RD Congo 2008 : entre espoir et incertitudes
La mise en œuvre du
contrat conclu avec la Chine, attendue au cours de l’an 2008, constitue
sans aucun doute un motif d’espoir tant pour les gouvernants congolais
que pour la population. L’année qui pointe à l’horizon pourrait se
révéler riche en incertitudes. La défaite des Forces armées de la RD
Congo à Mushaki, les résolutions de la conférence sur la paix et la
sécurité au Nord Kivu pourraient engendrer des conséquences
imprévisibles. La situation du leader du MLC, en exil au Portugal
depuis avril dernier, pourrait connaître un rebondissement. Le
partenariat Kabila-Gizenga ne fait plus illusion quant à sa pérénnité.
Dans un billet daté 28 décembre, l’Agence
congolaise de presse (ACP), un média d’Etat, entrevoit l’année à venir
sous des perspectives plutôt riantes. L’année 2007, écrit-elle, a vu,
au plan économique, la RD Congo «consolider les acquis de la stabilité
macroéconomique». Kinshasa peut désormais accéder au point d’achèvement
de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés), avec comme toile de
fond l’effacement de la dette congolaise à plus de 90 %.
Sur le
plan politique, l’Agence nationale fait état de la détermination de
Joseph Kabila «à pacifier de manière durable» la partie orientale su
pays. C’est dans ce cadre que Kabila a, selon elle, initié une
conférence pour la paix, la sécurité et le développement dans le Nord
et Sud-Kivu.
La reconstruction
A en croire l’ACP
toujours, cette initiative a été « bien accueillie par le peuple
congolais», ce qui confirme, selon elle, l’adage selon lequel «même en
cas de victoire militaire, la consolidation de la paix se fait toujours
autour d’une table». De quelle victoire parle-t-on ? Dans un message de
vœux transmis à la presse, en date du 30 décembre, le représentant
permanent au Benelux du Parti lumumbiste unifié (Palu), Alain Kisengo
Kandende-a-Lunguya fait preuve d’un même optimisme. Selon lui, grâce à
un partenariat avec la Chine, «l’année 2008 marquera le début de la
véritable reconstruction de notre pays en termes d’infrastructures
notamment routes, autoroutes, hôpitaux, universités, chemins de fer et
logements sociaux.» Sur le plan politique, Kisengo prend la posture
d’un opposant en relevant que le Palu «entend souligner une donnée
fondamentale à l’édification d’une démocratie réussie». Pour lui, cette
édification implique « le respect de l’opposition tant institutionnelle
que non-institutionnelle.» Comme pour avouer que la coalition au
pouvoir n’a laissé à l’opposition qu’une place dérisoire, le
représentant du Palu note qu’«il y va de la réussite de la crédibilité
d’un modèle démocratique que notre parti Palu, appelle de tous ses
vœux.» Ces deux tableaux idylliques sont loin d’occulter quelques
incertitudes qui semblent planer sur l’année 2008.
Les incertitudes
Le
passé étant le garant de l’avenir, il faut dire que plusieurs
événements survenus au cours de l’année qui s’achève ont laissé des
plaies béantes au plan psychologique assénant un coup à la cohésion
nationale. Le massacre des adeptes du mouvement politico-religieux
Bundu dia Kongo (134 morts, selon la MONUC) ; l’arrestation de
l’avocate Marie-Thérèse Nlandu Mpolo Nene ; l’occupation, par l’Angola,
de plusieurs villages du territoire de Kahemba dans la province de
Bandundu ; la suite des affrontements entre les soldats de Jean-Pierre
Bemba et des membres de la garde présidentielle de Joseph Kabila et
l’exil du leader du MLC ; la chasse à l’homme menée par les forces
dites de sécurité dans les milieux de l’opposition en général et des
ressortissants de la province de l’Equateur en particulier. Ce sont là
des faits à mettre dans le passif de l’année 2007. Un passif qu’on
aurait tort à passer par pertes et profits. Un effet boomerang n’est
pas à exclure. C’est la première incertitude. La seconde incertitude
concerne les conséquences de la crise de confiance qui prévaut au sein
de l’armée nationale à la suite de la défaite de Mushaki. Lundi 10
décembre, les combattants du CNDP ont reconquis cette dernière localité
à l’issue d’un combat sanglant qui a ressemblé, selon des sources, à un
traquenard. Plusieurs centaines de soldats loyalistes ont péri. Les
insurgés ont récupéré un important lot d’armes et munitions. Il n’est
plus rare d’entendre des propos du genre «Kabila a organisé cette
défaite pour conforter la position de Nkunda afin d’engager des
négociations». Vrai ou faux, il existe un vrai malaise au sein de
l’armée. Plusieurs centaines de soldats ont déserté. Va-t-on assister à
quelques actions de défiance à l’encontre d’une hiérarchie politique et
militaire accusée, à tort ou à raison, d’être de connivence avec
Laurent Nkunda ? La troisième incertitude porte sur le contenu des
résolutions qui seront prises lors de la Conférence sur la paix, la
sécurité et le développement au Nord-Kivu. Quel sera le prix à payer au
«général Laurent» ainsi qu’à ses combattants du CNDP (Congrès national
pour la défense du peuple) pour créer les conditions d’une paix durable
dans cette région ?
Est-Ouest
Kabila va-t-il
fumer le calumet de la paix avec le général dissident à l’Est pendant
qu’à l’Ouest le procureur général de la République et des faucons de la
Présidence de la République continuent à promettre des bosses et des
plaies à Bemba, accusé d’avoir voulu «éliminer physiquement» le «raïs»
? Quelle sera la réaction de l’opinion sur une solution frisant deux
poids, deux mesures ? Ce sont là des questions qui reviennent dans
toutes les conversations dans les milieux congolais. Autre
interrogation : Nkunda va-t-il obtenir, avec le soutien américain et
rwandais, une autonomie dans l’espace territorial conquis pour mieux
assurer la sécurité de ses «frères» ? La Conférence épiscopale du Congo
(Cenco) a déjà sonné le tocsin en mettant les «négociateurs» présents à
Goma en garde sur le caractère non-négociable de l’unité physique du
territoire congolais. «La Cenco saisit l’occasion pour rappeler que le
principe de l’intégrité territoriale et de l’intangibilité des
frontières doit être respecté. Ce qui confirme l’urgence de la
formation d’une armée vraiment républicaine, qui soit capable de
répondre à sa mission de défendre et de sauvegarder l’intégrité du
territoire national», peut-on lire dans un communiqué daté 22 décembre
dernier, sous la signature du président de la Cenco, Mgr Laurent
Monsengwo Pasinya. Dans le passé, on a vu les évêques prendre une
position en pointe avant d’adopter un profil bas suite à des pressions
diplomatiques. Il faut espérer que les princes de l’Eglise catholique
feront preuve de constance et de fermeté.
AMP-PALU
Dernière
incertitude : le partenariat Kabila-Gizenga. Dans une déclaration faite
à l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique, édition n°2449, datée 16-22
décembre, le président de l’Assemblée nationale, le PPRD Vital Kamerhe
a dit haut et clair que le gouvernement du Premier ministre Antoine
Gizenga ne dispose plus que de quatre mois pour convaincre. « Jusqu’en
avril 2008, c’est le dernier sursis », a-t-il déclaré. Personne ne
pense sérieusement que le chef du gouvernement fera des miracles en
quatre mois là ou il n’a pu faire en dix mois. On peut gager que le «
patriarche » du Palu vendra chèrement sa peau. Lors du débat sur le
budget 2008, ses partisans avaient fait une petite démonstration de
force en manifestant devant le Palais du peuple…L’homme a pris goût aux
délices du pouvoir. En vérité, le chef du gouvernement a déçu tous ceux
qui avaient cru voir en lui un vrai réformateur. Le «Premier» n’a pas
été capable de dresser la liste des matières prioritaires et de
mobiliser les moyens dans cette direction. Il a, par contre, brillé
tant par son obséquiosité à l’égard de Joseph Kabila que par son
évanescence pendant des moments graves. Gizenga a raté l’occasion
d’élargir sa base sociale par un contact direct avec la population. Au
total, c’est un bouc émissaire tout désigné pour le clan kabiliste. On
le sait, le poisson pourrit par la tête. Il faut craindre que la
reconstruction annoncée dans le cadre des « Cinq chantiers » soit à
reportée à l’année 2009 faute d’avoir éradiquer les incertitudes
devenant des obstacles.
B. A. W