Zimbabwe: simulacre d'élection pour réélire un président de droit divin
Les bureaux de vote ont ouvert vendredi au Zimbabwe pour un simulacre de présidentielle à laquelle seul se présente le chef de l'Etat Robert Mugabe, qui à 84 ans s'estime investi d'un pouvoir de droit divin.
Quelques minutes avant l'ouverture du scrutin à 07h00 (05h00 GMT), neuf personnes attendaient dans le froid devant l'école primaire d'Eastridge, dans le centre de Harare.
Pour le premier tour, le 29 mars, des centaines d'électeurs faisaient la queue depuis des heures au même endroit, portés par l'espoir d'un changement.
Au collège Queen Elizabeth, le vétéran de la guerre d'indépendance Danger Zvembabvu, 50 ans, est arrivé plusieurs heures à l'avance: "J'ai fait la queue depuis 03h00 du matin. J'étais tout seul. Je suis très ému. Je dois participer (au vote) pour l'amour de mon pays", dit-il à l'AFP.
En théorie, 5,9 millions d'électeurs figurent sur les registres mais nombre ne seront pas en mesure de voter, sans compter tous ceux qui auront peur de se rendre aux urnes. Aucun observateur occidental n'a été accrédité et seuls quelques centaines d'Africains surveillent les opérations de vote.
Selon le leader de l'opposition Morgan Tsvangirai, qui a annoncé dimanche son retrait face à l'ampleur de la répression, 200.000 personnes ont été déplacées, plus de 86 de ses partisans tués et plus de 10.000 personnes blessées depuis les élections générales du 29 mars.
Vendredi est "un jour d'humiliation et de honte", a-t-il déclaré dans sa lettre ouverte quotidienne, appelant à plusieurs reprises les Zimbabwéens à boycotter l'élection s'ils le peuvent mais à "ne pas risquer leur vie" pour autant.
Le régime, au pouvoir depuis l'indépendance la Rhodésie en 1980, a ignoré son retrait et les bulletins de vote portent toujours son nom.
Le pouvoir avait essuyé une défaite historique le 29 mars, perdant le contrôle de la Chambre des députés, tandis que Mugabe devait s'incliner devant Tsvangirai au premier tour de la présidentielle (43,2% des suffrages contre 47,9%).
La Commission électorale du Zimbabwe, étroitement contrôlée par le pouvoir, avait mis cinq semaines à annoncer le résultat de la présidentielle.
Sous le choc de sa déroute, le régime a lancé une offensive en règle contre les partisans de l'opposition ou supposés tels, brûlant les maisons, frappant hommes, femmes et enfants, torturant parfois, selon des organisations indépendantes comme l'association des médecins zimbabwéens pour les droits de l'homme.
Alors que les condamnations fusaient de toutes parts, l'Afrique est restée longtemps muette. La Communauté de développement d'Afrique australe (SADC, 14 pays) n'a réussi à produire que "des communiqués tardifs et faibles", relève Karin Alexander (Institut pour la démocratie en Afrique du Sud - Idasa).
"Mais le plus humiliant, ajoute-t-elle, c'est que Mugabe ne leur a pas prêté la moindre attention".
Mercredi encore, seuls la Tanzanie et le Swaziland étaient présents à un supposé sommet de l'organe de sécurité de la SADC, une troïka présidée par l'Angola.
Le communiqué final, rédigé par le chef de l'Etat tanzanien et président de l'Union africaine Jakaya Kikwete et le roi swazi Mswati III, appelait tout de même Mugabe à reporter une élection qui ne serait ni "libre ni équitable".
"L'amitié ne veut pas dire que vous êtes aux commandes du pays !", a réagi le dirigeant zimbabwéen, pour qui "seul Dieu" peut lui retirer le pouvoir.
Seul signe d'une potentielle ouverture, le plus vieux chef d'Etat du continent s'est dit jeudi prêt à "discuter" avec le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Tsvangirai, mais après le scrutin.
Ce dernier presse l'Afrique à favoriser la mise en place d'un "mécanisme de transition" et appelle au déploiement de "forces armées de maintien de la paix".
L'Afrique du Sud, qui rejette toute intervention armée, poursuit sans relâche ses efforts de médiation, dans lesquels la communauté internationale place ses ultimes espoirs. Selon des fuites dans la presse sud-africaine, le président Thabo Mbeki tente d'ouvrir la voie à un gouvernement d'union.
Certains pays, dont les membres du G8, ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas le gouvernement formé après une élection qui ne "reflèterait pas la volonté du peuple zimbabwéen".