Le gouvernement Gizenga oublie l’Est
Le Kivu, ventre mou de la République…C’est depuis plusieurs années que les Congolais fredonnent cette rengaine. Elle est tellement à la mode que la communauté internationale a elle aussi appris à jouer la partition. Mais sans que grand-chose ne change à la situation sécuritaire à l’Est du pays où groupes armés étrangers et congolais dictent leur loi. Entre-temps, une nouvelle donne est venue s’ajouter. Incarnée par Laurent Nkunda, elle rend l’équation encore plus compliquée pendant que le gouvernement semble laisser les choses pourrir.
Que faut-il encore de plus pour que le gouvernement congolais prenne à bras-le-corps la situation sécuritaire qui prévaut à l’Est de la République démocratique du Congo ? Alors qu’elle se dégrade davantage chaque jour, au vu et au su de tout le monde, en premier lieu le gouvernement de la République, rien de concret ne semble être fait sur le terrain pour inverser les malheureuses tendances et ramener la paix et la tranquillité dans cette partie du territoire national.
Il est vrai qu’on en parle chaque jour. Il est tout aussi vrai que la question est souvent, si pas chaque fois, abordée au niveau du gouvernement Gizenga qui semble ne pas en démordre. En tous les cas, c’est parmi les sujets qui reviennent dans les comptes rendus consacrant la plupart des conseils de ministres. Mais, on a malheureusement la nette impression que c’est beaucoup plus pour se donner la conscience tranquille, aussi bien vis-à-vis de l’opinion nationale qu’internationale, que les membres du gouvernement se livrent à cet exercice. Pas plus. Tout se passe comme s’ils n’étaient pas tenus à l’obligation de résultats dans ce dossier, comme dans bien d’autres évidemment. Et pourtant, la question mérite d’être placée parmi les premiers défis que le gouvernement se doit de relever.
Quatre, cinq, six…dix ans, c’est trop, s’insurge-t-on dans l’opinion publique, pour pouvoir trouver la réponse qui convienne à un problème qui aurait pu être résolu s’il y avait effectivement un engagement fort de la part des autorités congolaises. Mais tel n’est pas le cas. On a tellement laissé faire que finalement tout indique que ce n’est pas demain ni après-demain que ce que beaucoup considèrent, à juste titre d’ailleurs, comme une énorme épine, sera extirpé de la réalité congolaise.
NKUNDA S’INSTALLE DURABLEMENT
« Il y a tellement d’intérêts qui s’imbriquent dans ce dossier qu’il est difficile pour le moment de dire par où le salut va venir », s’inquiète un notable du Kivu. « Il y a énormément de complicités qui se sont tissées dans ce puzzle, surtout avec l’entrée en scène de Laurent Nkunda, que le ciel se présente sous des jours encore plus sombres, tout aussi bien pour l’intégrité du pays que pour l’avenir du Nord et du Sud-Kivu », avertit un observateur très au fait de l’évolution de la donne politique dans la région des Grands lacs. Il craint que la situation ne soit tirée en longueur. Il appuie son argumentation sur le fait que certains pays voisins, avec à leur suite des multinationales, sont tellement sensibles à Laurent Nkunda que la solution pourrait venir de ce côté-là. Avec le risque de voir le pays floué dans ce qui ne serait, au bout du parcours, qu’un marché de dupes de plus.
Au moment où Laurent Nkunda s’installe durablement – il a une armée, une police, une administration, il lève les impôts – l’heure a sonné pour que, d’une manière ou d’une autre, le gouvernement de la République mette fin à l’aventure du général déchu. Il ne faudra que l’on continue à mettre en place les conditions d’installation et de survie d’une légende dont aucun Congolais digne de ce nom n’a besoin.
Pas question donc que le gouvernement prenne le « dossier Nkunda » comme une guigne. Dans tous les cas, l’Exécutif national a tout intérêt à regarder avec moins de condescendance Nkunda et sa bande. Tout le monde, presque, a enfourché cette trompette qu’il faille aujourd’hui prendre le taureau par les cornes. La société civile du Kivu notamment a donné de la voix, exprimant sa vive préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire à l’Est du pays. Plusieurs fois, les ecclésiastiques sont montés au créneau pour fustiger cet état de choses. Le secrétaire général des Nations unies et le Conseil de sécurité l’ont fait dans le même sens, s’ « inquiétant tout particulièrement de graves conséquences humanitaires des actions violentes » de groupes armés étrangers, notamment les FDLR et des activités militaires des forces fidèles à Laurent Nkunda.
En définitive, le gouvernement est appelé à sortir du carcan dans lequel il s’est enfermé afin de passer à la vitesse supérieure dans un dossier qui n’a que trop duré. La Monuc dont la mission consiste entre autres de contribuer à la restauration de la sécurité et de la paix dans l’Est a la bien triste réputation de jouer à l’abonné absent. Elle a tellement montré ses insuffisances qu’on ne pourrait rien attendre d’elle.