Code congolais des hydrocarbures / Pétrole : faut pas rêver
De nouvelles traces de pétrole dans le littoral Atlantique congolais et dans le Graben Albertine font décidément monter les ambitions de la RDC. Trahis par les revers du cuivre, déçus par les caprices du diamant, les Congolais rêvent d’entrer, cette fois, dans le très fermé cartel des producteurs africains de pétrole. Mais le pétrole, par expérience, n’enrichit que les pays qui investissent financièrement dans le capital de l’entreprise exploratrice. Le Code des hydrocarbures, en discussion, tiendra-t-il compte de cette évidence, pour éviter au pays de se contenter de modestes royalties?
Depuis lundi s’est ouvert à Kinshasa le Congrès national du pétrole, gaz et exposition, COPE. Un congrès qui connaît la participation des experts nationaux et étrangers avec comme double objectif : examiner l’ Avant- projet du Code des hydrocarbures et le Congrès africain du pétrole, gaz et exposition prévu en 2010.
Force est de saluer cette initiative du ministère des Hydrocarbures, du moins en ce qui concerne le Code des hydrocarbures, répondant ainsi aux préoccupations soulevées par l’Assemblée nationale. Question de donner un support juridique aux investisseurs. L’on se rappellera que lors de l’interpellation du ministre des Hydrocarbures, l’Assemblée nationale avait insisté sur l’élaboration d’une « Politique pétrolière » en République démocratique du Congo pour une exploitation rationnelle de ce secteur dans l’intérêt supérieur de la Nation. Un travail attendu pour cette session parlementaire de septembre. Ces assises, comme il a été souligné dans des discours de circonstance, doivent être une véritable consultation nationale afin d’intégrer toutes les observations émises jusqu’ici dans le but de donner une nouvelle impulsion à ce secteur. D’où cette nécessité de bien dégager les insuffisances contenues dans l’ordonnance - loi n°67-231 du 11 mai 1967 et l’ordonnance - loi n°81-013 du 2 avril 1981.
PETROLE : UN PRODUIT NATIONAL ET INTERNATIONAL
Dans cet élan de codifier le secteur pétrolier, il est important de s’appuyer sur le passé pour éviter toujours de revenir à la case départ. Les cas les plus frappants sont ceux des secteurs minier et forestier. Malgré les innovations apportées dans ces nouveaux codes, il s’est avéré, au grand dam de tout le monde, que c’est toujours l’Etat congolais qui est perdant. C’est ainsi que dans plusieurs cas, l’Etat congolais ne dispose que de 20 à 30% des parts pendant que des investisseurs, souvent douteux, sans capital, ne débarquant au Congo qu’avec des attache cases vides avant de s’octroyer la part du lion.
Le pétrole demeure avant tout un « produit national ». De tous les temps, la gestion de ce secteur a souffert d’une gestion opaque qu’il n’apparaît pas dans les budgets élaborés jusqu’ici par différents gouvernements. Les royalties versées par les sociétés pétrolières accusent des zones d’ombre et les montants rendus publics sont toujours dérisoires.
Des améliorations à apporter dans ce sens devraient aller dans le sens de contraindre l’Etat à participer effectivement dans toutes les opérations pour revendiquer ses droits. Car, il ne sert à rien de condamner une loi tant que la gestion est légère, opaque. On se retrouverait dans la même situation que celle connue dans le secteur minier et forestier.
D’autre part, le pétrole est également un « produit international », soumis à toutes les fluctuations du marché et pressions géopolitiques. A cause justement de cette dimension géostratégique, la RDC a subi des pressions, des interférences et s’est retrouvée au centre des enjeux régionaux et internationaux à cause du cuivre, du diamant, du cobalt, et nous en passons. Il en sera de même avec le pétrole pour autant que le pétrole congolais, selon les experts, appartient au bassin du Golfe de Guinée. Moins exploité jusqu’ ici par rapport au pétrole du Moyen-Orient, et riche en teneur ainsi qu’en réserves, le « pétrole congolais » risque d’attirer de nombreux investisseurs et susciter plusieurs convoitises. On le sent déjà avec le pétrole du Graben Albertine entre l’Ouganda et la RDC à travers des sociétés britanniques et canadiennes pendant que les sud-africaines s’apprêtent à entrer également dans la danse. Le même engouement est observé avec le pétrole du littoral Ouest, au-delà l’exploitation conjointe de la «Zone d’intérêt commun » entre l’Angola et la République démocratique du Congo.
En d’autres termes, ce congrès ne devrait nullement verser dans des rêves. Eviter surtout de prendre des fantasmes pour des réalités pour autant que les retombées ne sont pas toujours immédiates. Le pétrole, au même titre que le cuivre, est un atout nécessaire à toute économie nationale. Par ces temps qui courent, le pétrole peut aider à renflouer les caisses et à doter le gouvernement des moyens de sa politique. Mais comme il faut regarder autour de soi, suivre l’exemple du cuivre en RDC qui a connu des hauts et des bas, les pays pétroliers voisins du Congo n’ont pas connu un boom économique et social avec l’envolée du prix du baril. Mais si l’Angola, pour ne citer que ce cas, pose des actes concrets, c’est parce que l’Etat angolais y participe dans toutes les opérations pour tirer des bénéfices conséquents. Au Tchad, les 10% des revenus pétroliers qui devraient être consacrés aux « générations futures » ont servi à l’achat et la guerre a repris de plus bel dans ce pays pendant que la Banque Mondiale rompait avec N’Djamena. Le présent « Code » prévoit également un « Fonds en faveur des générations futures ». Quels sont les gardes- fous pour que ce fonds soit bien géré ?
Tel est le sens à donner aux questions orales et interpellations enregistrées dernièrement au niveau de l’Assemblée nationale. Si ces préoccupations ne sont pas prises en compte au stade actuel dans le but d’assainir le secteur pétrolier, la RDC ne peut avoir des ambitions sur le plan africain.
LE PETROLE : UN POTENTIEL POUR BOOSTER L’ECONOMIE
Le potentiel pétrolier congolais peut faire oublier les minerais et propulser l’économie nationale jusqu’à dépasser les années du boom du cuivre, en terme de revenus pour le Trésor public. Pour soutenir cette thèse, des analystes confient qu’à elle seule, Perenco Rep, pour une production de 15.000 barils en on shore et 10.000 en offshore, verse au Trésor public plus de 300 millions de dollars américains, selon des sources indépendantes, et 200 millions Usd, à en croire des voies officielles.
Quant au ministre des Hydrocarbures, il avait déclaré au Parlement que la République pouvait engranger 600 millions de dollars américains additionnels dans le cadre de l’exploitation sur la « Zone d’intérêt commun » avec l’Angola dans le littoral Ouest. Il n’est pas loin de la réalité. Toutefois, il y a lieu de relever qu’une participation conséquente de l’Etat dans l’investissement à toutes les étapes permettrait d’aller au-delà.
A lui tout seul, le bassin de la Cuvette centrale représente des réserves estimées à 4 milliards de barils. Les études, en cours, confiées à une firme brésilienne permettront de connaître les emplacements. Elles iront jusqu’à les classifier par bloc. Les revenus attendus dans ce cadre se chiffrent à des milliards de dollars Us. Lorsque l’on connaît la hauteur des ressources internes mobilisées pour le budget de la République, ces chiffres font rêver.
Ces chiffres font certainement rêver. Mais est-il que les pays africains qui ont mis du sérieux dans la valorisation de leurs ressources pétrolières tirent des bénéfices substantiels du produit de leur investissement. Ainsi, l’Angola, pour ne citer que ce pays africain, se propose un budget annuel de près de 50 milliards Usd. L’année dernière, il s’était doté d’un budget national de près de 30 milliards Usd.
La hausse constante du prix du baril sur les marchés mondiaux encourage d’aller vite dans la concrétisation d’une politique rationnelle d’exploitation du pétrole en RDC. A échéance, selon des estimations non encore certifiées, la RDC, grâce à son pétrole, pourrait se doter rapidement d’un budget en équilibre de plus de 5 milliards Usd en ressources internes, principalement celles issues de la production et de la commercialisation pétrolière. Tout dépend du sérieux que mettra l’Etat dans l’organisation de ce secteur ainsi que du choix des partenaires appelés à apporter des capitaux. Là aussi, revient la récurrente question de la capacité des plénipotentiaires de la RDC lors des négociations.
C’est à ce prix que la RDC peut prétendre jouir des bienfaits de la hausse actuelle sur les marchés mondiaux, dans le but de requalifier le vécu quotidien de ses populations. Avec une économie booster par ces ressources additionnelles. O.M/Le Potentiel