Majorité : recomposition ou éclatement
Le Potentiel ne croyait pas si bien dire en relevant que la partie n’est pas encore jouée autour de la motion contre le Gouvernement Muzito. Si l’Opposition s’emploie à redorer son blason terni lors de la plénière indigeste du 19 mars, au sein de la majorité, la « guerre des clans » a éclaté. Ce qui ne présage pas de bons augures.
Le suspense a atteint son paroxysme. Si dans le camp de l’Opposition l’on s’emploie à déposer une nouvelle motion contre le Gouvernement Muzito au courant de cette semaine, la guerre de clans a éclaté au sein de la majorité. L’on commence à tirer de tous côtés au risque de mettre la cohésion du groupe en mal.
De sources proches de la majorité, la tension, monte de plus en plus dans la classe politique et le climat s’alourdit du jour le jour depuis le 19 mai. L’on se rappellera que ce jour là, l’Opposition a retiré sa motion de censure dans la salle des Congrès du Palais du peuple réchauffée, envahie par les militants du PALU, surexcités et qui venaient d’agresser le président de l’Assemblée nationale, le professeur Evariste Boshab.
Bien que couverte d’opprobre par des irrégularités relevées dans sa motion, l’Opposition avait promis de déposer une nouvelle motion. Le député François Muamba, l’a d’ailleurs confirmé dans notre dernière publication et que cette motion sera déposée au Bureau de l’ Assemblée nationale au courant de cette semaine.
A en croire des informations en notre possession, cette nouvelle motion aurait déjà récoltée 80 signatures. Mais fait surprenant à signaler, dans les milieux proches de la majorité, on affirme qu’une quarantaine de membres de cette plate-forme qui avait signé la première motion, a décidé de proposer sa propre motion censure contre le Gouvernement Muzito.
Voilà une information qui, une fois confirmée, réjouirait l’Opposition.
Comment expliquer un tel revirement spectaculaire de la situation ? dans une déclaration à la presse, les « frustrés » précisent que cinq groupes parlementaires sur neuf qui composent la majorité ont décidé de porter une motion contre le Gouvernement. Il s’agit des groupes ci-après :
- CDF de Endundo et Tshipasa
- Forces du renouveau de Kamitatu et Mbusa
- GPI de Bahati Lukwebo
- G.P.P. de Bashuri
- M.S.R. de Yves Mobando et Molisho
Ces groupes bénéficieraient de l’appui de quelques députés d’autres groupes de la Majorité en dehors du PALU et du PPRD. Encore que certains députés du PPRD, membres du courant Rénovateur auraient signé la motion n’eussent été les menaces répétées dont ils font l’objet, souligne-t-on dans les mêmes milieux.
Selon toujours les frustrés, au comptage, sur les 350 députés acquis à la Majorité au pouvoir, le PPRD et le PALU comptent ensemble 150 sièges alors que tous les autres groupes parlementaires qui se disent opprimés par le « couple PALU-PPRD » en compte près de 180. Les groupes parlementaires avec les partis qui les sous-tendent sont de plus en plus frustrés d’être traités avec mépris, voire humiliés dans le partage de responsabilités et de prébendes de la victoire électorale de 2006, relève-t-on dans les milieux proches de la majorité.
En effet, selon les sources crédibles de cinq groupes parlementaires de la majorité, le tandem « PALU-PPRD » est en train de s’occuper de tout le pouvoir d’Etat en s’attribuant tous les postes dits luxueux au gouvernement afin de se doter d’un « butin électoral » face aux échéances politiques de 2011. Dans la même optique, le PALU et le PPRD préparent la révision constitutionnelle, la nouvelle loi électorale et un mode de scrutin majoritaire à liste bloquée. Pour les « frustrés » de la majorité, l’on est bien parti pour la constitution au sein de la majorité d’un bloc monolithique dit de « gauche » qui veut exclure les autres alliés de l’exercice futur du pouvoir.
Cette alliance PALU-PPRD s’est manifestée lors du dernier remaniement du 19 mars 2010. Remaniement qui a conduit à la récupération par ces deux partis de tous les postes importants détenus par leurs alliés de la coalition. Il s’agit du poste des Finances qui passe du GPI au PPRD ; du poste des ITPR qui est passé du MSR au PPRD ; du poste des Hydrocarbures passé de l’UDEMO au PPRD.
Alors que la taille du Gouvernement a été réduite dans l’ensemble en passant de 55 membres à une quarantaine, la part du PPRD a augmenté et celle du PALU s’est maintenue. Et dans ce partage équitable et équilibré entre ces deux partenaires, le PALU détient les postes des Mines, du Budget, des Transports sans parler de la Primature.
D’autre part, ces deux partenaires se sont partagés le gros des entreprises publiques et régies, laissant aux autres quelques canards boiteux. Poursuivant dans le même élan, c’est tous les postes diplomatiques qu’ils se mettent sous la coupe. Autant de déclarations qui prouvent manifestement qu’il y a frustrations au sein de la majorité.
PARTENARIAT OU MARCHE DE DUPES ?
De ce qui précède, les alliés frustrés viennent à critiquer l’Accord AMP-PALU-UDEMO. Cet accord qui a permis au PALU de prendre la tête du gouvernement est postérieur, dit-on, à la Charte de l’ AMP, signée par les premiers acteurs politiques et sociaux à avoir rejoint Joseph Kabila.
Pour eux, la majorité de partis politiques, organisations sociales et leaders indépendants qui avaient signé la Charte de l’AMP ne se retrouvent plus, car les engagements pris dans cette charte n’ont pas été respectés. D’où la majorité autour du chef de l’Etat a manifestement explosé en deux groupes : le duo PALU – PPRD et le regroupement des partis et forces sociales libérales, centristes et patriotiques.
Avec les signatures déjà récoltés jusqu’ à lundi soir la barre de 125 signatures sera dépassé. Aussi, invitent-ils le Gouvernement à tirer toutes les conséquences qui s’imposent. Ce qui permettrait une recomposition de la majorité avec de nouvelles bases pour éviter tout éclatement. Car ils sont convaincus que le président Kabila ne pourrait qu’aller dans ce sens tant il a besoin d’une large majorité parlementaire.
UN GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE ?
L’énigme sur la motion contre le Gouvernement Muzito demeure. Seul le président Joseph Kabila peut réussir le rappel des troupes et faire passer l’orage. Mais pour combien de temps ?
Le malaise ainsi constaté devrait pousser les membres du Gouvernement qui appuient la motion contre Muzito de démissionner avant le Premier ministre. Morale politique oblige.
D’autre part, certains analystes n’excluent pas cette éventualité de la mise en place d’un « Gouvernement d’union nationale ». Il permettra au président de la République de recomposer une nouvelle majorité avec pour mission de préparer et de réussir les élections de 2011. – Affaire à suivre. Le Potentiel