Hewa Bora : La série noire continue !
Le monde congolais de l’aviation civile est à nouveau en deuil. Un Boeing 727 de la compagnie aérienne Hewa Bora Airways (HBA) a «crashé» vendredi 8 juillet lors de son atterrissage à l’aéroport international de Bangoka à Kisangani. L’aéronef transportait à son bord 112 personnes. Bilan provisoire : 53 personnes tuées dont les membres de l’équipage. Une enquête a été aussitôt ouverte.
Selon des sources concordantes, il faisait «très mauvais» à Kisangani ce vendredi 8 juillet. «Une pluie torrentielle s’est abattue sur la ville, explique une source jointe au téléphone à Kinshasa par la rédaction de Congo Indépendant. Pour une raison difficile à expliquer, le commandant de bord a décidé de passer sous l’orage au lieu de faire diversion vers les aéroports les plus proches, c’est-à-dire Goma ou Kindu.»
Interrogé par Reuters, le patron de HBA, Stavros Papaiannou, a abondé quasiment dans le même sens : "Le pilote a essayé d’atterrir, mais, apparemment, ils n’ont pas touché la piste". Il a confirmé le «bilan provisoire» de «cinquante-trois morts» sur un total de 112 passagers et membres d’équipage.
Selon le ministre congolais de la Communication et presse, Lambert Mende Omalanga, les services de secours ont pu extraire quarante rescapés de la carcasse de l’avion. «L’accident a été provoqué par un violent orage», a-t-il confirmé à l’AFP.
Il ne fait plus l’ombre d’un doute que le «mauvais temps» est la cause principale du sinistre. C’est tout ? C’est ici que des questions commencent à fuser. L’équipage était-il qualifié pour piloter ce type d’avion? Pourquoi le pilote a-t-il pris le risque d’atterrir malgré l’orage? L’aéronef disposait-il suffisamment de kérosène pour atteindre un aéroport de diversion le plus proche? Le Boeing 727 était-il en bon état de maintenance? Selon un expert de l’aviation civile joint dans la capitale congolaise, l’aéronef accidenté aurait été cloué au sol - pour cause de maintenance - pendant une année avant d’entreprendre ce vol fatal. «Le commandant de bord qui a péri dans l’accident n’était nullement qualifié pour piloter un appareil de ce type, assure cette source. Il a été co-pilote dans le MD-82.» Vrai ou faux, seul l’avenir pourra le dire.
D’autre part, des «consultants» contactés par notre journal peinent à expliquer la décision du commandant de bord de «braver» l’orage. Pour l’un d’eux, l’avion était certainement à court de kérosène. «Lorsqu’un avion va d’un point A vers un point B, explique un consultant, il doit emporter du fuel supplémentaire pour atteindre un point C, c’est-à-dire un aéroport de diversion. Dans le cas qui nous occupe, le pilote aurait dû regagner son point de départ en l’occurrence Goma ou aller à Kindu.» Pour notre interlocuteur, seul un manque de carburant ait pu contraindre le pilote à prendre cette «décision suicidaire».
Pour en avoir le cœur net, l’auteur de ces lignes a «bipé» le PDG de Hewa Bora Airways. Moins de quinze secondes après, «Stavros», comme les Kinois l’appellent, a rappelé. On ne peut que l’en remercier. Hélas, la conversation qui devait être courtoise s’est terminée en "eau de boudin", comme disent les sujets du roi Albert II. Pourquoi le pilote a-t-il décidé de passer sous l’orage? "Il est prématuré d’accuser le commandant de bord, répond Stavros Papaiannou. Ce serait faire preuve d’un manque d’élégance alors que les membres de l’équipage ont péri dans l’accident." Et de poursuivre : "Il est vrai qu’il faisait mauvais sur la ville de Kisangani. Je préfère néanmoins qu’on attende les résultats de l’enquête qui a été ouverte. Vous pouvez imaginer notre tristesse en ce moment. Hewa Bora Airways a perdu dans ce crash les rares Congolais expérimentés que nous avions.» Est-il vrai que l’aéronef accidenté était immobilisé depuis une année pour cause de maintenance? A cette question, le PDG Papaiannou, qui était jusque là fort courtois, a perdu son sang-froid : «Si vous avez cherché cet entretien pour m’emmerder, je préfère vous laisser écrire votre article à votre guise. Si vous aimez votre pays, arrêtez de raconter des conneries. Je vous remercie. Bonne soirée...» C’est bien dommage!
L’accident survenu à Kisangani est un coup dur pour l’image de HBA. « Blacklistée» par l’Union européenne pour des raisons de sécurité, cette compagnie aérienne congolaise vit une véritable série noire. L’opinion tant nationale qu’internationale a encore frais en mémoire le crash très spectaculaire du DC-9 de cette compagnie qui a terminé sa course, au décollage, dans le quartier Birere à Goma. Bilan : 44 morts. C’était le 15 avril 2008. Une semaine avant cet accident, l’Union européenne venait d’inscrire Hewa Bora sur la «black list» des compagnies aériennes interdites sur l’espace aérien de ses Etats membres. La compagnie tentera de contourner cette interdiction en s’alliant à d’autres partenaires. Sans succès. C’est le cas notamment de l’aéronautique civile de Sao Tomé et Principe. Contacté à l’époque, Stavros de fulminer : «Nous faisons face à un extraordinaire harcèlement». L’homme n’hésite pas à imputer ses «malheurs» aux concurrents de son entreprise. C’est le cas notamment de Brussels Airlines. Et si la direction de Hewa Bora Airways avait sa part de responsabilité?
A Kinshasa, les détracteurs de Stavros Papaiannou estiment, à tort ou à raison, que les transporteurs aériens opérant au Congo prennent trop de liberté avec la réglementation de l’Organisation internationale de l’aviation civile. «Les pilotes sont constamment sous la pression de la direction générale ou commerciale, disent-ils en chœur. Les pilotes sont-ils qualifiés? Vont-ils régulièrement au simulateur de vol? Sont-ils recyclés tous les six mois ? Subissent -ils des contrôles en vol ? Les contrôleurs sont-ils qualifiés ?».
Baudouin Amba Wetshi