Des ministres qui font peur
Des arrêtés ministériels et interministériels ne cessent de pleuvoir dans le secteur des entreprises publiques. Au lieu d’aller dans le sens de la redynamisation de ces unités de production de l’Etat, ils tendent à les dépouiller tantôt de l’essentiel de leurs missions ou de leur patrimoine foncier, immobilier, logistique ou automobile. Trois cas défrayent la chronique ces dernières semaines. Il s’agit de ceux de l’Office Congolais de Contrôle (OCC), de la Congolaise des Hydrocarbures (Cohydro) et des Lignes Aériennes Congolaises (LAC).
Pour le premier, l’affaire s’articule autour de son rôle de contrôle de la qualité, de la quantité, du prix et de la conformité des marchandises à l’importation comme à l’exportation, que le ministre des Finances, sous prétexte des engagements pris avec le Fonds Monétaire International, juge superflu. De son point de vue, cette entreprise publique devrait être exclue du contrôle de la quantité et du prix des marchandises, afin que le « guichet unique » fonctionne à plein régime.
Or, il est clairement établi que si l’OCC est confiné au seul contrôle de la qualité et de la conformité des produits destinés à l’importation ou l’exportation, il court tout droit vers sa mort certaine. L’autre grand péril que représente la liquéfaction de cette entreprise publique, c’est la transformation de la RDC en « dépotoir international » des déchets alimentaires, pharmaceutiques, vestimentaires, électroniques, automobiles et autres. Il y a aussi l’envoi en chômage de plus de 3.500 cadres et agents, dans un pays où le slogan est à la lutte contre le chômage, depuis mai 1997.
C’est peut-être au regard des risques de santé que la disparition de l’OCC pourrait faire courir à des millions de Congolais que le Chef du gouvernement, Antoine Gizenga, a décidé d’accorder une oreille particulièrement attentive au dossier.
Le cas de la Cohydro est bizarre. Deux ministres, celle du Portefeuille et celui des Hydrocarbures, n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la décision de la première citée d’affecter aux travaux de réfection de la route Boma-Moanda, 30% des dividendes provenant des participations de cette firme pétrolière publique dans Perenco pour l’exercice 2007.
Voilà que pour des raisons inexpliquées, une société dont l’objet social n’a rien à avoir avec l’entretien des infrastructures routières est contrainte de se délester d’une partie de ses bénéfices pour faire réparer une route, alors que son personnel accuse des arriérés de salaires et que sa trésorerie est constamment au rouge pour assurer des approvisionnements du pays en produits pétroliers. Bref, d’une part on empêche Cohydro d’entrer en possession de capitaux frais générés par son partenariat avec Perenco et d’autre part, on l’accuse de ne pas être performante, d’être incapable de supporter la concurrence d’autres « pétroliers » dans un secteur stratégique pour la nation congolaise. Un secteur où l’on voudrait également la voir évacuer le circuit de la commercialisation au détail au profit des multinationales étrangères.
Tout aussi bizarre est le cas des Lignes Aériennes Congolaises, présentement en phase de relance des activités d’exploitation, en partenariat avec Air Zimbabwe. En effet, le ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction et celui des Transports et Voies de Communication viennent de se réveiller brutalement pour exiger, à travers deux lettres datées respectivement du 09 et du 16 juin 2008 que les concessions de cette compagnie aérienne situées l’une à Mont Ngafula et l’autre à Gombe (Air Terminus) soient réquisitionnées pour servir l’une à l’entreposage des matériels de génie civil en provenance de Chine et l’autre à la construction d’immeubles de luxe par le Groupe Rakeen des Emirats Arabes Unis.
Qu’est-ce qui justifie la précipitation des ministres Lumbi et Mwando sur le patrimoine foncier de cette compagnie aérienne accusée de devoir 3 millions de dollars américains à la Banque Congolaise, alors que l’Etat congolais, son propriétaire, lui est redevable de plus de 25 millions de dollars ? Si le problème des investisseurs chinois et arabes se pose réellement en termes de terrains, il n’en manque pas à Kinshasa, une ville aux dimensions proches de 10.000 km². Du côté de Nsele ou de Maluku, les Chinois pourraient entasser à loisir leurs matériaux jusqu’aux confins du Plateau de Bateke. Quant aux Arabes, ce ne sont pas des espaces qui manquent à travers la capitale.
A moins que, pour les autorités congolaises, le périmètre de la ville de Kinshasa s’arrête désormais aux limites de la commune de la Gombe. Ce qui pourrait expliquer ce refus de gérer la capitale comme une métropole digne de ce nom et cette tendance à tout laisser aller à vau l’eau. Dans cette affaire, les Chinois tout comme les Arabes sont simplement brandis pour empêcher les Congolais de protester. Les véritables intérêts sont ailleurs. Il s’agit de contraindre par tous les moyens les Lignes Aériennes Congolaises à mettre définitivement ma clé sous la porte pour faire main basse sur ses fréquences internationales et intérieures. Les compégnies étrangères intéressées par ces fréquences se sont déjà manifestées et ceci explique certainement cela.
Ainsi donc, au rythme où les ministres du gouvernement Gizenga sabordent les intérêts des entreprises publiques, il y a à se demander s’ils militent réellement en faveur de leur participation à la création des richesses, à la sauvegarde des milliers d’emplois, à la reconstruction du pays, à la matérialisation des cinq chantiers du Chef de l’Etat. On a plutôt l’impression contraire.
A cause des décisions ministérielles réduites aux intérêts égoïstes, l’OCPT n’est plus qu’une coquille vide, depuis que l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications a accaparé ses activités les plus juteuses. Dans le même ordre d’idées, la RVA chemine vers sa tombe, ses recettes étant en passe d’être raflées par l’Autorité de l’Aviation Civile. Pour l’OCC, la Cohydro et les Lac, le compte à rebours a commencé. On se souvient qu’en son temps, l’Office des Routes avait aussi été liquidé par des « experts » de l’AFDL, au profit du cantonnage manuel, avant que Mzee Laurent Désiré Kabila ne se rende compte de la supercherie et ne remette les pendules à l’heure. Le Phare