AFFAIRE TUNGULU : KINSHASA PRÉPARE UN SCENARIO IMAGINAIRE AUTOUR D'UN CORPS INCONNU
« La justice n’est là que pour préserver l’ordre établi et non pas la vérité »
Visiblement, les propos de l’avocat kinois Willy Bolio, censés être rassurants, n’ont fait que susciter la colère et surtout le trouble dans l’esprit de ceux qui veulent savoir toute la vérité et rien que la vérité.
Affaire Armand Tungulu : Du «black micmac» à la congolaise
La dépouille mortelle du Bruxellois Armand Tungulu Mudiandambu est au centre d’un sordide marchandage politico-financier entre la Présidence de la République et des membres indélicats de la famille biologique du défunt. La plainte déposée à Kinshasa contre l’Etat congolais serait une initiative unilatérale de la propre sœur de Armand. Elle répondrait au prénom de «Philo» dont l’époux serait un militaire des FARDC. A ne pas confondre avec la veuve "Philo" Tungulu. La famille biologique de Tungulu Mudiandambu est divisée par la tournure prise par l’affaire. Vendredi 30 octobre, l’Etat congolais a (enfin!) interjeté appel contre l’ordonnance rendue le 11 octobre dernier par le Tribunal de première instance de Bruxelles. Selon une source locale à Kinshasa, l’avocat kinois Willy Bolio, consulté par Philo Tungulu et son militaire d’époux, aurait décidé de renoncer à l’action engagée…contre l’Etat.
Recours et coup de théâtreUne réunion s’est
tenue jeudi 28 octobre à l’ambassade de la RD Congo à Bruxelles sous la
présidence de l’ambassadeur Henri Mova Sakanyi. Etaient présents
notamment deux avocats et un conseiller du ministre de la Justice. Sans
omettre, la juriste Pierrette Mwenze, agent technique et administratif à
l’ambassade. C’est à l’issue de cette rencontre qu’a été finalisé le
texte du recours introduit, vendredi 29, auprès du Tribunal de première
instance de Bruxelles. L’avocat Jean-Claude Ndjakanyi, conseil de la
veuve et des enfants Tungulu, a été informé le même jour par cette
juridiction. Au moment où nous couchons ces lignes, le juriste n’avait
pas encore pris connaissance des arguments articulés par la partie
défenderesse. Reste que l’audience est fixée à mercredi 10 novembre à
9h00 devant la même instance. Coup de théâtre. On apprenait lundi 1er
novembre que les «clients» de l’avocat Willy Bolio, à l’origine de la
plainte déposée le 25 octobre "contre l’Etat congolais" devant le
Parquet général de la République, auraient «renoncé» à cette action. Les
raisons restent inconnues. Du moins pour le moment. Dissensions
familiales? Il était prévu que cet avocat et ses clients dont la "fille
Tungulu" âgée de 19 ans procèdent mardi 2 novembre à l’«identification»
du corps de Tungulu Mudiandambu suivie de «l’autopsie et l’inhumation».
L’avocat avait requis la présence des représentants de la Monusco. "Oui
pour l’identification mais non pour assister à l’autopsie", auraient
répondu les responsables de la division des droits de l’Homme de la
Monusco.
Il n’est pas sans intérêt de rappeler que le 29
septembre dernier, Armand Tungulu Mudiandambu, en séjour à Kinshasa, a
été arrêté par des éléments de la garde présidentielle pour avoir lancé
deux cailloux sur le cortège de «Joseph Kabila». Il a été détenu dans
une cellule au Camp Tshatshi sans pouvoir entrer en contact avec un
membre de sa famille ou son conseil. Dans un communiqué publié dans la
soirée du samedi 2 octobre, le directeur de cabinet du Procureur général
de la République annonçait la mort du détenu «par suicide». Et qu’un
médecin légiste a été chargé de «déterminer les causes du décès». A
Kinshasa, depuis le mercredi 29 septembre, la famille Tungulu a tenté
sans succès d’entrer en contact avec les "autorités compétentes" pour
identifier et obtenir restitution du corps. Contre toute attente, les
numéros d’appel de certains proches du défunt ont été mis sur écoute.
«Il faut faire attention, il s’agit d’une affaire qui concerne
directement le raïs», "conseillaient" certains «amis» de la famille.
Intimidations larvées? A Bruxelles, la veuve Tungulu, née Nzomina Maloka
"Philo", a entrepris dès le lundi 4 octobre des démarches auprès de la
représentation diplomatique congolaise à Bruxelles. Objectif :
rencontrer l’ambassadeur. En vain. Elle a, par contre, été reçue au
ministère belge des Affaires étrangères et à l’ambassade des Etats-Unis
d’Amérique. Face à l’autisme affiché par les autorités de Kinshasa, il
ne restait plus à la famille éplorée qu’une ultime carte à jouer : la
carte judiciaire.
La carte judiciaireUne requête
«en extrême urgence» a donc été introduite dans ce sens devant le
Tribunal de première instance de Bruxelles par la veuve et les trois
filles Tungulu. Dans l’ordonnance rendue le 11 octobre, sous la
présidence du juge Vanwelkenhuyzen, cette juridiction a commencé par
admettre que «(…) le rapatriement de la dépouille mortelle de feu M.
Armand Tungulu Mudiandambu doit se faire au domicile des requérantes,
soit Bruxelles.» Ajoutant : «Aussi, les requérantes voient-elles prima
facie à juste titre dans le comportement des autorités congolaises une
violation flagrante de leur droit subjectif au respect de la vie privée
et familiale tel que garanti par l’article 8 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.»
«Par ces motifs, énonce la sentence, faisons injonction à l’Etat
congolais représenté par le ministre de la Justice et Garde des Sceaux
(…), de restituer aux requérantes la dépouille mortelle de feu M. Armand
Tungulu Mudiandambu et, pour ce faire, de (faire) procéder au
rapatriement en Belgique de ladite dépouille mortelle endéans les 48
heures de la signification de la présente ordonnance et sous peine d’une
astreinte de 25.000 € par jour de retard à exécuter l’injonction qui
précède : Déclarons la présente ordonnance exécutoire sur minute : (…).»
L’Etat congolais aurait reçu notification de la
signification-commandement dès lundi 18 octobre.
Réactions du PGR et du gouvernementDans
un deuxième communiqué daté 12 octobre, le directeur de cabinet du
Procureur général de la République informait «l’opinion» que l’autopsie
du corps du défunt n’a pas encore été pratiquée au motif que «malgré les
efforts entrepris, aucun membre de la famille du défunt ne s’est
présenté en vue d’identifier formellement le défunt, condition préalable
à toute pratique d’autopsie.» Plus affabulateur, tu meurs! Le "dircab"
du PGR de demander «aux membres de la famille du défunt de se faire
connaître auprès de l’auditorat supérieur près la Cour d’appel de la
Gombe en appelant respectivement aux numéros 0997740379 et 0998511338 ;
ou encore auprès de l’ambassade de la RDC à Bruxelles, en Belgique.»
«Par ailleurs, le Parquet général de la République souligne que la
dépouille de feu Tungulu Mudiandambu Armand sera remise à sa famille,
pour les obsèques, dès que le médecin légiste aura pratiquée
l’autopsie», conclut le communiqué.
Le ministre congolais de
la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement, Lambert
Mende Omalanga, a manifestement une médiocre connaissance des
institutions politiques et administratives du Royaume de Belgique. A
preuve, assistant à la réception d’un lot de mobiliers usagés, don de
l’agence Belga à l’ACP (Agence congolaise de presse), en septembre
dernier, Mende s’est lancé dans un discours dithyrambique en exprimant
la «gratitude du gouvernement congolais à l’endroit du gouvernement
belge.» Alors que l’agence Belga est une société anonyme. Le
gouvernement belge n’est donc nullement impliqué dans l’«événement» du
jour. Mende a eu une réaction toute aussi irrationnelle à l’annonce de
l’ordonnance du Tribunal de première instance de Bruxelles. Au cours
d’un point de presse, tenu jeudi 14 octobre, il y a vu une "insulte à la
souveraineté" de la RD Congo avant de "rejeter l’esprit et la lettre"
de l’ordonnance du juge Vanwelkenhuysen. Le porte-parole du gouvernement
congolais a voulu politiser une affaire judiciaire qui relève du droit
international privé. Bref, du droit civil. C’est à tort que Mende a
estimé que cette «ordonnance belge viole substantiellement la Charte des
Nations-Unies signée par le Royaume de Belgique et la RDC et dont
l’article 2 proclame l’égalité souveraine entre Etats membres.»
"Sauve-qui-peut"Dans
une ambiance de sauve-qui-peut, une dépêche de l’AFP datée du 25
octobre rapportait, citant l’avocat kinois Willy Bolio, que la famille
Tungulu «a porté plainte lundi contre l’Etat congolais qu’elle juge
responsable de sa mort, et réclamé une autopsie du corps par des experts
internationaux.» Ajoutant : «Sa fille aînée, ses frères et soeurs ainsi
que son oncle, tous résidant à Kinshasa, ont décidé de porter plainte
auprès du parquet général contre l’Etat congolais pour sa responsabilité
dans la mort de Tungulu». Cette action initiée par «Philo», la sœur du
défunt avec le «concours» de son militaire de mari, a fait naître une
mésentente au sein de la famille Tungulu à Kinshasa. «Nous exigeons une
autopsie par des experts de renommée internationale» déclarait maître
Bolio qui avait requis la présence des fonctionnaires de la Monusco lors
de l’identification de la dépouille mortelle. Un grain de sable
s’est-il introduit dans cette tragique affaire qui prend décidément la
tournure d’une version congolaise du film français «Black micmac»?
O.M.. Savez-vous ce qu'est réellement un mouton noir ?/B.A.W!