Elections 2011 : Tshisekedi fragilise le "front commun" de l’opposition (?)
A l’occasion de la célébration du 29ème anniversaire de la
création de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), Etienne
Tshisekedi wa Mulumba a jeté un pavé dans la marre en déclarant, mardi 15
février, sa volonté d’affronter, seul, le président sortant "Joseph Kabila" lors
de la prochaine présidentielle. Le leader de l’UDPS a exprimait tout le mal
qu’il pense des tractations en cours en vue de désigner le "candidat unique" de
l’opposition. Lors de son récent séjour à Bruxelles, début février, Vital
Kamerhe, président de l’UNC (Union nationale congolaise) avait lancé l’idée de
dessiner le "profil" du candidat de l’opposition à ce scrutin. La proposition
avait été rejetée bruyamment par des "tshisekedistes". Selon des sources, des
"super faucons" du "clan kabiliste" attiseraient les dissenssions entre
Tshisekedi et certains "barons" de l’UDPS en rupture de bans. C’est le cas de
Beltchika Kalubye qui serait "traité" par l’ancien directeur de cabinet du chef
de l’Etat, Raymond Tshibanda, ministre de la Coopération régionale.
"Voilà une bien mauvaise nouvelle pour la cohésion au sein de
l’opposition à quelques mois des élections présidentielles". C’est la réaction à
chaud exprimée mercredi matin par un membre de l’opposition contacté par Congo
Indépendant. Que s’est-il passé? Assiste-t-on au retour des vieux démons des
"années transition mobutiste" lorsque Tshisekedi, Premier ministre élu à la CNS
(Conférence nationale souveraine), déclarait qu’il n’avait plus de compte à
rendre qu’à "son peuple" passant par pertes et profits le soutien des forces
politiques et sociales "acquis au changement"?
Mardi 15 février, le
président de l’UDPS s’est dit "déterminé à se présenter à la présidentielle de
2011". Pour lui, peu importe "que l’opposition politique s’unisse ou non
derrière une candidature unique". «Je n’ai pas lutté vingt ans pour laisser ma
place à un autre, a-t-il déclaré. C’est pour rester, prendre le pouvoir et
instaurer un Etat de droit. Vous comprendrez que je n’accepterai aucun compromis
dans ce sens là. Celui qui n’est pas d’accord avec le programme de l’UDPS, il
est libre de faire ce qu’il veut, il n’est pas obligé de faire plate-forme avec
l’UDPS. Mais l’UDPS est préparée à se présenter aux élections et à les gagner».
Quel anachronisme? On se croirait revenu vingt années en
arrière.Dissidence au sein de l’UDPS
Depuis plusieurs
semaines, des concertations ont lieu au sein des forces politiques et sociales
de l’opposition. But : désigner le "candidat unique" à la présidentielle. Cette
stratégie est motivée par le changement du mode de scrutin ramené de deux à un
seul tour. Un changement des règles du jeu "en pleine compétition" perçu comme
un subterfuge du pouvoir pour empêcher les forces de l’opposition de se coaliser
au premier tour selon le fameux adage "au premier tour on élimine, au second
tour, on choisit". Dans une interview accordée en septembre dernier à
l’hebdomaire Jeune Afrique n°2594, "Tatu Etienne" ne jurait que par l’union de
l’opposition : " (...), je lance un appel à toutes les forces du changement pour
former ensemble un front commun. Des discussions informelles ont déjà commencé".
Que s’est-il passé cinq mois après cette profession de foi?
Rentré à
Kinshasa le 8 décembre, Tshisekedi a reçu un accueil triomphal digne d’une
"Star". Pas moins de deux millions de Kinois se sont déplacés à l’aéroport de
Ndjili pour voir ce "miraculé" qui sort de trois longues années de convalescence
en Belgique. Cette démonstration de force a fait trembler la "Kabilie". Dans la
capitale congolaise, "Tshi-Tshi" devait commencer par éteindre le feu qui couve
dans son propre camp. Il s’agit de la dissidence incarnée notamment par l’ancien
ambassadeur Beltchika Kalubye. Des mauvaises langues soutiennent, à tort ou à
raison, que l’ex-diplomate serait "manipulé" par l’ancien directeur du cabinet
présidentiel Raymond Tshibanda,actuellement ministre de la Coopération
régionale. Le 10 décembre, Tshisekedi a inauguré le congrès de l’UDPS à l’issue
duquel il a été "sacré" candidat de son parti au scrutin présidentiel prévu en
novembre prochain.
"Le profil"Le 14 décembre, l’ancien
président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe organisait la sortie officielle
de son parti l’UNC (Union nationale congolaise). C’est une nouvelle donne
politique. De passage à Bruxelles, "Vital" ne s’est pas empêché de lancer l’idée
d’organisation d’une sorte "d’élections primaires" afin de désigner par voie
consensuelle le "candidat unique" de l’opposition. Selon Kamerhe, il s’agit en
premier lieu de dessiner le "profil" du candidat "en se fondant sur des critères
objectifs". Lors d’une rencontre avec la presse, vendredi 4 février, il
déclarait à ce sujet : "Notre parti est prêt à faire de concessions mais
n’acceptera pas le diktat.» Le diktat de qui? Le diktat de "Tshi-Tshi" ou celui
des forces de l’opposition? Samedi 5 février, le président de l’UNC a enfoncé le
clou en insistant sur la nécessité d’élaborer ce "profil" de celui qui doit être
le "meilleur candidat" de l’opposition.
A Kinshasa, les "tshisekedistes"
voient dans ce "profil", une volonté de "Vital" de faire main basse sur
l’opposition. D’aucuns suspectent, à raison d’ailleurs, l’ancien "Speaker" de
limiter son combat contre le "gouvernement parallèle" incarné par Augustin
Katumba Mwanke et non contre "Joseph Kabila" qui reste, pour eux, l’épicentre du
système à éradiquer. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire «Jeune
Afrique» n°2609, «V.K» a apporté de l’eau au moulin de ses contempteurs en
déclarant notamment : «(…). Lorsque j’ai annoncé ma candidature, en décembre,
j’ai dénoncé, parmi mes divergences avec Joseph Kabila, l’existence de ce
gouvernement parallèle. Mais que les choses soient claires : je ne dirige pas ma
lutte contre Kabila. Je dénonce un système qui nous conduit droit dans le mur.
(…) ». Les "tshisekedistes" de réagir en choeur : «Nous avons pour objectif le
départ de Joseph Kabila. Toute personne qui ne sera pas derrière le candidat
choisi par l’opposition lors de l’élection présidentielle sera considérée comme
un ennemi envoyé par Kabila. Etienne Tshisekedi wa Mulumba est notre candidat.
Nous n’allons en aucun cas livré l’opposition à Kamerhe.» Un opposant de lancer
: «En vertu de quel droit Vital Kamerhe se permet-il de venir nous parler de
«profil» du candidat de l’opposition à l’élection présidentielle?» Notons que
lors de ses harangues, "VK" a lancé également l’idée pour l’opposition de mettre
sur pied un "programme électoral commun". Une occasion pour chaque composante de
connaître les "dividendes" à percevoir en termes de répartition de postes.
Sait-on jamais...
En déclarant que "celui qui n’est pas d’accord avec le
programme de l’UDPS est libre de faire ce qu’il veut, il n’est pas obligé de
faire plate-forme avec l’UDPS", Tshisekedi wa Mulumba n’a-t-il pas engagé le
redoutable pari de fragiliser la cohésion au sein de l’opposition anti-Kabila en
transformant celle-ci en "machine à perdre"? Tshisekedi ne se trompe-t-il pas
d’époque où le combat politique se limitait à un duel singulier entre lui-même -
qui incarnait l’opposition d’alors - et le président Mobutu Sese Seko? Une chose
paraît sûre : la déclaration faite par le président de l’UDPS est un mauvais
signal. Il n’est pas trop tard. L’homme doit se raviser. Affaire à suivre.
B.A.W