Mbandaka : Les forces de sécurité en patrouille
Le calme demeure précaire à Mbandaka où les éléments des FARDC, de la police et de la Monuc continuent à patrouiller dans la ville pour "rassurer" la population. Les assaillants «se sont retirés», dixit un communiqué de la Monuc, dans la forêt de Djombo aux environs de l’aéroport. Selon des sources, une nouvelle attaque de la ville n’est pas à exclure. Contrairement au gouvernement de Kinshasa qui fait état de 18 morts, la Mission de l’Onu assure qu’aucun bilan n’est disponible tant du côté de la population que des insurgés.
«La situation est sous contrôle à Mbandaka». C’est le titre d’une dépêche datée mardi 6 avril de la très officielle Agence congolaise de presse (ACP) qui se reporte au compte-rendu fait lundi par le ministre des Affaires foncières, Kisimba Ngoy Maj, à l’issue de la «réunion d’évaluation» organisée par le Premier ministre Adolphe Muzito. Objet : faire le point de la situation à l’Equateur. Les responsables de la Monuc et ceux des services de sécurité congolais ont participé à cette rencontre. «Equateur : retour progressif au calme à Mbandaka», c’est le titre d’une dépêche de l’Agence presse associée (APA). Une agence privée.
Dans son compte-rendu, le ministre Kisimba, qui assume l’intérim de son collègue en charge de la Communication et des médias, a tenu a retracé le film des événements avant de congratuler la Monuc de son «appui» tout en saluant «l’excellente collaboration, sur le terrain, entre les forces onusiennes et congolaises qui opèrent en synergie». Il faut espérer que Joseph Kabila et son entourage apprécieront cet hommage appuyé à l’endroit d’une Mission onusienne devenue une sorte de poil à gratter pour le pouvoir. Kisimba a par ailleurs indiqué que «des mesures rigoureuses sont prises pour maîtriser totalement la situation».
Des tirsQuelle est la situation sur le terrain ? «Le calme revient progressivement à Mbandaka (…)», note l’APA qui souligne cependant que «la tension restait vive dans la ville et des tirs sporadiques se faisaient encore entendre lundi.». Rentré le même lundi dans le chef-lieu de l’Equateur en provenance de Kinshasa via Gemena, le gouverneur Jean-Claude Baende a exhorté la population «au calme.» Le chef d’état-major général des FARDC, le général Didier Etumba, est attendue «dans les prochains jours» au chef-lieu de l’Equateur. Etumba apprendra que "ses" soldats avaient pris la poudre d’escampette dès les premières détonations en laissant aux troupes onusiennes le soin d’affronter les insurgés.
Selon des sources contactées mardi soir par la rédaction de Congoindependant, des tirs à l’arme légère étaient encore entendus au cours de la matinée du 6 avril. «Contrairement aux déclarations triomphalistes du gouvernement e Kinshasa, commente une source qui a requis l’anonymat, la situation reste incertaine. Une nouvelle attaque de Mbandaka n’est pas à exclure.» Un sympathisant des «Patriotes résistants congolais» (PRC), joint au téléphone dans une ville d’un pays africain, de renchérir : «Nos combattants n’ont pas quitté la ville. Ils se sont repliés tout en restant aux environs de l’aéroport…». Qui sont les assaillants? Selon cette interlocutrice, le "commando" qui a attaqué Mbandaka n’est pas composé uniquement des anciens démobilisés du MLC. «Le socle du mouvement, dit-il, est composé de combattants d’élite issus des Forces armées zaïroises. Ce noyau a été rejoint par d’autres militaires "déçus" par la conduite des affaires publiques et sécuritaires par Joseph Kabila et son entourage.» Kabila a-t-il fait déployer plusieurs bataillons de combattants appartenant au CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) dans la province de l’Equateur?
«Derrière l’étiquette du CNDP, fait remarquer un officier ex-Faz, nous savons que ce sont des militaires de l’armée régulière du Rwanda qui se cachent. Je peux vous assurer que nombreux sont tombés au cours des combats.Ils n’ont pas à se mêler de nos problèmes»
"Objectif : Kinshasa"Quel est l’objectif final ? Réponse tranchée : «Kinshasa reste notre objectif final !» Fanfaronnades ? «Je sais que ma réponse pourrait faire sourire», ajoute-t-il. Notons que des tirs à l’arme automatique ont été entendus, dimanche, au niveau du Beach Ngobila, à Kinshasa. «Ce sont des membres de la garde personnelle de Kabila qui tiraient en l’air, croit savoir cette source. Selon nos informations, des soldats et des policiers auraient été déployés à partir du Beach jusqu’aux environs de Maluku.»
A quelque chose, malheur est bon. Les événements survenus au chef-lieu de l’Equateur tombent comme du pain béni pour le patron de la Monuc, le Britannique Alain Doss dont le départ définitif est exigé à cor et à cri par un Kabila remonté par l’«insolence» de ce sujet de Sa Gracieuse Majesté en passe de fendre l’armure de l’ostracisme qui le frappait jusqu’ici. L’homme savoure manifestement sa «revanche». Dans un communiqué daté 5 avril 2010, le diplomate onusien se dit «très préoccupé» par la situation survenue à Mbandaka. Comme à l’époque où le processus de transition était placé sous la supervision du «CIAT» - ce Comité international d’accompagnement de la transition qui regroupait quatorze nations, Doss d’ajouter : «Nous ne pouvons que déplorer le recours aux armes comme moyens d’expression ou de revendication. Nous encourageons tout le monde à utiliser le dialogue, les échanges et d’autres moyens pacifiques pour faire entendre sa voix.» La paix et la sécurité
Invité à commenter ces propos du chef de la Monuc, un opposant politique n’est pas allé par quatre chemins en qualifiant ceux-ci de «bel exemple d’hypocrisie». Pour notre interlocuteur, Alan Doss feint d’ignorer que «tous les espaces d’expression et de débat sont verrouillés depuis quatre ans au vu et au su de la communauté internationale». Et que «ceux qui osent braver ces interdits ont le choix entre la vie clandestine, la prison ou l’exil voire la mort». «Le patron de la Monuc, conclut-il, sait bien que le dialogue est devenu impossible.»
On retiendra du communiqué du représentant spécial du secrétaire général de la de l’ONU en RD Congo qu’aucun bilan «n’est encore disponible» tant en ce qui concerne la population que les assaillants. La Mission, elle, a perdu trois de ses membres mais «va continuer à appuyer les efforts pour protéger la population et ramener la paix et la sécurité.» Où est passé Joseph Kabila? Fidèle à sa stratégie de la "communication du silence", Joseph Kabila n’a pas pipé un mot sur la "guerre de basse intensité" qui a eu lieu à Mbandaka.
B.A.W