Les langues se délient.. Quand la RDC se met sous " tutelle " de la Communauté internationale.
Bob Kabamba, le kabiliste et "tire-bouchon" du kabilisme à l'étranger explique son scepticisme face au récent accord destiné à ramener la paix dans l'est de la République démocratique du Congo.
Encore une fois, sous les auspices de la Communauté internationale, un accord pour la paix a été signé ce samedi 24 février 2013 par 11 Chefs d’État de la Région des Grands Lacs africains pour résoudre une énième reprise des hostilités menées par un nouveau mouvement rebelle surnommé Mouvement du 23 mars (M23), dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Le statut flou du M23
Ce nouvel accord survient après des initiatives africaines de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) et de Southern African Development Community (SADC) préconisant la mise sur pied d’une force militaire neutre chargée de mettre hors d’état de nuire les différentes forces négatives, responsables des principales exactions contre les populations civiles. Pour la CIRGL, le M23 doit être interlocuteur de Kinshasa dans la recherche des solutions durables de paix. Elle a recommandé des négociations sous la médiation du président ougandais qui est accusé d’appuyer ce mouvement rebelle, dans un rapport d’un groupe d’experts mandatés par les Nations-Unies. Les négociations entre le M23 et le Gouvernement congolais sont en cours dans la capitale ougandaise. Par contre, la SADC et l’ONU considèrent le M23 comme une force négative. De ce fait, elle doit être neutralisée et ses principaux animateurs sont frappés par des sanctions internationales. Le M23 jouit d’un double statut qui entretient un flou sur la suite des évènements. L’accord met en exergue deux volets essentiels dans les initiatives à prendre pour résoudre la crise congolaise : le volet interne et international. Par ailleurs, il formule un certain nombre d’engagements pour le gouvernement de la RDC, pour la région, pour la communauté internationale et définit un mécanisme de suivi aussi bien national que régional pour garantir la bonne fin de leur mise en œuvre.
Un mandat plus adapté
Devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général en RDC a confirmé la détérioration continue des conditions de sécurité dans l'est du pays, plaidant pour un renforcement des moyens militaires accordé à ses Casques bleus car la Mission de l’ONU a peu de latitude pour y réagir. Deux mesures complémentaires sont sollicitées : le déploiement de drones aux capacités de surveillance de la MONUSCO, ainsi que d'une brigade d'intervention dont le mandat devrait aller au delà des mandats traditionnels de maintien de la paix. Cette brigade d'intervention devrait opérer contre des groupes rebelles armés comme le M23. Ainsi, l’ONU reconnaît implicitement l’inadéquation de son mandat en RDC et son incapacité à protéger les populations du Kivu, déjà souligné à maintes reprises par plusieurs observateurs. Le mandat de 20 mille personnels en uniforme est inadapté.
La démarche définie dans l’accord, n’est pas sans rappeler la résolution 1565 du Conseil de sécurité qui mandatait l’ONU à accompagner la RDC dans le processus de fin de transition politique. Elle a contribué à l’organisation des élections, à la reforme du secteur de sécurité et l’installation des institutions politiques de la troisième République. Cette résolution plaçait de fait, la RDC sous tutelle. Ainsi, tout le processus électoral de 2006 et la reforme des services de sécurité ont été pilotés par la Communauté internationale réunie au sein du Comité international d’accompagnement de la Transition (CIAT). En 2013, la démarche proposée restreint une partie de la souveraineté nationale de la RDC. Les engagements pris seront supervisés par un comité de suivi régional dont font partie des pays apportant un soutien militaire au M23, source d’insécurité et responsable de plusieurs exactions contre les populations civiles dans la province du Nord-Kivu.
Des richesses convoitées
Enfin, il est important de rappeler les Accords de Lusaka signés en 1999 entre tous les belligérants de la première guerre congolaise, Sun City en 2002 mettant en place une transition politique, la Conférence de Goma en 2009 mettant fin à la rébellion du CNDP, l’accord de Pretoria (retrait des troupes rwandaises de la RDC), de Luanda (retrait des troupes ougandaises de la RDC) dont les résolutions qui restent encore d’actualité, n’ont jamais été complètement appliqués. De nombreux autres accords ont déjà été passés ces dernières années, sans permettre de ramener une paix durable dans le Kivu, qui suscite toujours les convoitises en raison des richesses minières qu’elle recèle.
Bob Kabamba, professeur à l'Université de Liège
Professeur de politique africaine à à Liège et dans plusieurs universités africaines, Bob Kabamba est un "spécialiste" (pour ne pas dire kabiliste) de la Région des Grands Lacs africains. Il est expert auprès de plusieurs organismes sur les questions de "statebuilding", de décentralisation, d'élections, de reformes secteurs de sécurité.
O.M.. Losako en a parlé à plusieurs reprises / RTBF