RDCongo: eau souillée et pauvreté entretiennent le choléra au Katanga
"Cette maladie est satanique !", lance Annie, qui prie "tout le temps" pour éloigner le mal qui lui a déjà pris un de ses six enfants: à La Kenya, commune populaire de Lubumbashi, le choléra sévit depuis des mois et rien ne semble devoir enrayer sa progression.
"On n'a pas de robinet ici. On boit de l'eau de pluie. Le gouvernement a distribué du chlore (pour purifier l'eau) le 7 février, mais c'est déjà épuisé. je n'ai pas d'argent pour en acheter", explique Annie Masengo.
Cette mère de famille vient de perdre un fils de trois ans, conduit trop tard dans un des centres de traitement du choléra installé par l'organisation Médecins sans frontières (MSF) à Lubumbashi, capitale de la riche province minière du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.
A Lubumbashi, deux quartiers populaires sont frappés de plein fouet par la maladie: en quatre mois, 50 décès ont été enregistrés sur environ 2.600 cas. Au niveau provincial, le choléra a tué une centaine de personnes sur près de 4.500 affectées, selon MSF.
"Nous avons encore en moyenne à Lubumbashi et à Likasi (deuxième ville la plus touchée) 60 nouveaux cas par jour", explique à l'AFP Bertrand Perrochet, coordonnateur du Pool d'urgence Congo de MSF.
"Au niveau de la prise en charge médicale, nous pouvons faire face à l'afflux de malades. Mais le problème, ajoute-t-il, est d'enrayer la maladie en s'attaquant aux causes de sa propagation".
A Lubumbashi comme à Likasi, les foyers épidémiologiques se trouvent dans des quartiers populaires, où la majorité des habitants vivent dans des conditions d'hygiène déplorables, favorisant le développement de cette infection intestinale hautement contagieuse et mortelle faute de traitement.
A La Kenya, les maisons vétustes au sol de terre battue n'ont pas de toilettes. Des urinoirs collectifs ont été bâtis à la va-vite, pour desservir des blocs de quatre ou cinq parcelles.
Dans une cour, un tuyau percé d'adduction d'eau est souillé par le ruissellement venu des toilettes collectives voisines, construites juste à côté d'un puits.
Dans une maison proche, Christin Mulage, la cinquantaine, s'entasse avec ses deux femmes et ses 14 enfants. Il se présente comme un "rescapé": il rentre à peine de l'hôpital et a pris la résolution de chlorer l'eau de la maisonnée.
Mais il se demande s'il en aura les moyens: "la bouteille d'un demi-litre était à 200 francs congolais et aujourd'hui, elle est passée à 500" soit environ un dollar, explique ce soudeur intérimaire qui gagne entre 4 et 10 dollars par jour.
"Nous avons signalé qu'un effort doit être fait par la société nationale chargée de la distribution d'eau pour desservir les quartiers touchés", explique le Dr Vital Mundunge, qui dirige la direction de la lutte contre la maladie au ministère de la Santé.
"C'est un investissement important, qui concerne le long terme. En attendant, nos équipes ont été renforcées sur le terrain et font de la sensibilisation, des distributions d'eau et de désinfectants chlorés pour l'eau", affirme-t-il.
Mais à La Kenya, Albertine Mwambuyu, commerçante de 42 ans venue de la province voisine du Kasaï oriental, se plaint d'une distribution inégale, où certains habitants sont favorisés par "leurs relations" avec les autorités locales.
"Moi je ne connais personne. Quand il y a des distributions, je n'ai jamais rien", explique cette veuve, qui déplore qu'il n'y ait aucun registre des distributions.
Depuis des années, les habitants réclament en vain une réhabilitation du système d'alimentation en eau de leur quartier. "Ces tuyaux pourris, lâche un jeune homme, ils n'ont pas été refaits depuis le départ des (colonisateurs) Belges", en 1960.