A la Une : les affrontements s’intensifient en Côte d’Ivoire
Avec ce terrible constat dressé par le quotidien indépendant L’Intelligent : « 650 morts ? 800 morts ? 1000 morts ou même plus ? Sans compter ces nombreux disparus, déplacés et réfugiés de guerre. C’est le triste bilan qu’il nous a été donné de voir, seulement en trois mois de crise postélectorale. Des combats à l’arme lourde entre les FDS, les Forces de Défense et de Sécurité et les FAFN, les Forces Armées des Forces Nouvelles à l’ouest, au centre et sud du pays. De violents affrontements entre des populations civiles, à l’origine des tueries en série. (…) La preuve est implacable, affirme L’Intelligent, que le pays d’Houphouët Boigny est en train de faire l’amère expérience d’une guerre civile. »
Hier, les combats à l’arme lourde entre les FDS et les FAFN se sont poursuivis dans l’ouest du pays. Et selon plusieurs journaux, notamment L’Inter, « les forces fidèles à Laurent Gbagbo sont parvenues à arracher la ville de Toulepleu des mains des FAFN. Selon plusieurs sources concordantes, précise le journal, les FDS ont réussi à occuper la ville en début d’après-midi (…). L’occupation de Toulepleu par les Forces nouvelles n’aura duré que 24 heures », relève L’Interqui signale que les combats se sont maintenant déplacés dans la localité voisine de Bloléquin, « ouvrant ainsi un autre front ».
Un autre Laurent…
Sur le plan diplomatique, toute la presse ivoirienne s’accorde pour dire que Laurent Gbagbo n’ira pas jeudi à la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, à Adis Abeba. D’après L’Inter, il sera représenté par un autre Laurent, qui lui est président du Conseil économique et social. A savoir : Laurent Dona Fologo. « Une absence qui peut être lourde de conséquences », estime L’Inter. Une absence qui pourrait, selon le journal, « être perçue comme du mépris » et qui « pourrait pousser l’Union africaine à préconiser l’option militaire brandie par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. »
Pour la presse pro-Ouattara, cette absence était prévisible. « Laurent Gbagbo ne veut pas se rendre à Addis-Abeba le 10 mars parce qu’il a peur de la vérité qui sortira de ce rendez-vous capital pour la Côte d’Ivoire, affirme L’Expression. (…) Il ne veut rencontrer le panel des chefs d’Etat qu’à Abidjan. En clair, c’est seulement les autres qui doivent se déplacer, mais lui, +le grand chef+, ne bouge nulle part. (…) Encore une fois, poursuit L’Expression, Laurent Dona Fologo ira se faire tirer les oreilles à la place de Gbagbo qui confisque le pouvoir et fait tuer la population. »
Pour Le Temps, quotidien pro-Gbagbo, cette invitation à se rendre à Adis Abeba est, je cite, « un complot pour attaquer la Côte d’Ivoire. (…) La multinationale de la déstabilisation, dressée contre le régime de la Refondation, savait qu’il n’accepterait pas d’effectuer le déplacement en Ethiopie. Cette multinationale dite, communauté internationale dirigée par la France de Nicolas Sarkozy, a des vœux guerriers, poursuit le quotidien pro-Gbagbo. Elle veut brandir la précaution sécuritaire du chef de l’Etat ivoirien à ne pas se rendre en personne à cette rencontre comme un refus d’adhérer au plan de sortie de crise (…). Et sur la base de cette accusation selon laquelle c’est Gbagbo qui bloque le processus de paix, affirme Le Temps, la multinationale de la déstabilisation fera en sorte que l’Onu reprenne la main en Côte d’Ivoire. »
La politique de la terre brûlée ?
Le quotidien Le Pays,au Burkina, a une toute autre analyse… « Sur le terrain, les choses vont de mal en pis. Les deux camps n’ont jamais été aussi proches de l’affrontement armé. Dans ces conditions, on comprend que Laurent Gbagbo ne veuille pas abandonner ses troupes. » Mais, surtout, poursuit le quotidien burkinabé, Laurent Gbagbo « sait que l’UA ne reviendra pas sur sa décision de reconnaitre Ouattara (…). A quoi bon alors faire un déplacement pour rien tant que le statu quo et le pourrissement l’arrangent ? (…) En tout cas, relève Le Pays, Laurent Gbagbo semble avoir définitivement rejoint le peloton des dirigeants africains indifférents au sort de leur peuple. Dix ans de mandat présidentiel gracieux, parce que offerts par la communauté internationale, ne lui auront pas permis de répondre à la demande sociale. Comme pour se venger de ses compatriotes après avoir perdu les dernières élections présidentielles pluralistes, équitables et propres, il leur offre une guerre civile en retour. »
Enfin, dans une tribune publiée par le site d’information SlateAfrique, le journaliste-écrivain ivoirien Venance Konan est tout aussi incisif : « Gbagbo ou la politique de la terre brûlée », s’exclame-t-il. « Ceux qui doutaient encore de la détermination de Laurent Gbagbo à se maintenir coûte que coûte au pouvoir, malgré sa défaite à l’élection présidentielle, savent désormais à quoi s’en tenir. Il est prêt à tout. (…) Le pouvoir absolu rend absolument fou, dit-on, poursuit Venance Konan. Risquer de le perdre rend encore plus fou. Gbagbo et les siens ont décidé de pratiquer la politique de la terre brûlée. Puisque Ouattara, qu’il accuse d’avoir fomenté la rébellion, leur a pourri leur pouvoir, ils lui pourriront le sien. Et tant pis pour les Ivoiriens qui les ont rejetés. Ils vivront dans un pays en ruine. »RFI