LE PRÉSIDENT KABILA...(IN)JUSTICE ET DÉSHONNEUR... Duel aux couteaux ?
S’achemine-t-on vers une paralysie généralisée de l’appareil judiciaire de l’Etat congolais ? La question est très bien posée au regard du mouvement d’arrêt de travail d’une semaine initié, le vendredi 15 février dernier, par le Synamag, un des principaux syndicats des magistrats. Le mot d’ordre, s’il faut l’appeler ainsi, aurait été largement suivi à Kinshasa et en provinces, selon plusieurs sources recoupées.
Mais, le Ministre de la Justice et des Droits Humains, dans une de ses dernières prestations abondamment relayées sur quelques chaînes de télévision de la place, a une autre lecture des événements. Il minimise la démarche de ces magistrats « aigris » et crie ouvertement au scandale. Les faits, à son avis, sont têtus. Dans un argumentaire juridiquement calligraphié, il balaie d’un revers de la main, l’hypothèse fort alléguée d’une quelconque violation de la Constitution et des Statuts des Magistrats. Sur toute la ligne, il blanchit comme la neige, le Président Kabila, 37 ans. Et dur comme fer, Mutombo Mutombo Bakafwa Nsenda, Avocat de son état, n’entend point fléchir les genoux devant l’avalanche de revendications des magistrats retraités. « Non », dit-il. Il attend les recours. A ce stade, il en a déjà trois. « S’il y a eu des erreurs de calcul sur le nombre d’années d’âge ou celui de carrière de chacun de ces magistrats, il implorera le Président de la République de les corriger ». Dans sa foi, Mutombo estime que Kabila Joseph est sur le droit chemin. Et que personne ne le perturbe ! Car, il se dit conscient que la réforme de la justice ne se fera pas sans casses. Par contre, il prie les nouveaux nominés ou promus de prendre les arcanes du pouvoir judiciaire du pays et de faire respecter l’esprit et la lettre des ordonnances présidentielles du 9 février 2008.
Voilà qui plante le décor d’un véritable bras de fer entre le pouvoir exécutif et judiciaire. C’est un duel aux couteaux. Une guerre à haut risque mais pour combien de temps ? Difficile à répondre, du moins pour l’instant. Même s’il n’est pas permis de développer un pessimisme obtus. A l’horizon, il ne faudra surtout pas céder à la fatalité. L’histoire renseigne qu’à chaque fois qu’un peuple est à la croisée des chemins, il se fraie toujours une issue. En l’espèce, les magistrats retraités demandent au Président Kabila de rapporter sa kyrielle d’ordonnances, d’une part. Et, de l’autre, le Ministre Mutombo braque ses phares en direction des méfaits à l’origine de la mort quasi-totale de la justice congolaise. Deux visions diamétralement opposées et, par ricochet, inconciliables. S’il advenait que le schéma Mutombo soit appliqué lequel prévoit, à brève échéance, le recrutement de plus ou moins 2.500 nouveaux magistrats, M. Sambayi, le Président du Synamag, croit que la justice serait laissée aux mains des néophytes ; des personnes inexpérimentées.
Ainsi, entre l’objectif visé de rendre la distribution de la justice potable comme l’eau de la Régideso, et, les paramètres liés aux exigences des droits garantis ou acquis par les magistrats aujourd’hui retraités, le choix n’est pas facile pour Kabila, le jeune Père de la Nation. Va-t-il se laisser emporter par le discours de Mutombo avec tout son florilège d’arguments motivant la mise en application sans failles de ses ordonnances ou cherchera-t-il à se dédire en les rapportant pour échapper au courroux de ces magistrats retraités ? En tout cas, le jeu est ouvert. Il en détient, d’ailleurs, la clé de voûte. M. Sambayi souhaiterait qu’il – le Président Kabila- reçoive une délégation de magistrats retraités pour un échange de vues sur cette cruciale question de l’inconstitutionnalité ou non de ses ordonnances.
Ce lundi matin jusqu’à vendredi prochain, le mouvement d’arrêt de travail, ajoute-t-il, se poursuit. D’autres actions de grande envergure sont envisagées pour tordre le coup à ces ordonnances présidentielles signées, selon lui, dans « l’illégalité et en violation de la constitution ». A tout prendre, le duel aux couteaux commence cette semaine. Il conduira certainement à la radicalisation des positions des uns et des autres.
Sans un petit bémol, le Président Kabila divorcera d’avec cette frange des magistrats retraités sur une fausse note.
Au fond, est-ce que le climat politique s’y prête ?