La CPI confirme certaines accusations contre Bemba
A première vue l’affaire «le procureur contre Jean-Pierre Bemba Gombo» va passer à la phase du jugement devant une chambre de Première instance de la Cour pénale internationale. Selon Maître Aimé Kilolo, un des avocats de la défense, la décision rendue lundi 15 juin 2009 par la Chambre préliminaire II de la CPI «n’est pas définitive». La partie défenderesse dispose d’un délai de cinq jours pour interjeter appel. Pour lui, «c’est une victoire».
«C’est un coup dur pour le MLC. C’est aussi un coup dur pour l’opposition congolaise. Nous espérions une libération pure et simple du président du MLC Jean-Pierre Bemba. La décision de la Chambre préliminaire nous déconcerte compte tenu de la «faiblesse» de l’accusation.» Représentant du Mouvement de libération du Congo pour le Benelux, Jean-Jacques Mbungani Mbanda se ressaisit après ces quelques mots. «Nous avons espoir que Jean-Pierre Bemba sera lavé de tout soupçon maintenant que la Chambre préliminaire n’a retenu qu’une partie des charges portées contre sa personne.»
La Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale a donc confirmé «certaines des charges» articulées par le Procureur Luis Moreno-Ocampo à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo. Il s’agit des «crimes» que les combattants du MLC déployés à Bangui (République Centrafricaine) auraient commis «au cours de la période comprise approximativement entre le 26 octobre 2002 et le 15 mars 2003». Le chaud et le froid
Dans son communiqué, la Cour souffle le chaud et le froid. «La Chambre préliminaire II a conclu qu’il y avait des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que Jean-Pierre Bemba Gombo est pénalement responsable, pour avoir effectivement agi en qualité de chef militaire au sens de l’article 28-a du Statut (…)», peut-on lire sur le site Internet www.icc-cpi.int. En gros, il s’agit des crimes de meurtre, de viol et de pillage. Fait nouveau. «La Chambre préliminaire II a en outre conclu qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que Jean-Pierre Bemba Gombo était animé de l’intention criminelle exigée à l’article 30 du Statut pour être individuellement pénalement responsable en tant que coauteur des crimes contre l’humanité et crimes de guerre dont le Procureur avait allégué, dans la version modifiée du document de notification des charges, qu’il les avait commis conjointement avec Ange Félix Patassé par l’intermédiaire des troupes du Mouvement de libération du Congo», ajoute le communiqué. «La Chambre préliminaire II a également refusé de confirmer que Jean-Pierre Bemba Gombo est pénalement responsable, au sens de l’article 28-a du Statut, des crimes suivants : Torture constituant un crime contre l’humanité (chef 3) au sens de l’article 7-l-f du Statut ; Torture constituant un crime de guerre (chef 4) au sens de l’article 8-2-c-i du Statut ; Atteintes à la dignité de la personne constituant un crime de guerre (chef 5) au sens de l’article 8-2-c-ii du Statut.»«C’est une victoire»
«C’est une victoire», estime, pour sa part, l’avocat Aimé Kilolo Musamba joint au téléphone, lundi soir. N’est-il pas indécent de parler de «victoire» alors que Bemba reste en prison en attendant l’ouverture de son procès ? «C’est une victoire d’abord parce que la CPI n’a pas confirmé les charges principales demandées par le Procureur, explique Kilolo. Le Bureau du procureur avait demandé à la Cour de considérer que Jean-Pierre Bemba s’était associé à un plan criminel dans le but de commettre des exactions sur la population à Bangui.» Pour cet avocat, la décision rendue par la Chambre préliminaire II constitue une «réhabilitation» de la personne de Bemba dans la mesure où celui-ci doit être jugé non pas en tant que «chef hiérarchique» des hommes du Mouvement déployés en RCA mais en tant que «chef militaire du MLC».
Pour Kilolo, c’est le «premier enseignement». Le «deuxième enseignement», selon lui, réside au fait que la décision rendue par la Chambre préliminaire II «n’est pas définitive». Elle est sujet à «reformation». La défense dispose d’un «délai de cinq jours» pour interjeter appel. Quelle est la date probable du procès ? Pour lui, il est donc prématuré de spéculer sur la date probable de l’ouverture du procès. «La décision prise par cette juridiction contient une erreur d’appréciation, poursuit Kilolo. Elle élude le fait que notre client n’a jamais fait partie du système de commandement de l’armée centrafricaine.» «Aimé» de conclure : «L’équipe des avocats de la défense attend donc l’occasion de signifier à la Chambre d’appel que c’est l’ancien président centrafricain Ange-Felix Patassé qui doit se présenter devant la CPI et non Jean-Pierre Bemba.» «Ennemi intime»
Certains milieux proches du «clan kabiliste» n’ont pas manqué de boire du petit lait en apprenant la décision rendue ce lundi sur l’affaire Bemba. C’est la loi de la jungle politique. C’est de bonne guerre. Reste que des voix commencent, en effet, à se lever pour «regretter» l’absence du «Chaiman» de l’échiquier politique congolais. «En dépit de ses défauts, Bemba est un mal nécessaire pour apporter un certain équilibre des forces politiques en RD Congo, commente un analyste. Depuis le départ en exil et la détention de « Jean-Pierre», Joseph Kabila est devenu comme fou de son omnipotence. Les Kabilistes pèchent par un excès d’arrogance. C’est un tort en politique».
Une chose paraît certaine : le «raïs» considère Bemba comme son «ennemi intime». Dans une interview accordée à l’hebdomadaire parisien «Jeune Afrique», édition n°2424, datée fin juin 2007, Joseph y soutient que Jean-Pierre projetait de «prendre le pouvoir» lors des événements des 22 et 23 mars 2007 avant de l’«éliminer physiquement». «Quand on regarde bien le plan de progression de ses troupes les 22 et 23 mars, dira Kabila, il est clair que son but était de prendre d’assaut ma résidence. (…).» Réagissant dans l’édition suivante du même magazine, Bemba a eu ces mots : «La victime c’est moi».
Dans une interview accordée à Congoindependant.com en date du 3 juin 2008, Liliane Teixeira Bemba est venue à la rescousse de son époux : «Soyons sérieux ! Comment M. Bemba aurait-il pu faire ce «coup d’Etat», lui qui marchait à l’aide des béquilles depuis son accident ? Peut-on faire un putsch en dormant tranquillement dans son lit ? A-t-on déjà vu un putschiste envoyer ses enfants à l’école pendant qu’il tentait de s’emparer du pouvoir ?» Qui dit vrai ?
En attendant de connaître le sort qui sera réservé à l’appel à introduire par la partie défenderesse, l’absence à la CPI du principal accusé, en l’occurrence l’ancien président centrafricain Ange-Félix Patassé, suscite un vrai malaise auprès de ceux qui se soucient d’une justice juste et équitable. Une justice qui se fonde sur la vérité. Cette «absolution» qui ne dit pas son nom tend à créditer la thèse selon laquelle le leader du MLC ferait l’objet d’une «persécution judiciaire». Pourquoi ? Qui, en définitive, tire les ficelles ?
B. A. W.