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LOSAKO
18 novembre 2006

Les Chinois envahissent l'Afrique

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Historiquement implantées en Afrique australe, les diasporas se sont progressivement répandues sur le continent. Voici comment.

Combien sont-ils ? D’où viennent-ils ? Quand ont-ils émigré ? Peu de données sont disponibles sur les Chinois d’Afrique. Les chiffres varient souvent d’une source à l’autre suivant les critères pris en compte. Une seule certitude : leur nombre est en constante augmentation depuis la fin des années 1990, quand l’ouverture des frontières a permis à des milliers de citoyens de l’empire du Milieu de s’installer sur le continent. La diaspora chinoise en Afrique - au sens large en y incluant les descendants - pourrait atteindre quelque 500 000 d’individus, dont 150 000 titulaires d’un passeport chinois. La plupart sont originaires de République populaire de Chine, mais on compte aussi des Taïwanais et des Hongkongais qui sont arrivés avant la réintégration de l’ex-enclave britannique.

Les premiers Chinois sont arrivés sur le continent, précisément en Égypte, dès le Xe siècle avant J.-C. pour y faire du commerce. Du IIe siècle avant J.-C. jusqu’au XIIIe siècle après J.-C., des échanges commerciaux ont été entretenus, essentiellement avec l’Afrique du Nord, en empruntant les voies terrestres. Les premiers comptoirs sont installés à Mogadiscio sous la dynastie mongole des Yuan (1276 à 1368). De 1405 à 1433, Zheng He, un amiral né d’un père musulman, appelé le « grand commandant des océans de l’Ouest », mène sept grandes campagnes en Afrique. Mais l’installation des commerçants chinois connaît un coup d’arrêt à partir du XVe, et les navires des Occidentaux règnent sur les routes maritimes dans l’océan Indien.

Les vagues migratoires reprendront à la fin du XIXe siècle. L’interdiction de la traite et l’abolition de l’esclavage amèneront les puissances coloniales française et anglaise à chercher en Asie des milliers d’ouvriers pour travailler dans les plantations de canne à sucre, puis dans la construction des premières lignes de chemin de fer. Le Gabon hébergea même un temps un bagne accueillant les condamnés de droit commun venus de Cochinchine, d’Annam et du Tonkin. À leur libération, ils fondèrent sur place des familles… De père chinois et de mère gabonaise, l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean Ping, métis aux yeux légèrement bridés, parle couramment le putonghua (mandarin). Entretenant d’excellentes relations avec les diplomates de Pékin, il est l’un des artisans de la fulgurante percée chinoise dans son pays.

À partir de 1950, la plupart des nouveaux immigrants chinois se sont incorporés aux descendants des communautés déjà existantes. Leur longévité en Afrique tient principalement à leur faculté d’adaptation, leur ardeur au travail et leur discrétion sur la scène politique nationale des pays où elles sont implantées. Ayant conservé leur culture, leurs valeurs familiales et des liens puissants avec leur pays d’origine, elles ont su profiter du dynamisme économique récent de l’empire du Milieu. Les Chinois d’outre-mer ont créé de nombreuses compagnies d’import-export plus ou moins formelles, investi des pans entiers des économies africaines (commerce de gros et de détail, restauration, hôtellerie, médecine, construction) et pris pied dans les activités parallèles, comme la prostitution et la contrefaçon en Afrique de l’Ouest et du centre.

En Afrique du Sud, la mafia chinoise a commencé à s’organiser dans les années 1980, selon le Sud-Africain Peter Gastrow, chercheur à l’Institut des études stratégiques basé à Pretoria. Il a identifié la présence dans le pays de quatre des principales triades chinoises, dont la plus puissante (Sun Yee On), et d’une triade taïwanaise Table Mountain Gang, moins bien organisée. Leurs activités étaient au début essentiellement centrées sur le trafic illégal d’abalone, une variété d’ormeau (mollusque marin comestible) très prisée en Chine et répandue dans les eaux sud-africaines, mais dont le commerce est réglementé. Depuis 2000 s’y sont ajoutés le trafic de stupéfiants, la prostitution et le blanchiment d’argent.

La nation Arc-en-Ciel abrite une communauté chinoise de près de 300 000 personnes, dont la majorité est naturalisée. Les Archives nationales relatent l’arrivée d’immigrants chinois dès 1650 pendant la dynastie Ching, peu après l’établissement des Néerlandais dans la région du cap de Bonne-Espérance. Plusieurs vagues d’immigration se sont ensuite succédé, notamment sous la domination anglaise. Les Britanniques firent venir de nombreux travailleurs chinois dans les mines d’or du Transvaal. Bien qu’un grand nombre d’entre eux aient été rapatriés après 1910, certaines communautés se sont établies à travers le pays, surtout autour de Johannesburg et de Port-Elizabeth. Le régime d’apartheid n’épargna pas cette diaspora soumise à de fortes discriminations. Son effondrement mit fin aux injustices dont souffraient ces communautés et, en avril 2004, la première députée d’origine chinoise a été élue au Parlement sud-africain. Sherry Su-Hei Chen est arrivée de Taiwan en 1981 et a réussi à se faire admettre progressivement dans la société sud-africaine tandis que son mari faisait des affaires dans le commerce du textile. Aujourd’hui, la famille est un symbole de réussite pour une communauté très solidaire et qui parvient à prospérer, mais reste un peu en marge de la société.

À Madagascar, « l’administration coloniale française a fortement réglementé et limité les activités économiques des populations étrangères, dont celles des Chinois très implantés dans le commerce et dispersés dans toute l’île », explique le chercheur français Pierre Picquart, auteur de L’Empire chinois, mieux comprendre le futur numéro un mondial : histoire et actualité de la diaspora chinoise (Éd. Favre). Dans la seconde moitié du XXe siècle, les travailleurs agricoles des origines ont été rejoints par des Chinois venus de la Réunion et de Maurice. On dénombre 15 000 Chinois à Madagascar, dont la grande majorité sont des Cantonais, pour 2 000 entreprises. Avec le déclin de l’économie rurale, ils ont implanté diverses activités dans les villes (import-export, petit commerce, restauration, hôtellerie, transports de marchandises, boulangeries, usines de boissons…), qui se développent aujourd’hui dans le cadre de la zone de libre-échange des îles des Mascareignes.

« À Maurice, la présence des marchands chinois date du XVIIIe siècle. Mais les premiers migrants dans cette île à vocation sucrière étaient des ouvriers agricoles recrutés sous contrat », indique Pierre Picquart. On compte actuellement plus de 30 000 Mauriciens d’origine chinoise. Plusieurs d’entre eux occupent des postes de responsabilité, notamment dans les plus hautes instances juridiques du pays. La diaspora est très active dans l’industrie textile. Dans le quartier chinois de Port-Louis, les plus vieux habitants de la communauté sont toujours habillés traditionnellement et pratiquent un discours souvent ampoulé et impénétrable.

Les communautés d’Afrique de l’Ouest et du centre se sont installées dans la seconde moitié du XXe siècle avec l’essor de la coopération sino-africaine. Très généralement, il s’agit de coopérants ou employés d’entreprises chinoises qui sont restés dans les pays pour y développer une activité commerciale (restauration, commerce, etc.). À Dakar, les premiers Chinois sont venus au milieu des années 1980 dans les bagages de la société Henan Chine pour construire le stade Léopold-Sédar-Senghor ou travailler pour la Soachip (Société chinoise de pêche). Les ressortissants de la province de Henan sont aujourd’hui les plus nombreux et sont particulièrement bien implantés dans la zone du Centenaire. Les représentations diplomatiques chinoises sous-estiment systématiquement le nombre de leurs ressortissants en Afrique de l’Ouest et du centre… Alors qu’ils sont de plusieurs centaines à quelques milliers par pays. Beaucoup travaillent dans le secteur informel et pour certains, ne possèdent pas de visas en règle. Les statistiques sont plus fiables en Afrique du Nord, une région abritant un grand nombre de coopérants chinois et de salariés d’entreprises chinoises, particulièrement dans le BTP et le textile. On compte un peu plus de 1 000 Chinois au Maroc dont 500 pêcheurs à Agadir, 150 à 200 hommes d’affaires à Casablanca et une centaine de médecins dans tout le royaume. En Algérie, entre 6 000 et 8 000 ouvriers chinois travaillent dans le seul secteur de la construction. Nombre d’entre eux pourraient rester sur le continent et y tenter leur chance.

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