Belgique/RD Congo : «Joseph Kabila» devenu infréquentable ?
Le chef d’Etat congolais a-t-il fait appel au service du prince Laurent de Belgique pour faire du lobbying afin d’améliorer son image en Belgique et en Europe à quelques mois de l’élection présidentielle en RD Congo? En tous cas dans les milieux européens, il y a "très peu d’enthousiame" à financer les élections à venir où le "vainqueur est quasiment connu".
Révélée par le quotidien bruxellois «La Libre Belgique», dans son édition datée du 30 mars, la «visite secrète» effectuée mi-mars par le prince Laurent au Congo était au centre des émissions politiques dominicales «Mise au point» de la télévision publique belge francophone (RTBF) et «Controverse» de la chaîne commerciale RTL-Tvi. «Une visite imprudente», a déclaré la semaine dernière le Premier ministre Yves Leterme. Un avis unanimement partagé en Flandre où la monarchie belge souffre d’un désamour à peine voilé.
Clivages communautaires obligent, les représentants des formations politiques flamandes ont paru très virulents à l’encontre de cette escapade du fils cadet du couple royal belge surnommé «Gaston La gaffe» par le député nationaliste flamand Jean-Marie De Decker, président de LLD (Liste De Decker). Président du parlement régional flamand, le NVA Jan Peumans n’a pas usé des circonlocutions en affirmant que le Prince a été en contact avec un «régime totalitaire». Côté francophone, trois personnalités ont défendu bec et ongles le «bien fondé» du voyage de Laurent. Outre l’avocat Pierre Legros, il y a le PS André Flahaut, président de la Chambre des représentants (députés) et le MR Armand De Decker, l’ex-président du sénat. Deux Francophones ont fait exception au cours de l’émission «Controverse». D’une part, la Centriste Catherine Fonck, vice-présidente du CDh et chef de groupe à la Chambre de l’autre le député européen Louis Michel. Celui-ci passait jusqu’ici pour un «kabilophile» à tout crin.
Une des critiques articulées à l’encontre de Laurent est de s’être rendu au Congo «contre l’avis du Premier ministre et du Palais» et surtout au moment où le pays visité se trouve à quelques mois de la tenue des élections générales. Une autre critique s’en est suivie selon laquelle le moment choisi est inopportun. Et l’attitude du fils du roi Albert II risquait d’être interprétée comme une volonté de la Belgique d’adouber le président sortant «Joseph Kabila». Pour Catherine Fonck, la visite du prince Laurent est loin d’être «en adéquation avec la diplomatie du Royaume". «Il n’y a pas deux diplomaties en Belgique», a-t-elle souligné. L’eurodéputé belge Louis Michel s’est empressé d’enfoncer le clou en ajoutant que la Belgique - qui peine depuis neuf mois à former son gouvernement au niveau fédéral – se trouve à «un moment sensible». Et d’ajouter qu’il en est de même du Congo où «la manière» dont la Constitution a été modifiée continue à susciter des interrogations.Indignation sélective ?
A y regarder de près, la position affichée par l’ancien chef de la diplomatie belge au cours de l’émission «Controverse» présente une cohérence par rapport à la déclaration faite le 24 janvier dernier par la Britannique Catherine Ashton, Haute représentante de l’Union Européenne aux Affaires étrangères. C’était au lendemain de l’amendement de plusieurs articles de la Constitution promulguée le 18 février 2006. La diplomate européenne a, à cette occasion, rappelé «la volonté de l’Union Européenne d’appuyer un processus électoral crédible» en RD Congo tout en insistant «sur la responsabilité qui incombe aux autorités congolaises d’assurer un processus électoral libre, régulier et pacifique.» «L’Union européenne appelle les autorités de la RDC à assurer un processus qui respecte les libertés d’expression en incluant des médias et offre des conditions égales pour tous les candidats.» S’agissant de la révision à la hussarde de la Loi fondamentale, Catherine Ashton déplorait que cette révision qui a conduit à l’instauration d’un seul tour au scrutin présidentiel «ainsi que celles relatives aux équilibres institutionnels n’a pas fait l’objet d’un «débat public plus large».
Dans les milieux européens à Bruxelles, il se murmure que la Commission européenne serait «peu enthousiaste» d’apporter son soutien financier pour l’organisation des élections générales en RD Congo. «A quoi bon financer une élection présidentielle dont le vainqueur est déjà connu puisqu’il s’appelle Joseph Kabila et dont le bilan est loin d’être très sexy?», ricane un eurodéputé. Questions : Le président sortant «Joseph Kabila» est-il devenu infréquentable pour les «Vingt-sept» de l’Union Européenne? En juin 2006, soit à un mois de la tenue du premier tour de l’élection présidentielle en RD Congo, le vice-Premier ministre belge Didier Reynders n’avait-il pas rendu visite au président-candidat «Joseph Kabila» en compagnie du ministre de la Coopération au développement d’alors Armand De Decker et de la secrétaire d’Etat à la Famille d’alors Gisèle Mandaïla ? Comment expliquer l’émoi suscité par le voyage de Laurent à huit mois des échéances électorales de 2011? Indignation sélective ? Autres temps autres moeurs?
«Kabila» et certains membres de son entourage escomptaient-ils confier au prince Laurent une mission de lobbying moyennant quelques «avantages» ? Lesquels? Il est en effet étonnant de constater que la délégation du Prince est allée parler «environnement et développement durable» sans prendre langue avec…le ministre congolais de l’Environnement, tourisme et conservation de la nature.
Baudouin Amba Wetshi