Belgique-RD Congo : Joseph Kabila sous les critiques de ses «amis belges»
L’affaire De Gucht continue à alimenter la controverse dans le microcosme belgo-congolais. Après une «analyse» fort critique du quotidien «Le Soir» - sous la plume de Colette Braeckman - sur la décision des autorités congolaises déclarant le commissaire européen Karel De Gucht «persona non grata», l’eurodéputé Louis Michel est venu enfoncer le clou.
Dimanche 10 janvier, les téléspectateurs issus de la diaspora congolaise de Belgique ont sans doute été nombreux devant leur petit écran. L’ancien commissaire européen au Développement, Louis Michel, était, en effet, l’invité du journaliste Pascal Vrebos de la télévision commerciale RTL-Tvi, la chaîne la plus regardée de la Belgique francophone. Le nouveau bras de fer entre Joseph Kabila et Karel De Gucht y a été évoqué.
L’ancien chef de la diplomatique belge a pris d’emblée la défense de son successeur en estimant que les autorités congolaises ont «quelque peu grossi» les propos de De Gucht. «Chaque fois que Karel De Gucht parle, il y a une sorte de sensibilité à fleur de peau en face», a relevé Louis Michel en soulignant au passage que les déclarations faites lors de ce débat l’ont été en accord avec Claire Ashton, la nouvelle patronne de la diplomatie européenne.
Sur un ton empreint de lassitude, l’eurodéputé Michel de poursuivre : «Il faut que nos amis Congolais comprennent que la diplomatie européenne n’est pas la diplomatie bilatérale. Ils doivent s’efforcer d’entretenir de bonnes relations avec l’Union européenne.»Dans les milieux congolais de Belgique, la nouvelle attitude adoptée par Louis Michel à l’égard de Joseph Kabila est perçue comme un virage à 180°. Il faut dire que l’ancien homme fort des libéraux francophones entretient des rapports plutôt «difficiles» avec la grande majorité de la communauté congolaise de Belgique. «Kabila représente l’espoir pour le Congo», «Kabila reste l’homme de la situation». Ces deux prises de position faites, sur RTL-Tvi, par Michel, alors commissaire européen, ont été accueilli par une bonne frange de la communauté congolaise comme une «scandaleuse ingérence» dans les affaires congolaises après les élections chahutées de 2006.
Lors du débat au Parlement européen, le 16 décembre, Louis Michel a adopté un «parler vrai» plutôt inhabituel. «Les carences du système judiciaire congolais créent un sentiment généralisé d’impunité», a-t-il déclaré lors de son intervention. Et d’ajouter : «Ce qui reste à reconstruire au Congo, c’est un Etat de droit avec de véritables fonctions régaliennes qui, aujourd’hui sont totalement inexistantes et donc créent un vide extrême.» Dans son édition datée samedi 9 et dimanche 10 janvier, le quotidien bruxellois «Le Soir» publie un article intitulé : «Congo/Incidents diplomatiques – Le pouvoir a les nerfs à vif». Le «papier» porte la signature de Colette Braeckman, réputée pro-Kabila. La consoeur du «Soir» commence par une question : « En adressant un message au chargé européen à Kinshasa indiquant qu’une visite (…) de Karel De Gucht n’était pas souhaitable, les autorités congolaises sont-elles allées loin ?». L’auteur de répondre en citant le quotidien «Le Potentiel» lequel se demande «si Kinshasa, réagissant avec éclat à la provocation, ne serait pas tombé dans un piège (…).» La consoeur de poursuivre : « Officiellement, les membres du gouvernement et les principaux conseillers du président font bloc avec leurs collègues des Affaires étrangères et de l’Information (…). Cependant, dans les coulisses, des craintes s’expriment : même s’il a raison sur le plan des principes, le Congo a-t-il les moyens d’un tel exercice de musculation ?» Les fameux «Cinq chantiers» en prennent pour leur grade. «Alors que le Congo , en est qu’à ses premiers pas sur la voie de la reconstruction, ses dirigeants pèchent peut-être par excès d’optimisme : dans toute la ville, de grands panneaux consacrés aux «5 chantiers» montrent des images d’autoroutes, de stations satellites, d’immeubles ambitieux, comme si le travail était déjà terminé. En réalité, il ne fait que commencer et d’aucuns redoutent qu’une brouille avec les Occidentaux ne fasse reculer plus loin encore le fameux «point d’achèvement» qui permettra une remise de 90% de la dette. (…).» Il convient d’ouvrir une parenthèse pour rappeler qu’en juillet dernier, le quotidien «Le Soir» présentait Joseph Kabila en «Père de la reconstruction au Congo». Fermons la parenthèse. L’auteur de regretter «les incidents diplomatiques ou les politiques de la chaise vide (…) », autant que «les malentendus» qui «se multiplient donc entre Kinshasa et la communauté internationale (…).»
Les esprits tordus ne manqueront pas de conclure qu’avec des amis pareils, le «raïs» n’a plus besoin d’ennemis…
Madeleine Wassembinya/B.A.W