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LOSAKO
18 mars 2008

Un gouverneur pas comme les autres

pict_122810Le Katanga bénéficie d'un gouverneur au dynamisme exceptionnel. Mais à Lubumbashi, on a le sentiment que Kinshasa lui met des bâtons dans les roues.

reportage

Grand, mince, très droit - altier même - les traits fins, les yeux vifs et méfiants sauf lorsqu'il flashe un éblouissant sourire d'adolescent, le gouverneur élu du Katanga a un physique d'acteur de cinéma.

Quand il dit "je ne suis pas comme les autres gouverneurs de province", pourtant, Moïse Katumbi, 43 ans, ne fait pas allusion à son charme. "Contrairement à eux, je ne suis pas diplômé; j'ai arrêté l'école à la fin des secondaires", dit-il avec une simplicité très inusitée au Congo. "Je ne suis pas un politicien; je suis un opérateur économique". Et même un des plus riches du pays. "Je gère la province comme une entreprise", achève-t-il. Avec des retombées immédiates.

Multiplié par 7

En 9 mois de pouvoir, Moïse Katumbi a multiplié par 7 les rentrées du péage de Kasumbalesa, principal poste frontière du Katanga. Il a refait plusieurs artères de Lubumbashi et aplani les bourbiers dans les quartiers populaires, permettant aux transports collectifs d'enfin les desservir. Il a envoyé des engins de génie civil pour refaire les pistes dans les 4 districts de la province et commandé 220 tracteurs pour les cantonniers qui refont les routes de desserte agricole, afin de relancer la production vivrière. Il a fourni à 60 écoles des tableaux, 70000 bancs et 12000 ballons de foot. Il a envoyé aux hôpitaux de la province 3 000 lits, matelas et paires de draps et 25 ambulances aux 22 territoires du Katanga; autant sont en commande. Il a rétabli l'éclairage public à Lubumbashi, évacué et transformé en engrais trente ans d'ordures jetées le long du chemin de fer. Il a commandé 55 véhicules pour la police et les administrateurs de territoire, réduits à la marche à pied dans une province grande comme la France. "Le tout avec les taxes provinciales et une équipe de 12 personnes : 10 ministres provinciaux, le vice-gouverneur et moi", dit-il.

L'entreprenant quadragénaire a été élu d'abord député national, poste laissé à un suppléant, puis provincial avec, chaque fois, un nombre record de voix. Sa popularité, il la doit à une générosité peu commune : des ambulances marquées "don de Moïse" aux quatre coins de la province; des réfections d'écoles; des pensions pour vieillards indigents; de l'aide à un orphelinat... Ses dons sont sans commune mesure avec ceux d'autres politiciens, chez qui ils suscitent jalousie et méfiance. Moïse Katumbi, lui, explique que "sa femme et lui ont décidé de consacrer 20pc de leurs bénéfices au social".

Fils d'Italien et d'une Bemba

Fils d'un Juif italien de Rhodes et d'une Bemba (ethnie à cheval sur le Katanga et la Zambie), le jeune Moïse a grandi dans une famille enrichie par la pêche industrielle. Il est rapidement entré dans l'affaire ("à 13 ans, pendant les vacances, et je n'ai jamais fait perdre d'argent" à l'entreprise familiale), sous les ordres de son frère aîné Katebe Katoto, 20 ans plus vieux que lui et qui, dit le gouverneur, "a été comme mon père, ce dernier étant décédé lorsque j'avais 9 ans".

Après les pillages du début des années 90, le jeune homme se diversifie : vente de maïs, d'hétérogénite, génie civil. "En 1997, encouragé par un Belge de la Gécamines, je me suis lancé dans la découverture (1) et j'ai créé MCK", sa société. Sous Laurent Kabila, Katebe Katoto se déclare candidat à la présidence - "et toute la famille dut partir en exil. L' Afrique du Sud pour moi. C'est Joseph Kabila qui m'a demandé de revenir. J'ai repris mes affaires, mon équipe de foot (le Tout puissant Mazembe, la meilleure du Congo ) et je suis entré au PPRD ", le parti du Président. Au passage, il revend à l'australienne Anvil Mining une concession minière 50 à 60 fois plus cher qu'il l'avait achetée. Le voilà encore plus riche...

Sa générosité, Moïse Katumbi l'explique, en riant, comme un trait de caractère. "Enfant, j'arrivais au pensionnat avec des chaussures, je repartais avec des babouches. Et avec l'argent qu'on m'avait donné, je payais le minerval d'amis".

Beaucoup y voient plutôt une "confusion entre sa caisse et celle du gouvernorat". La réplique est sèche : "En arrivant au gouvernorat, j'ai trouvé un coffre-fort où mes prédécesseurs déposaient et prenaient comme dans un porte-monnaie. Moi je suis un homme d'affaires : il y a maintenant une comptabilité et l'argent est placé en banque".

Coffre, bière et carburant

On l'accuse de faire plus de contrats de gré à gré que d'appels d'offres. "Pour les routes, il n'y a que Forrest, ici, qui ait les engins nécessaires; quel sens aurait un appel d'offres ? Pour les bancs et la réhabilitation d'écoles, nous en avons faits. J'ai refusé que ma société travaille pour le gouvernement provincial. Quand je suis arrivé, le gouvernorat recevait gratuitement 500 casiers de bière et 3 000 l de carburant par mois; j'ai mis fin à ces abus. À mon arrivée, le gouvernorat payait des véhicules 800 dollars par jour, qu'on les utilise ou non - quand le tarif de location le plus cher, ici, est de 300 dollars; j'y ai mis fin. J'ai réduit le personnel de 800 à 400 et c'est assez. Tout cela ne me fait pas que des amis..." Non plus que la décision du gouverneur de rompre avec l'usage congolais qui veut qu'un ministre en déplacement en province (ou à l'étranger) fasse payer ses frais de séjour et ceux de sa suite par l'administration qui le reçoit, alors qu'il a reçu du Trésor une somme pour les couvrir.

À Kinshasa, on perçoit l'attitude de M. Katumbi comme une campagne en vue des présidentielles de 2011. Les candidats à ce poste doivent "posséder la nationalité congolaise d'origine", dit la Constitution. Est-ce le cas de ce fils d'Italien ? La réponse est invariable : "On est au Congo...", où la Constitution n'est pas une loi absolue...

Le sabotage de l'avion personnel du gouverneur à Kinshasa, qui a failli lui coûter la vie l'été dernier, ainsi que la lenteur de la décentralisation ont renforcé la méfiance au Katanga. "C'est dans notre propre famille politique qu'on ne cesse de nous mettre des bâtons dans les roues", rage le gouverneur. "Si cela continue, je partirai avant la fin de mon mandat. J'ai un nom dans les affaires, je n'ai pas besoin de la politique..."

(1) Oter les terres stériles avant l'extraction

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