Qui dirige la RD Congo ?
Après la défaite des Forces armées de la RD Congo, en août 2008, à Mushake, face aux combattants du CNDP soutenus sans aucun doute par des soldats de la RDF (Rwandese Defence Forces), le Congo de Joseph Kabila a capitulé devant le Rwanda de Paul Kagame lequel dicte désormais les règles du jeu. L’«accord secret» signé en décembre dernier entre les deux présidents en constitue la preuve qui manquait à la formalisation d’une tutelle rwandaise sur la RD Congo. On comprend l’obsession de Kabila à dissimuler le contenu de ce «deal» à la limite de la félonie. Il y a des signes qui ne trompent pas. Les provinces congolaises du Kivu sont en passe de devenir un «espace vital» pour le voisin rwandais dont les troupes peuvent y intervenir au gré des intérêts de ce dernier. Un comble !
Comment est-on arrivé là ?
En septembre 1996, la terre entière apprenait que des membres d’une «tribu» zaïroise, inconnue jusque là, avaient pris les armes pour reconquérir leur citoyenneté méconnue par l’Etat. Le nom de cette communauté a fait le tour du monde. Il s’agit des «Banyamulenge». Porte-parole d’un parti tout aussi inconnu jusque là, un certain Muller Ruhimbika multipliait des communiqués exigeant «la démission du président Mobutu» à partir de Kigali. Des communiqués repris complaisamment par l’AFP.
Début octobre de cette même année, le «général» André Kisase Ngandu, issu de l’ethnie Tetela, fait son apparition à Goma. Il se présente comme le chef militaire de la nouvelle «rébellion» avant d’être supplanté à la fin du même mois par un revenant politique nommé Laurent-Désiré Kabila, un Luba du Katanga. Au cours d’un point de presse, celui-ci se présenta comme le «Spokesman» de la «rébellion zaïroise» désormais structurée sous la dénomination d’Alliance des Forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). C’est le président Ougandais Yoweri Museveni qui avait introduit LD Kabila auprès du général Paul Kagame, alors vice-président et ministre de la Défense du nouveau régime rwandais.
Flashback. En 1959, les Hutu rwandais renversent la monarchie tutsie. Des membres de la communauté tutsie s’enfuit par dizaines de milliers vers des pays voisins. A savoir principalement : le Burundi, le Congo-Kinshasa, l’Ouganda et la Tanzanie. En 1986, l’ancien guérillero Yoweri Museveni s’empare du pouvoir à Kampala. Ses combattants sont composés à majorité d’anciens réfugiés rwandais naturalisés ougandais. Au fil du temps, ceux-ci expriment leur désir de regagner la mère-patrie. Le président rwandais Juvénal Habyarimana n’est pas chaud. Il invoque le manque d’espace. Erreur fatale. Regroupés au sein d’une organisation dénommée «Front patriotique rwandais» (FPR), les réfugiés tutsis dirigés par le général Fred Rwigema tentent d’envahir le Rwanda. C’était en octobre 1990. Rwigema meurt dès les premiers jours de combat. Il est remplacé le major Paul Kagame. Le régime en place est sauvé in extremis grâce notamment à l’intervention d’un bataillon des forces spéciales de l’armée zaïroise commandées par le général Donatien Mahele Lieko Bokungu. Depuis cette intervention zaïroise, Kagame, devenu l’homme fort du Rwanda, dès juillet 1994 - après la prise du pouvoir à Kigali par le FPR et la fuite de plus d’un million de Hutu vers le Zaïre -, évitait soigneusement tout contact avec les dirigeants zaïrois. En mai 1995, certains milieux allemands ont organisé une rencontre tripartite Kagame-Mobutu-Museveni à Bad Kreuznach. Le premier cité brillait pas son absence. En 1996, le régime rwandais se plaint à maintes reprises des incursions menées par des réfugiés hutus installés dans plusieurs camps dans les deux provinces du Kivu. « Si la communauté internationale ne fait rien, le Rwanda va prendre ses responsabilités», déclarait Kagame début septembre.
Prenant prétexte des «Banyamulenge» en lutte pour leur citoyenneté, l’Armée patriotique rwandaise (Apr) s’est mise à pilonner les camps de réfugiés. Les attaques sont attribuées aux «rebelles tutsis zaïrois» appelés plus tard les «soldats de Laurent-Désiré Kabila». Une guerre d’agression et d’invasion est ainsi camouflée en une «rébellion interne».
Dans l’ex-Zaïre, l’humeur du moment était «changement». Cette situation a facilité largement la tâche à LD Kabila et «ses» combattants baptisés «libérateurs». En réalité, les opérations militaires sont conçues et conduites par des éléments de l’armée régulière du Rwanda épaulée par quelques milliers de «Kadogo». Le commandant des opérations n’est autre que James Kabarebe, alors colonel de l’Apr. Il avait pour aide de camp un certain «commandant Hyppo», alias Joseph K. L’histoire ne dit pas si la lettre «K» sert d’abréviation au patronyme Kanambe ou Kabila. Mystère. LD Kabila et Kisase, eux, servaient de paravent.
En janvier 1997, André Kisase Ngandu meurt dans des circonstances non élucidées à ce jour. Avait-il découvert les pots aux roses?Le 17 mai 1997, l’AFDL prend le pouvoir à Kinshasa. LD Kabila prend possession du fauteuil abandonné par Mobutu Sese Seko. James Kabarebe, promu général, prend la tête de l’armée congolaise. Bizima Karaha, un illustre inconnu, devient le chef de la diplomatie congolaise. Les Zaïrois, redevenus Congolais, n’ont pas mis longtemps à constater que la «libération» claironnée n’a été qu’une vaste escroquerie à l’image d’un chat qu’on achète dans un sac. Le nouveau régime est revanchard alors que les citoyens escomptaient trouver en lui un fédérateur. Le nouveau régime est intolérant alors qu’on attendait qu’il œuvre à la promotion d’une ambiance libérale à travers le pluralisme politique. Bref, le pays n’est pas mieux gouverné. Les véritables attentes de la population ne sont pas non plus prises en compte.
Dans plusieurs déclarations, les dirigeants rwandais ne cachaient point leur vif désir de voir un «régime ami» s’installer à Kinshasa. Dans une interview accordée au «Washington Post», le général Paul Kagame avoue que le renversement du régime zaïrois a été conçu et exécuté à partir de la capitale rwandaise.
Fin juillet 1998, c’est la rupture entre LD Kabila et ses anciens parrains rwandais et ougandais. C’est la reprise de la guerre. Un nouveau mouvement rebelle…congolais voit le jour à Kigali. Son nom : Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Plusieurs «déçus du kabilisme» vont prendre le train en marche. En novembre de la même année, on assiste à la naissance du MLC (Mouvement de libération du Congo), soutenu par l’Ouganda.Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila meurt quatre années après Kisase dans des circonstances nébuleuses. Il est remplacé dans des conditions tout aussi nébuleuse par un illustre inconnu du monde politique nommé Joseph Kabila. Qui est-il ? Quel est son parcours personnel ? Quels sont les facteurs qui ont déterminé le choix en sa personne ? Des questions qui restent sans réponses. Lors de son investiture le 26 janvier, le nouveau président prend l’engagement de «faire toute la lumière» sur la disparition de son prédécesseur. Le procès des «assassins» a laissé le plus grand scepticisme au sein de l’opinion en ce qui concerne la culpabilité des hommes et femmes embastillés depuis huit années à Makala.
La «victoire» de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de 2006 a été accueillie avec satisfaction à Kigali. «Je n’ai pas voté, mais j’ai accueilli les résultats avec satisfaction», déclarait Paul Kagame dans un entretien avec l’hebdomadaire Jeune Afrique. Huit années après l’arrivée de «Joseph» à la tête de l’Etat congolais, il faut se munir d’une loupe pour percevoir les réalisations socio-économiques à mettre à son actif . Inutile de parler du domaine sécuritaire qui met à nu un brillant échec. Les «Cinq chantiers» ont été lancés à l’image d’un illusionniste qui sort un pigeon de son chapeau pour éblouir l’attention des Congolais des véritables enjeux. Depuis huit ans, au lieu de gouverner et faire administrer le pays, le «raïs» n’a réussi qu’une seule «performance» : il transformé la RD Congo en un Etat policier. Un Etat intolérant où les forces dites de sécurité sont occupées à traquer les contradicteurs du président.
Qui dirige la RD Congo ? D’aucuns prendraient une telle question pour de la provocation. Erreur. En vérité, le Congo dit démocratique est «dirigé» par un «fondé de pouvoir». Au total, le Rwanda de Paul Kagame a atteint son objectif. A savoir : installer à Kinshasa un homme-lige. Un homme de paille au service des intérêts rwandais.
Cet homme s’appelle Joseph Kabila.
O.M/B. A. W.