Grève des camionneurs : Kinshasa au bord de l’asphyxie !
* Au septième jour de la grève, la rareté des produits d’importation, notamment les vivres frais et les médicaments, se fait sentir dans la capitale. Si l’on n’y prend garde, les choses pourraient se gâter rapidement... * Selon certaines sources crédibles, la ville n’en a plus que pour une dizaine de jours de réserve de farine de froment. La crise alimentaire pourrait s’accentuer avec la raréfaction du pain… * Dans les milieux des opérateurs économiques, on se préoccupe du choix de la période. *La grève survient au moment où les ports de Matadi et Goma sont pleinement engorgés et nécessitent une sorte d’opération coup de poing pour le désengorgement et au moment aussi où la Banque centrale s’apprête à lancer des nouveaux billets dont la coupure de Fc. 1.000 ! *Le danger est donc réel. Car dans un environnement politique marqué par des rumeurs, et cela à l’approche du lancement effectif des travaux relatifs aux 5 Chantiers, tout début d’incendie nécessite une intervention rapide du sapeur-pompier qu’est le gouvernement.
Voici huit jours que les camionneurs observent une grève sur la Nationale n°1 dans son tronçon Kinshasa-Matadi. Une centaine de camions environ empêche toute circulation aux niveaux de Lukala, Kwilu-Ngongo, Mbanza-Ngungu et Kisantu.
Les premières conséquences se font sentir avec la décomposition des vivres et la pollution de l’environnement. Mais, le plus dur est en train de venir principalement pour Kinshasa. En effet, la rareté des produits d’importation – notamment les vivres et les médicaments – se fait sentir au travers de la hausse croissante des prix sur le marché. Si l’on n’y prend garde, les choses pourraient se gâter rapidement.
Il ressort des informations recueillies des sources crédibles que même l’Onatra n’est pas en mesure d’offrir une issue de secours. Une grosse industrie de la place a tenté en début de semaine de faire déplacer ses produits par rail, mais l’office n’a pas de locomotive appropriée ! On apprend, en plus, que la ville n’en a plus que pour une dizaine de jours de réserve en farine de froment. La crise alimentaire pourrait s’accentuer avec la raréfaction du pain.
Légitimité, oui ; légalité, non !
Démarrées la semaine passée, les négociations entre les employeurs et l’Intersyndicale des camionneurs ont vu ces derniers réclamer du patronat près de Usd 1 million qui serait détourné, à en croire son président, André Tshikoji ! Ce dernier ne donne cependant aucune précision sur les auteurs et sur le modus operandi, se contentant de déclarer : « …qu’on verse d’abord tout l’argent dû à la profession détourné par les employeurs. Nous avons déjà répertorié plus de 1000 000 USD. On doit revoir la rémunération à 1.500 USD pour les chauffeurs, car nous voyons l’argent qui entre, c’est rien, et nous voyons le rythme du travail ».
Un directeur d’une entreprise de transport a brandi le communiqué conjoint signé respectivement par le patronat, le ministère des Transports et Voies de communication ainsi que l’Intersyndicale dans demande est faite aux camionneurs de dégager la Nationale n°1 et à la Fec d’ouvrir des négociations ayant malheureusement échoué. Du moins jusque-là. La Fec , pour sa part, reconnaît certes la légitimité de l’action menée. Toutefois, elle invite les intéressés à rester dans la légalité tout en sollicitant l’intervention du gouvernement.
Inflation en marche
Dans les milieux des opérateurs économiques, on se préoccupe du choix de la période. En effet, la grève survient au moment où les ports de Matadi et Goma sont pleinement engorgés et nécessitent une sorte d’opération coup de poing pour le désengorgement. Les conteneurs n’ont pas que de vivres ou de médicaments. Il y a aussi des équipements et des pièces de rechange dont certains, a-t-on appris, sont directement concernés par les 5 Chantiers. Le blocage du programme convenu par le gouvernement, l’autorité portuaire et les armateurs, c’est finalement l’économie nationale qui s’en trouve elle-même étranglée en même temps que sont perturbées les prévisions budgétaires pour l’exercice 2008. Ceci d’un.
De deux, la grève survient au moment où l’on enregistre une dévaluation du Franc congolais et où la Banque centrale envisage la mise en circulation des nouvelles coupures dont celle de Fc 1.000. La délégation du Fmi, venue à Kinshasa pour suivre le processus du Point d’achèvement de l’Initiative Ppte, s’en inquiète. Briam Ames, le chef de cette délégation, situe l’inflation à 16 % pour janvier et 15 % pour février.
Gouverneur de la Banque centrale, Jean-Claude Masangu a engagé la responsabilité et du gouvernement et de son institution dans ce dérapage. « Sur le plan budgétaire, il y a eu des dépenses imprévues, des dépenses sécuritaires qui n’étaient pas dans le budget, auxquelles le gouvernement a été obligé de faire face. Il y a également eu pas mal de catastrophes auxquelles le gouvernement a du faire face pour assister la population. Et du côté de la Banque Centrale, elle a du injecter de l’argent dans l’économie. Et elle en a injecté trop », a-t-il déclaré. Aussi, a-t-il estimé que dans un tel contexte actuel, il ne peut mettre en circulation ces billets. « La banque centrale ne lancera pas de nouvelles coupures dans un contexte d’instabilité. Pour que ces coupures soient acceptées et pour qu’elles aient un succès, pour qu’elles soient accueillies par la population, il faut d’abord stabiliser les prix, stabiliser la monnaie, annoncer des coupures à valeur faciale élevée », a-t-il dit. Evidemment, a il a trouvé lui aussi dans le blocage des conteneurs à Matadi et à Kasumbalesa l’une des causes de la hausse des prix observée sur le marché.
« Gouverner, c’est prévoir »
Le danger est donc réel. Or, dans un environnement politique marqué par des rumeurs, et cela à l’approche du lancement effectif des travaux relatifs aux 5 Chantiers, tout début d’incendie nécessite une intervention rapide du sapeur-pompier qu’est le gouvernement.
Au septième jour d’une grève juste aux apparences mais pouvant faire l’objet d’une récupération politicienne, l’appel du patronat en direction des Pouvoirs publics mérite d’être entendu et compris. Gouverner, c’est prévoir, dit-on. A Gizenga II de se le tenir pour dit.
O. N. L