POLITIQUE-RD CONGO : Les opérations militaires conjointes posent problème !
Pendant que le nombre des militaires rwandais, venus en janvier appuyer les forces armées congolaises pour traquer les rebelles rwandais en République démocratique du Congo (RDC), continue d’alimenter les débats, les troupes ougandaises déployées en RDC en décembre 2008 pour traquer les rebelles ougandais de l’Armée de résistance du seigneur, suscitent une vive critique.
«Il était convenu que les troupes ougandaises finiraient leur mission et retourneraient en Ouganda à la fin du mois de février 2009», avait déclaré Lambert Mende, ministre de l’Information et des Médias et porte-parole du gouvernement congolais, le 20 janvier.
Un mois plus tard, le 20 février, Mende, qui n’a pas donné la date exacte de la fin de cette mission, annonce que «le départ des troupes ougandaises du nord-est de la RDC va se faire probablement en début mars».
Mais il a été contredit par un communiqué du commandement conjoint des opérations, daté du 2 mars, annonçant que finalement, «ces militaires rentreront en fin mars», et confirmant un décalage entre les deux dates relatives à la fin de la mission des militaires ougandais en RDC.
Plusieurs analystes, comme le professeur Philippe Biyoya, tendent à croire que la RDC «demeure faible à tous points de vue et qu’elle ne peut que jouer le jeu de ses voisins qui semblent avoir une supériorité, surtout sur le plan militaire et stratégique dans la région». En marge de la signature d’un accord de coopération sécuritaire et économique lors d'un mini-sommet tenu mercredi (4 mars) à Kasindi, une bourgade située à la frontière entre l’Ouganda et la RDC, Joseph Kabila, le président congolais et Yoweri Museveni, son homologue ougandais, ont convenu d’un nouveau calendrier du retour des troupes ougandaises. Ce retour, selon un proche collaborateur de Kabila, qui a requis l’anonymat, est fixé à la fin du mois de mars.
Satisfait du bilan à mi-parcours des opérations militaires conjointes contre l’Armée de résistance du seigneur (LRA), Mende a déclaré aux médias congolais, le 20 février : «Les choses évoluent bien et la rébellion de (Joseph) Kony a presque totalement été liquidée».
Mais l’organisation non gouvernementale (ONG) britannique Oxfam s’inquiète de l’accroissement de tous les mouvements militaires dans la partie est de la RDC, estimant que «les cas des violences contre les civils pourraient accroître, puisque les civils demeurent exposés aux conséquences des affrontements».
Marcel Stoessel, chef de mission de cette ONG en RDC, a expliqué à IPS : «Oxfam a lancé ce message à l’occasion de l’arrivée en RDC de Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, afin d’attirer son attention non seulement sur le fait qu’à chaque opération militaire, des civils, des femmes et des enfants ont toujours été victimes des violations des droits de l’Homme, mais surtout sur le fait qu’il doit réaliser sa promesse faite d’augmenter les forces militaires de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) de 3.000 hommes supplémentaires pour assurer la protection des civils». Le chargé de liaison d’Oxfam, Michel Lutumbwe, croit en effet qu’il n’est pas «impossible que ces rebelles en errance s’acharnent en représailles sur des civils non protégés tout au long de leur fuite».
«C’est un bluff! La RDC n’a aucun programme à donner à l’Ouganda. Une fois encore, les deux présidents viennent de décider du bradage des richesses congolaises sans que le peuple ait été consulté à travers ses représentants qui sont les parlementaires qu’il a élus», affirme Freddy Kuilu Ndulu, habitant de l’Ituri, dans la Province orientale, et président de l’ONG Légalité, joint au téléphone par IPS.
C’est depuis décembre 2008 que la RDC, l’Ouganda et le Soudan ont lancé leurs troupes à la traque de Joseph Kony, le chef de la LRA, après qu’il a refusé de signer un accord de paix en Ouganda en avril de la même année. Cet accord de allait faire revenir la paix dans le sud du Soudan, le nord de l’Ouganda et l’est de la RDC après plus de 20 ans de guerres alimentées par la LRA.
La population qui reste «partagée sur les résultats et la nature exacte de toutes ces successions d’opérations militaires» impliquant des troupes étrangères qui ont combattu la RDC il y a peu, estime qu’elles «posent problème, non seulement du point de vue des nombres des militaires effectivement déployés, mais aussi du point de vue de leurs résultats», au point qu’on se pose la question sur les vraies raisons de ces actions initiées par le gouvernement congolais, selon Kuilu Ndulu. «C’est vrai qu’on n’a plus entendu des coups de fusils depuis plusieurs semaines et cela est tout de même une bonne chose», dit-il. Mais, «les choses n’ont pas particulièrement changé dans le sens d’une paix solide et durable, puisque personne ne peut être sûr du retour effectif de toutes les troupes rwandaises qui ont été déployées à l’est», ajoute-t-il.
De toutes les façons, «s’il est actuellement constaté qu’une sorte d’accalmie s’est installée dans les parties qui posaient problème il y a quelques années, il n’est pas évident que le problème n’est pas en train de s’élargir avec toutes ces opérations militaires dans lesquelles la RDC ne fait que perdre», estime Jean Baptiste Birhumana, ancien député national et directeur de l’administration du sénat congolais.
Il avertit que ces opérations «ont fini par semer la confusion sur le plan sécuritaire puisque les rébellions pourchassées se dirigent vers des zones naguère paisibles comme le nord Katanga et se recoupent entre elles sur des zones déjà en guerre comme dans la Province orientale».
Pour sa part, Ernest Kyaviro, le député national pétitionnaire et membre de l’Alliance pour la majorité présidentielle, qui avait appelé le gouvernement à s’expliquer devant le parlement sur la présence des troupes rwandaises en RDC en janvier, avait déjà lancé la sonnette d’alarme. Il avait affirmé que «toutes ces opérations militaires mettaient la population locale en danger et qu’aucune mesure sécuritaire n’avait été mise en place par le gouvernement». IPS