Le premier procès devant la CPI commence dans la confusion... Luis Moreno va trop vite en besogne !!!
Caché de la vue du public par un large rideau, le "témoin protégé numéro 1", présenté par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, pour déposer contre l'ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga, prononce quelques paroles en swahili, puis se rétracte. Il a peur.
Le chemin de l'école, sur lequel il a été enlevé par les hommes de Thomas Lubanga, il y a sept ans, est à des milliers de kilomètres de cette juridiction, devenue, depuis sa création en 2002, une lourde bureaucratie dont le budget dépasse les 100 millions d'euros par an.
L'ex-enfant soldat, aujourd'hui adolescent, est perdu. Ne risque-t-il pas de devoir rendre des comptes un jour, s'il raconte son histoire, ce jeudi 29 janvier ? Le procureur n'a, semble-t-il, pas pris le temps d'étudier la question.
De huis clos en suspensions, l'audition s'enlise et l'ancien enfant soldat finit par se rétracter. Le premier procès de la CPI devait avoir valeur de test. Il est un révélateur des errements de cette cour.
L'acte d'accusation porté contre Thomas Lubanga, incarcéré depuis plus de trois ans, est le plus faible de l'histoire de la justice pénale internationale. Le chef milicien est accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants dans ses troupes entre septembre 2002 et mars 2003, en Ituri, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où, depuis 1996, l'anarchie a cédé la place à la guerre. En revanche, l'accusé ne répondra pas des crimes commis par les gamins enrôlés sous ses ordres ou les nombreux massacres de civils.
Depuis l'ouverture de l'enquête sur la RDC à la demande de Kinshasa, en juin 2004, le procureur n'a inculpé que quatre miliciens, dont trois sont incarcérés à La Haye. La justice internationale visait les plus hauts responsables, elle s'attaque aux seconds couteaux.
"HAUTS RESPONSABLES"
Au cours des trois premiers jours du procès, l'un des avocats de Thomas Lubanga va poser un sévère diagnostic sur la politique pénale du procureur général. Pour maître Jean-Marie Biju-Duval, les accusations du procureur, qui a "choisi d'épargner les plus hauts responsables", parmi lesquels il cite Joseph Kabila, le chef de l'Etat congolais, viennent renforcer "l'image d'une justice borgne".
Suspectant le procureur de vouloir satisfaire les Etats au prix de son indépendance, il affirme que "les armées modernes des démocraties occidentales peuvent sincèrement approuver votre choix : ce crime l'enrôlement des enfants ne les concerne pas". Pour lui, "nous assistons à des stratégies diplomatiques qui ressemblent à des renoncements judiciaires".
Malgré les ratés du début du procès de Thomas Lubanga, les ONG continuent néanmoins de soutenir le procureur. Ainsi, Sasha Tenembaum, membre de la Coalition des ONG pour la CPI (CICC), un lobby de 2 000 organisations de défense des droits de l'homme qui avait salué "la fin de l'impunité" à l'ouverture du procès, cherche des justifications aux cafouillages du premier témoignage. "Les imprévus sont fréquents dans la justice internationale", avance-t-elle.
Au cours du procès, qui pourrait durer huit mois, le procureur compte appeler à la barre 34 témoins dont neuf enfants soldats. Nombre d'entre eux déposeront sous pseudonymes.