La crise belge bat un record
Cent quarante-huit. C'est le nombre de jours que la Belgique a
passé sans gouvernement. C'est aussi un record historique, car le Royaume dirigé
par Albert II n'avait jamais connu une crise politique aussi longue. Depuis le
10 juin dernier, date à laquelle Yves Leterme, le leader flamand des
chrétiens-démocrates a glorieusement remporté les législatives, l'unité du pays
est sur une corde raide.
C'est fait. Alors que le décompte était lancé depuis les législatives du 10 juin
dernier, et que le spectre de la crise institutionnelle de 1987 se profilait de
plus en plus, la crise d'identité belge a bel et bien franchi des sommets. Elle
a battu lundi son record historique de longévité, et frôle désormais les cinq
mois.
Cinq mois que le Royaume de Belgique n'a pas de gouvernement. Cinq
mois que le Nord et le Sud se déchirent de plus en plus, mettant en péril la
stabilité de l'Etat fédéral. Cinq mois que le gouvernement sortant du libéral
flamand Guy Verhofstadt en est donc toujours à gérer les "affaires courantes" du
pays. Alors que le leader Flamand des chrétiens-démocrates, qui s'est partagé la
victoire des dernières élections avec les libéraux, a, depuis, connu des hauts
et des bas, l'impasse politique dans laquelle se trouve la Belgique, elle,
stagne littéralement. Yves Leterme a dans un premier temps fait chou blanc dans
sa mission de créer une "Orange Bleue" - du nom des couleurs des deux partis
vainqueurs - ce qui lui valu d'être remercié par le roi Albert II, puis il a été
rappelé fin-septembre par ce dernier afin de réessayer de faire ses preuves là
où il avait échoué.
Le statut de l'arrondissement de
Bruxelles-Hal-Vilvorde, un enjeu majeur
Selon Rtbf.be, le site
de la radio et de la télévision belge francophone, cette semaine sera décisive
pour cet ancien patron de Flandre, et pour l'Orange bleue. Si jusqu'ici, Yves
Leterme, candidat au poste de Premier ministre, n'a évoqué que des sujets qui
font consensus avec ses partenaires, l'embryon de coalition devra maintenant
s'attaquer aux dossiers sensibles. A savoir le "budget de l'état", les
"institutions", mais aussi et surtout le statut "de l'arrondissement
électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), avec l'ultimatum posé
par les parlementaires flamands qui menacent de voter la scission en commission
mercredi". Le BHV est le seul arrondissement bilingue du royaume, et
représente aux yeux des Belges la division entre les deux communautés, d'où son
aspect symbolique qui lui confère une importance majeure. En effet, Bruxelles
est à la fois la capitale de la Belgique et de la Flandre, mais elle est à
80-90% francophone. Alors les francophones s'accrochent aux prérogatives qui
leurs restent dans cet arrondissement, et s'opposent fermement à cette scission.
La crise linguistique, culturelle, politique et économique de la
Belgique remonte en fait aux années 1960, soit depuis que la Flandre
néerlandophone, située au Nord du pays, a concrétisé sa quête d'indépendance en
faisant de la Belgique un Etat fédéral. Depuis, elle veut donner de plus en plus
de compétences aux régions, ce à quoi la Wallonie francophone est opposée. En
1987, la désormais deuxième crise constitutionnelle belge en terme de longévité
avait également porté sur une rivalité communautaire. Il s'agissait d'un
désaccord sur le statut linguistique des Fourons, une commune flamande enclavée
en Wallonie. Aujourd'hui, la presse belge espère encore que les Flamands et les
Francophones finiront par trouver un compromis, avant que cette crise
n'aboutisse à un éclatement pur et simple de la Belgique.