Coup de force au CNDP : Kamanzi suspendu
Dans un communiqué au contenu pour le moins évasif daté 8 octobre, le Comité exécutif du Congrès national pour la défense du peuple annonce la «suspension» de son président, l’avocat d’affaires rwandais Désiré Kamanzi. Déogratias Nzabirinda a été désigné pour assurer l’intérim. Ambiance.
Décidément le CNDP est une organisation politique bien difficile à diriger. Neuf mois après le renversement rocambolesque du très médiatique «chairman» Laurent Nkunda Mihigo - accusé par ses lieutenants et camarades d’«attitude velléitaire», Désiré Kamanzi, son successeur, n’a pu tenir «ses» troupes que durant quelques neuf mois. Que lui reproche-t-on ?
Au cours d’une réunion tenue jeudi 8 octobre sous la présidence de Déogratias Nzabirinda, le comité exécutif du CNDP a eu à examiner «minutieusement et avec intérêt les griefs» articulées par «la base» ( ?) à l’encontre de Désiré Kamanzi, l’actuel président du Mouvement. Comme à l’époque soviétique, le communiqué ne souffle pas un mot sur la nature des reproches formulés contre Kamanzi. Qu’importe. La décision est tombée : «Soucieux du rétablissement du climat de confiance et de sérénité au sein de l’organisation et en vue de faciliter le bon fonctionnement de ses institutions en attendant les conclusions des organes précités, après débats et délibérations, les membres du Comité Exécutif du Mouvement se sont convenus à l’unanimité les mesures conservatoires suivantes : La suspension à dater de ce jeudi du camarade Désiré Kamanzi dans ses fonctions de président du CNDP jusqu’à nouvel ordre.»
Kamanzi est remplacé par le vice-président Déogratias Nzabirinda «chargé d’expédier les affaires courantes en attendant la conclusion du dossier en cours». Le communiqué signé par le président intérimaire et le secrétaire général du CNDP, Jean Serge Kambasu Ngeve, appelle «au calme» l’ensemble des membres des différents organes du Mouvement et les invite «à vaquer chacun en toute tranquillité dans ses activités quotidiennes.»
Depuis la mystérieuse éviction, en janvier dernier, de Laurent Nkunda, le CNDP s’est embourbé dans des contradictions internes sans doute faute d’une définition claire des valeurs servant de socle à son combat politique. Pour s’être présenté comme le défenseur des intérêts des membres de la communauté tutsie du Congo-Kinshasa, le Congrès s’est attiré la méfiance de l’opinion congolaise. La première impression est toujours la meilleure, disent les psychologues. On comprend, dès lors, le peu d’effet produit par la «nationalisation» du discours de Nkunda. "Les Congolais ont besoin d’un leadership fédérateur, rassembleur, et non d’un grand commun diviseur, commente un jeune politologue congolais de l’Université libre de Bruxelles. Les Congolais ont besoin d’un leadership capable d’impulser une nouvelle ère de "vivre collectif" dans le respect mutuel". A tort ou à raison, les Congolais, toutes tendances politiques et philosophiques confondues, ne démordent pas sur l’idée que le CNDP est une organisation manipulée par le régime du président Paul Kagame. On le sait, Nkunda se trouve depuis le 22 janvier dernier «assigné à résidence» à Kigali. D’aucuns se demandent bien pourquoi dans la mesure où l’ex-chairman n’a commis aucun crime ou délit au Rwanda. Sa famille ne cesse d’ailleurs de dénoncer une «détention illégale». Une chose paraît sûre, les tergiversations qu’affichent les autorités rwandaises sur le cas du «général Laurent», réclamé par la justice congolaise, n’ont pas peu contribué à donner au CNDP l’image d’un «cheval de Troie».
Depuis la signature des accords de Nairobi entre le gouvernement national de Kinshasa et le CNDP, ce Mouvement peine à obtenir la satisfaction de toutes ses exigences. A savoir l’entrée de ses cadres dans toutes les institutions nationales. Une certaine nervosité est perceptible tant au niveau des cadres civils que militaires. Kamanzi «paie» sans doute pour n’avoir pas réalisé cet objectif. Joseph Kabila semble être conscient du redoutable pari qu’il pourrait engager en se pliant aux quatre volontés du CNDP. L’éviction de Désiré Kamanzi, présenté par la presse congolaise comme un avocat d’affaires rwandais, est à la limite un pseudo événement.
B.A.W