bululu estime que c’est en vain que l’on cherche une justification fondée sur la Constitution pour expliquer le refus du gouvernement de la République de voir les provinces accéder à leurs 40% sur les recettes nationales.
L’article 8 du projet de loi budgétaire viole, en effet, la Constitution en son article 175 alinéa 2 dès lors qu’il englobe les provinces et les entités territoriales décentralisées parmi les bénéficiaires des transferts et interventions en leur rétrocédant des recettes auxquelles elles n’ont pas droit ; les provinces ont droit à 40% des recettes nationales retenues à la source. Ce faisant, l’article 8 met les provinces dans l’impossibilité d’exercer leurs attributions concurrentes et exclusives respectivement arrêtées par les articles 203 et 204 de la Constitution.
« Je ne peux, cependant, penser, ni croire, ni même imaginer que le gouvernement de la République ait eu, un seul instant, la volonté (…) l’intention de violer la Constitution, fait constitutif du crime de haute trahison au regard de l’article 165, alinéa premier de la Constitution », déclare Lunda-Bululu du haut de la tribune de la Chambre haute, tout en mettant cela sur le compte « d’une erreur d’appréciation qui peut encore être corrigée au niveau de deux chambres législatives ».
Inadéquation, conséquences…
Autre registre, les dépenses de rémunérations. Ici également, Lunda-Bululu n’a pas fait de quartier. Après avoir noté que, dans son projet de loi budgétaire, le gouvernement a arrêté les dépenses de rémunérations à 274.314.000.000Fc pour 994.747 personnes payées par l’Etat - soit une moyenne de 275.763 Fc par personne et par an, ou 22.980 Fc par mois -, il a qualifié ces salaires de misérables. Quand bien même ces dépenses aient été portées par l’Assemblée nationale à 346.397.728.098 Fc soit une moyenne de 348.227 Fc par personne et par an, ou 29.019 Fc par mois.
« L’inadéquation entre le coût réel de la vie et la rémunération, a-t-il déploré, entraîne des conséquences indescriptibles pour les Congolais qui se vouent au service de l’Etat, et donc de la communauté ».
Ces conséquences sont connues du gouvernement. Et Lunda-Bululu en a égrené notamment : des conditions de vie infra-humaines ; les enseignants vont continuer à vivre sur le dos des parents et des élèves ; les agents de l’ordre forceront la population à compléter leur rémunération ; les militaires feront parler leur kalachnikov pour vivre uun peu plus dignement.
La concussion, la corruption ainsi que les détournements des deniers publics continueront non seulement à appauvrir l’Etat, les provinces et les entités territoriales décentralisées, mais aussi à se moquer éperdument de la bonne gouvernance.
Face à tout cela, le sénateur Lunda-Bululu aligne un certain nombre de questions. A quand une politique salariale qui prendra en compte une adéquation entre les moyens disponibles et le nombre de fonctionnaires et agents à rémunérer ? A quand une politique de rémunération qui réduira la tension salariale entre les différentes catégories socio-professionnelles de l’Etat ? A quand une véritable politique d’accroissement de la richesse nationale ?
Quel que soit le bout par lequel on prendra cette question, le professeur Vincent de Paul Lunda-Bululu estime, pour sa part, que « des réponses à ces questions éloigneront de cette vallée de larmes les fonctionnaires et les agents de l’Etat qui tentent désespérément d’y survivre ».