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LOSAKO
24 novembre 2006

Election présidentielle au Congo : huit questions à Colette Braeckman

coletteQuand, dans son ‘Carnet’, Colette Braeckman renvoie dos à dos le président et le vice-président de l’économie sortants et désigne notre peuple comme étant le grand gagnant de cette mascarade électorale, elle ne nous semble pas creuser profondément dans ce qui est en train d’arriver à ce peuple. En effet, dans son ‘Carnet’ intitulé « Huit questions au lendemain des élections », Colette Braeckman pose cette question : « Qui a vraiment gagné les élections? » Elle répond : « Ni Bemba, malgré ses 42 %, ni Kabila avec sa majorité de 58 %. Les deux prétendants à la magistrature suprême sont souvent apparus comme des « deuxièmes choix », « le moindre mal » ont dit beaucoup d’électeurs. (…) Bref, au-delà des deux rivaux, c’est bien le peuple congolais qui a gagné ces élections (…) » (Carnet de C. Braeckman : Huit question au lendemain des élections, dans Congoforum du 23 novembre 2006)

Pour étayer cette affirmation, « la spécialiste du Congo » estime que « le vote pour Bemba a souvent été un vote sanction plus qu’une adhésion personnelle et enthousiaste. » Elle bat en brèche l’argument de campagne du président sortant, « maître de la paix à l’Est », en affirmant qu’ « en dépit des promesses sécuritaires, les miliciens hutus terrorisent toujours les populations civiles à Walungu, Kaniola et tant d’autres localités du Kivu, les femmes sont toujours enlevées et violées, le trafic de matières précieuses se poursuit et dans le Nord-Kivu, Nkunda n’a pas été désarmé et terrorise toujours les populations du Masisi (…). A Kinshasa, on affirme sans rire que Nkunda « est contrôlé » mais tel n’est pas certainement l’avis des populations locales…Le Katanga, certes, a voté Kabila, mais on tient son entourage pour responsable du bradage du patrimoine minier, même si les contrats léonins conclus durant la transition avaient aussi été ratifiés par la Commission économie et finances dirigée par Bemba. » (Ibidem)

Réfléchissons un peu

Bemba a bénéficié d’un vote sanction contre Kabila. Ce dernier n’a pas fait la paix à l’Est malgré ses « promesses sécuritaires » et les mensonges de Kinshasa. Le pouvoir transitoire affirme « sans rire » qu’il y a la paix à l’Est. Cela est contraire à la réalité du terrain : le viol, les enlèvements, le vol, la terreur, le terrorisme y règnent et les populations locales en témoignent. En dehors de l’exaltation du thème de ‘la congolité’ pendant la campagne électorale, Kabila a été aussi sanctionné à cause des contrats léonins par ceux et celles qui ont choisi Bemba. Que ce dernier ait ratifié ces contrats ne change rien au fait que la richesse minière du Congo a été bradée pendant la transition aux dépens du peuple.

Réfléchissons un peu. Comment un peuple qui a choisi des gens incapables d’accomplir leurs promesses, (c’est-à-dire des menteurs), des prédateurs par-dessus le marché, des gens ayant vidé les caisses de l’Etat, peut-il être dit gagnant? Qu’est-ce qu’il a gagné? Sa naïveté? Son incapacité à se livrer à des analyses pouvant l’aider à rejeter dos à dos « les nouveaux prédateurs »? Comment Colette peut-elle voir un gain là où la naïveté a été triomphante? Toutes ces questions reposent le gros problème des desseins que servent les médias dits internationaux.

Réfléchissons encore un peu

Dans son article intitulé « Quand s’occupera-t-on de l’économie? », Marie-France Cros note : « La campagne électorale a vidé les caisses de l’Etat. Une analyse prédit des « difficultés colossales ». Et la population est impatiente de voir élever son niveau de vie. » (Marie-France CROS, Quand s’occupera-t-on de l’économie?, dans La Libre Belgique du 23 novembre 2006). Encore de la naïveté! La population attend de ceux qui ont vidé les caisses de l’Etat d’élever son niveau de vie! Par quel miracle? (Dans une note infrapaginale, notre auteur mentionne le fait que pour le premier tour de la présidentielle, on évalue les dépenses électorales de Joseph Kabila à 50 millions de dollars et celles de Jean-Pierre Bemba à 22 millions. Qu’ont-ils dépensé pour le deuxième tour? Qu’ont-ils donné comme salaire aux fonctionnaires pendant qu’ils se servaient gracieusement?) Notre population a cru béatement en une démocratie représentative instrumentalisée par « les nouveaux prédateurs » et leurs parrains) en oubliant que leurs réseaux ont tout cadenassé. A l’Assemblée Nationale (classique), c’est le triomphe du « diktat de la majorité » de l’Alliance de celui qui ne tient pas ses promesses jusqu’à ce jour. C’est Marie-France Cros qui, traitant de l’incendie de la Cour Suprême de Justice, note : « Ces événements surviennent alors que les premiers débats de la nouvelle Assemblée nationale, élue, se révèle difficiles. Ainsi, les députés de la majorité présidentielle désapprouvent systématiquement les amendements au projet de règlement d’ordre intérieur présentés par les bembistes, et vice-versa. La majorité s’est en outre attribuée tous les postes du bureau de la commission chargée d’élaborer ce règlement, contrairement à l’usage qui veut qu’on les partage proportionnellement à la représentation parlementaire. » M.-F. CROS, Nouvelle poussée de fièvre à Kin, dans La Libre Belgique du 22 novembre 2006). Donc, il n’y a pas grand-chose à attendre de ces « carriéristes-mangeurs » ayant « laissé les caisses de l’Etat en piètre situation, alors que l’on peut s’attendre encore à des dépenses publiques pour les cérémonies d’investiture des élus, du Président aux sénateurs en passant par les gouverneurs. » (M.-F. CROS, Quand s’occupera-t-on de l’économie? art.c.)

D’où viendra le salut?

Citant un analyste économique, Marie-France Cros écrit : « Pour atteindre la richesse que connaissait le pays en 1960, il faudrait une croissance à deux chiffres jusqu’en 2050 ». « Or, ajoute-t-elle, elle est de 5,7 cette année. » (Ibidem). Les dés sont pipés! Comment la croissance à deux chiffres viendra-t-elle à bout d’une question de prédation organisée à l’échelle nationale et internationale? Comment peut-elle participer d’un éveil de la conscience critique et responsabilisante chez nos populations violées imaginairement?

La réponse économique est de moindre secours en cette matière. Il faut chercher plus ailleurs. Pour cause. Porter son choix sur des « politicailleurs », membres des réseaux des prédateurs et d’autres « criminels économiques » pour en faire, par la magie des urnes, « des politiques dignes », membres des réseaux de gestion idoine de la chose publique expérimentant une démocratie représentative instrumentalisée par les pouvoirs d’argent, c’est signer son arrêt de mort. Voilà ce que nos populations ont fait : elles ont signé leur arrêt de mort.

A moins qu’elles finissent par comprendre qu’elles ne pourront « ressusciter » que si elles brisent les chaînes de la démocratie représentative instrumentalisée par « les petites mains de l’économie » pour une démocratie participative, alphabétisante et révolutionnaire de l’imaginaire et de tout le mental. A moins qu’elles finissent par comprendre que la lutte contre les réseaux de prédation ne se mène efficacement qu’en réseau, en des réseaux privilégiant l’apprentissage en commun de l’autodétermination et de la résistance au pouvoir ensorceleur du marché et de ses vassaux.

Dans cet ordre d’idées, l’attentisme est un poison. « Les nouveaux prédateurs » pris dans les filets de la boulimie du pouvoirisme et vassalisant « les journalistes-frimeurs » ne penseront à « faire grandir le gâteau » que s’ils y sont contraints. D’eux-mêmes, renoncer au culte voué au « dieu-argent » et aux orgies qu’il possibilise est un suicide. Donc, il appartient au « petit reste » de veilleurs-protecteurs de la mémoire historique de notre peuple, d’empêcheurs de penser en rond et d’autres ascètes du provisoire de travailler d’arrache-pied à la multiplication des collectifs d’auto-support où l’étude, la réflexion, l’alphabétisation et les actes de résistance à la prédation, à la crétinisation et à la naïveté contribuent à « l’insurrection des consciences » pour un bonheur collectif partagé.

Y en aura-t-il au sein de cette « Assemblée traditionnelle » pour exiger un réexamen des rapports de la NIZA, des Commission Bakandeja et Lutundula? Y en aura-t-il au sein de nos collectifs et associations pour réclamer à cor et à cri la révision de certains articles de la Constitution (de Liège) imposée à notre pays? L’avenir nous le dira.

En attendant, l'évidence montre que ce n’est pas le peuple congolais qui a gagné, comme veut nous le faire croire notre estimée consoeur. Il a plutôt été utilisé pour légitimer « les nouveaux prédateurs », par la mascarade électorale de juillet. La lutte pour l’autodétermination, pour la libération de la liberté au Congo doit se poursuivre et alimenter le doute sur « les bonnes intentions » des « journalistes-frimeurs » de chez nous - ces anciens pauvres - et ceux des médias dits internationaux. Il n’est jamais trop tard pour mieux faire, dit-on!

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  • Le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde, ils peuvent se faire entendre.. Oui, je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
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