Kabila nomme un fidèle de Nkunda à la tête de la 9ème brigade intégrée
Kabila / Nkunda
Le colonel Smith Gihanga est un des officiers mutins qui entretiennent l’instabilité dans la province du Nord-Kivu depuis décembre 2004. Cette nomination semble confirmer que le général mutin Laurent Nkunda bénéficie des complicités au niveau le plus élevé de l’Etat congolais.
Le colonel Smith Gihanga.a été nommé en qualité de commandant de la 9e brigade intégrée basée à Rutshuru, a annoncé la Radio Okapi. Il remplace à ce poste le colonel Mayanga wa Gishuba, rappelé à Kinshasa « pour consultation ». Le nouveau promu a pris possession de ses fonctions dès dimanche 3 décembre. D’après la 8e région militaire (Nord Kivu), le rappel dans la capitale du colonel Mayanga n’est pas une sanction. Il s’agit plutôt d’une nouvelle affectation pour raison d’organisation. Il reste que la désignation de Smith Gihanga a provoqué un véritable séisme dans les milieux des analystes des questions militaires de la RD Congo. Pourquoi ? D’abord parce que ce militaire est un proche du général dissident Laurent Nkunda Mihigo. A ce titre, Gihanga a dirigé récemment la fameuse 81ème brigade des FARDC (Forces armées de la RD Congo) qui rechigne impunément à toute idée de brassage. On imagine difficilement que les renseignements militaires congolais aient pu ignorer ces informations. Pire, cet officier, réputé pour sa déloyauté vis-à-vis du pouvoir central, s’est fait connaître en prenant la tête d’au moins une mutinerie. En décembre 2004, Smith Gihanga, aux côtés des commandants « Claude » et « Bonane » (des prénoms derrière lesquels se dissimulent très souvent des patronymes à consonance rwandaise), avait réclamé le « retrait immédiat et sans condition » de 10.000 soldats déployés au Nord Kivu par le gouvernement de Kinshasa. Un envoi de renforts dans le but de sécuriser cette région menacée à l’époque par une incursion de l’armée de Kigali. Outre cette exigence, Gihanga et ses lieutenants demandaient également « de la considération pour la minorité rwandophone.» Un officier ex-Faz de commenter : « Ce militaire n’a jamais fait pas mystère de ses motivations politiques. Le plus grave c’est qu’il ne reconnaît pas la souveraineté de la RD Congo sur l’ensemble de son territoire». Il désormais clair que le « président élu » Joseph Kabila a décidé de prendre le contre-pied de son ministre de l’Intérieur, le général Denis Kalume Numbi, qui excluait, lundi 27 novembre, « toute négociation » avec l’officier mutin Laurent Nkunda. Celui-ci fait l’objet, depuis l’année 2004, d’un mandat d’arrêt international. Tout le monde sait le localiser. Personne n’ose lui mettre la main au collet.
La duplicité
Nkunda semble bien bénéficier de
la connivence de plus hautes autorités provinciales du Nord Kivu. Civiles et
militaires. Il est quasi-évident que cet officier jouit de la protection de
la Présidence de la République. Notons que lors de la guerre 1996-1997 de l’AFDL,
Joseph Kabila et Laurent Nkunda étaient des camarades d’armes sous le
commandement de James Kabarebe, alors colonel. Lors de la campagne
électorale du second tour de l’élection présidentielle qui s’est tenue le
29 octobre dernier, des informations difficiles à vérifier laissaient
entendre que Laurent Nkunda aurait choisi le camp de Jean-Pierre Bemba. Il
s’agissait manifestement d’une manipulation. Dimanche 26 novembre, soit 24
heures avant la divulgation de l’arrêt de la Cour suprême de justice -
confirmant les résultats provisoires publiés par la Commission électorale
(CEI), les soldats de Nkunda ont attaqué et occupé la cité de Saké située à
25 kms de Goma avant d’y être chassés quarante-huit heures plus tard. N’eut
été l’action des hélicoptères de combat de la Mission de l’Onu au Congo, les
mutins auraient déjà atteint le chef-lieu du Nord Kivu.
Joseph Kabila s’est rendu, jeudi 30 novembre, à Goma. Le lendemain, il a
visité la localité de Saké.
Dans un
message dit de « réconfort »
à la population, Kabila a réitéré sa ferme volonté « de
ramener »
la paix à l’Est de la RD Congo.
Question : la paix n’était pas encore rétablie à l’Est ? Il faut dire que ce
n’est pas la première que Joseph tienne ce genre de propos. L’année
dernière, il avait promis d’installer son cabinet au Kivu afin, disait-il,
de s’occuper « personnellement » des miliciens qui y sèment la
terreur. La promesse fit long feu.
Les Interhamwe continuent à entretenir
l’insécurité dans cette partie du pays.
Certains observateurs estiment, à tort ou à raison, que l’attaque de la
localité de Saké n’a été qu’une ruse politico-militaire. Objectif : redonner
au RCD-Goma du vice-président Azarias Ruberwa le poids politique nécessaire
pour négocier son entrée dans le futur gouvernement. Coïncidence ? Ruberwa a
annoncé jeudi 30 novembre - le jour même où Kabila se rendait à Goma – qu’il
était « prêt à participer au futur gouvernement ». Rappelons que la
ville de Goma faisait partie du fief du RCD. Evoquant la situation au
Nord-Kivu, le vice-président Ruberwa « a déploré » les événements
survenus à Saké et a appelé « à la cessation des hostilités et souhaité
qu’une solution politique soit rapidement trouvée.» Laquelle ? Un
universitaire congolais n’a pas trouvé des mots assez durs pour dénoncer la
« duplicité » qui, selon lui, règnerait au sommet de
l’Etat congolais : « Joseph Kabila prend les Congolais pour des
imbéciles. Il est entrain de préparer les esprits avant l’annonce de la
réhabilitation de Nkunda et de ses hommes sur lesquels il entend s’appuyer.
C’est une trahison ! »