Retour de Bemba : la balle dans le camp du Sénat
Le retour du sénateur Jean-Pierre Bemba, président national du Mouvement de libération du Congo, MLC, est de nouveau à l’ordre du jour. Surtout après une série d’interviews qui ont gravité autour du même objet. La première « date butoir » était fixée au 11 juin 2007. La seconde intervient dans trois jours exactement. C’est-à-dire le 31 juillet. Que va-t-il se passer exactement ?
Parti le 11 avril au Portugal, précisément à Faro, pour des soins de santé, le sénateur Jean-Pierre Bemba, président national du MLC devrait, en principe, rentrer au pays le 11 juin. Et ce, pour autant que la permission qui lui avait été accordée par le Bureau provisoire du Sénat était de 60 jours.
Mais avant la fin de cette durée de permission, le sénateur Jean-Pierre Bemba avait sollicité une prolongation de son séjour au Portugal. Cela, pour plusieurs raisons. La première consistait à se rassurer totalement de son rétablissement physique. Et la seconde portait sur les exceptions qu’il avait soulevées en ce qui concerne sa sécurité. Accédant à cette demande, toujours dans le cadre des soins de santé, le Bureau du Sénat avait accepté que son séjour au Portugal soit prolongé. Ainsi, la deuxième « date butoir » interviendra le 31 juillet 2007. C'est-à-dire, dans trois jours. Logiquement, le sénateur Bemba devrait rentrer ce week-end ou en début de la semaine prochaine au pays.
Cependant, si l’on tient compte de ses dernières déclarations à la presse, de la déclaration politique du MLC rendue publique au terme de la Convention politique de ce parti qui s’est tenue du 20 au 22 juillet, ce retour demeure hypothétique. Il est conditionné par des assurances que devrait donner le président de la République au regard des démarches qui ont été menées auprès de lui tant par l’intéressé lui-même que par personnes interposées, notamment Louis Michel, Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire ainsi que par son parti, le MLC. A ce sujet, le mystère demeure encore complet.
Regards vers le Sénat
Il est un fait qu’à dater du 31 juillet, la balle se trouvera effectivement dans le camp du Sénat. Il lui revient en premier lieu de constater la présence ou l’absence du sénateur Bemba à partir du 31 juillet. Devant cette évidence, le Sénat a l’obligation morale et politique d’interpréter l’article 208 de son Règlement intérieur qui stipule : « Lorsque, après lui avoir assuré tous les soins médicaux nécessaires, le Bureau du Sénat constate qu’ un sénateur s’est absenté à deux sessions ordinaires consécutives pour raison de santé, il constitue une commission de trois médecins agréés pour examiner le malade s’il est au pays, ou le rapport médical si le malade est à l’étranger en vue de déterminer son aptitude à poursuivre son mandat. La Commission médicale dépose son rapport au Bureau du Sénat qui en informe l’Assemblée plénière. Celle-ci délibère à huis clos ».
De ce qui précède, il ressort que le sénateur Bemba s’est absenté à une session ordinaire et une session extraordinaire. Dans ce cas, le Bureau du Sénat devra constituer une commission médicale pour examiner son rapport médical, puisque séjournant à l’étranger dans l’hypothèse où il ne rentrait pas le 31 juillet. Avant d’en informer la plénière pour que l’affaire soit prise en délibéré à huis clos.
Or, à la lecture de cette disposition, le Bureau de Sénat ne peut constituer cette commission médicale qu’au terme de la deuxième session ordinaire si d’ici là le sénateur Bemba ne rentrait pas encore au pays. Cette session ordinaire sera ouverte officiellement le 15 septembre 2007. Partant, Jean-Pierre Bemba dispose encore d’une grande marge de manœuvre pour gérer son temps, son absence.
Des poursuites judiciaires
Cet aspect du problème a été évoqué tout au long des interviews accordées tant par le président de la République que par le sénateur Jean-Pïerre Bemba. Pour le chef de l’Etat, évoquant les événements dramatiques du mois de mars dernier, il a déclaré que le retour de Bemba ne relevait plus de lui, mais du domaine de la justice dès lors que le Procureur de la République avait initié une requête d’information appuyée par une demande de levée de l’immunité parlementaire du sénateur Bemba Gombo.
Toutefois, cette requête d’information, ayant été adressée au Bureau provisoire du Sénat qui n’avait pas compétence pour statuer sur ce cas, devrait être renouvelée et adressée au Bureau définitif si le Procureur tient à aller jusqu’au bout de sa démarche. Dans ce cas et conformément à l’article 211 toujours du Règlement intérieur du Sénat : « Le Bureau du Sénat constitue une commission spéciale pour l’examen de toute demande de levée de l’immunité ou de suspension des poursuites déjà engagées à charge du sénateur. Les membres de la commission spéciale sont désignés conformément aux dispositions de l’article 177 alinéa 3 du présent Règlement intérieur ». Ceci dit, dan le cas d’espèce, le premier pas devra être effectué par le Procureur de la République en direction du Bureau du Sénat.
Par ailleurs, restons toujours dans cette hypothèse de la relance des poursuites judiciaires pour dire que Louis Michel, Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, a mis à profit son récent séjour à Kinshasa pour évoquer justement cet aspect du problème avec le chef de l’Etat. C'est-à-dire, obtenir de lui que des poursuites judiciaires contre Bemba soient abandonnées et qu’une issue politique soit privilégiée à ce sujet.
Si l’on ignore encore la réponse officiellement du chef de l’Etat, à une question de Jeune Afrique sur ce point précis, le président Kabila s’était reporté sur le cas de Ségolène Royal et Guy Verhofstadt, malheureux perdants des élections présidentielles et législatives respectivement en France et en Belgique. Ces personnalités politiques n’ont jamais quitté leur pays et continuent leur « combat politique » sur place. Comme pour dire que les exigences de Bemba ne seraient pas fondées dès lors que les questions sécuritaires avaient déjà trouvé un compromis dans un cadre global qui concerne tous les anciens vice-présidents de la République.
Le parcours politique
Au regard de ce qui précède, et tel que nous l’évoquions dans les précédentes lignes, Bemba dispose d’une grande marge de manoeuvre, allant jusqu’en avril 2008. Cependant, cette marge de manoeuvre ne lui sert pas politiquement au moment où l’on s’apprête à appliquer la loi sur le Statut de l’Opposition politique. Tout le problème est là.
Depuis Faro, au Portugal, Jean-Pierre Bemba affirme qu’il entend rentrer au pays pour continuer son « combat républicain ». Or, il n’est un secret pour personne que Bemba ne vise qu’à assumer le rôle de « Porte-parole » de l’Opposition, un rôle qui lui conviendrait le mieux compte tenu de derniers résultats des élections présidentielle et législatives. Cependant, tant qu’il sera « forcé à demeurer en exil », une autre personnalité politique pourrait bien occuper ce poste.
Conscient de cette probabilité, le MLC, dans sa dernière déclaration politique, sollicitait auprès du chef de l’Etat qu’une solution politique soit trouvée à ce sujet afin que son président national regagne le pays. Le MLC réitérait ainsi le souhait exprimé dans son communiqué de presse du 10 juin en appelant au «chef de l’Etat et à tous ceux qui croient aux vertus de la démocratie, au sein de la communauté nationale et internationale, de s’impliquer dans la recherche des voies politiques et pratiques qui peuvent conduire à ce retour ».
Au demeurant, désormais le retour de Jean-Pierre Bemba est à l’ordre du jour. La balle se trouve dans le camp du Sénat.