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LOSAKO
11 février 2007

Le gouvernement du Congo-Kinshasa. L’illusion du renouveau

untitledIl y a plusieurs façons d’apprécier un gouvernement nouvellement formé. Il est possible de l’examiner à partir de la Constitution pour dire s’il obéit ou pas aux règles édictées en la matière. Le profil des membres dressé avant la constitution dudit gouvernement peut servir de critère. Chez nous, il était souhaité que les membres du gouvernement répondent aux critères de compétence, de respectabilité, d’honorabilité et d’intégrité morale. Ne pas être cité dans les rapports de pillage des richesses du Congo depuis le début de la guerre d’agression rwando-burundo-ougandaise et le respect de la représentation nationale étaient parmi les exigences citoyennes.

I. Une appréciation classique

Eu égard à ces critères, un gouvernement majoritairement composé des « néophytes », ne peut être pragmatiquement jugé qu’en fonction des conséquences qu’il induira dans la vie de la communauté nationale. Même si l’un des critères – ne pas être cité dans les rapports de pillage des richesses du pays - n’a pas été respecté. Le ministre de l’intérieur reconduit fait partie du « réseau d’élite » ayant opéré dans la zone tenue par le gouvernement. Le rapport de l’ONG néerlandaise NIZA contient une lettre attestant que l’actuel ministre de la défense participe de ce « réseau ».

Donc, il y a là un critère qui n’a pas été respecté. Il en va de même de celui de la représentativité nationale.Les balubas ont été simplement marginalisés par une AMP où ils ne sont pas de « menus fretins ». Mais dans un pays où un certain « Front National » s’habitue à penser que face à un serpent et un muluba, mieux vaut tuer le muluba et laisser filer le serpent, le spectacle auquel nous venons d’assister, bien que triste, renvoie les balubas à la prise en charge d’eux-mêmes par eux-mêmes. Espérons que les députés balubas interpelleront Antoine Gizenga sur cette question afin qu’il comprenne qu’ils ne peuvent pas indéfiniment servir de citoyens de seconde zone…Soit !

Cette appréciation classique du gouvernement ne va pas au fond des choses. Elle facilite la dénonciation et la victimisation des franges importantes de nos populations. Elle incapacite pour les luttes de résistance à entretenir de manière permanente afin de rendre contre-productifs les réseaux d’élite ayant la peau dure chez nous.

C’est facile et simple de remarquer par exemple que les balubas du Kasaï sont absents de ce gouvernement. C’est peut-être plus difficile de dire comment les kasaïens, conseillers des gouvernants actuels, font pour qu’ils ne prennent pas part à l’actuel gouvernement ou se contentent d’être des « porteurs des mallettes des raïs ».

Il se pourrait que certains d’entre eux, ayant opté pour le jeu de l’ombre, acceptent de ne pas apparaître au grand jour. En effet, les réseaux d’élite constituent des chaînes dont tous les maillons ne sont pas toujours visibles.

II. Gouvernement et « réseaux d’élite »

En plus de l’appréciation classique du gouvernement du Congo-Kinshasa, il y a moyen de procéder autrement, en posant des questions pouvant conduire aux débats qui permettent de mieux apprendre de ce qui se passe chez nous.

Prenons quelques exemples. Tout au long du processus électoral, il y a eu des rapports de la Cour des Comptes et de la Commission d’éthique et de lutte contre la corruption. Ces rapports ont désigné l’espace présidentiel comme étant l’institution la plus corrompue de la transition. Comment se fait-il que les membres de cette institution puissent se retrouver dans « les nouvelles » institutions sans que la justice ait été rendue sur ces accusations gravissimes ?

La Commission Justice, Vérité et Réconciliation finira-t-elle par fonctionner un jour au Congo ? Comment ces deux autres compatriotes cités dans les rapports sur le pillage des richesses du Congo se retrouvent quand même au gouvernement au milieu de plusieurs « néophytes » ?

Au sujet du ministre de l’intérieur, il y a lieu de mentionner quelques inquiétudes. Il a autorisé, il y a quelques jours, une répression disproportionnée d’une manifestation organisée par les adeptes du mouvement politico-religieux du Bas-Congo (Bundu dia Kongo). Sa reconduction à son poste est-elle une récompense reçue au bout de « ce crime » ou une façon de narguer tout un peuple pour le bâillonner ? Soit ! Mais comment pouvons-nous accepter cette nomination avant que toute la lumière soit faite sur « ce crime » permettant ainsi au monde entier de croire que ce gouvernement est « tout neuf » alors qu’il a en son sein des compatriotes ayant déjà donner « leurs preuves » ? Pourquoi la sécurité est-elle réservée à la famille politique du chef de l’Etat déjà impliquée dans les négociations avec un seigneur de guerre (Nkunda) sous les auspices d’un pays qui nous a agressés, le Rwanda ?

Il y a comme un effacement de notre mémoire historique organisée par les réseaux d’élite opérant chez nous. Ils travaillent de façon à blanchir et l’argent des pillages d’hier et les crimes commis par certains de leurs membres. Ils ont infiltré les rouages de la justice, de l’exécutif, du législatif et du quatrième pouvoir dans le but d’incapaciter ces lieux de pouvoir et de prendre en otage le destin de tout un peuple.

Tenez. Des commissions ont été continuellement formées chez nous pour enquêter sur ceci ou cela. Les rapports de ces commissions ont servi de papiers hygiéniques. L’espace présidentiel traité de corrompu est resté impuni. Il a corrompu « les grands électeurs » pour que la famille politique du chef de l’Etat soit majoritaire dans toutes les institutions du pays. Il a la part du lion au gouvernement et à l’Assemblée nationale pour avoir choisi la corruption comme moyen de vérifier ces allégations de certains de nos voisins affirmant que « les congolais aiment l’argent, la bière et les femmes. » « Les grands électeurs » ont été achetés en espèces sonnantes et trébuchantes trahissant ainsi les critères d’honorabilité et de respectabilité. Donc, le socle sur lequel repose ce gouvernement et les autres nouvelles institutions de la troisième République est celui des antivaleurs, dont la corruption et l’achat des consciences. Ces antivaleurs participent de tout un système des réseaux d’élite dont certains membres de l’actuel gouvernement sont des acteurs majeurs.

Les autres membres se retrouvent au sénat, au gouvernorat, à l’Assemblée nationale, dans les entreprises publiques, parmi les hommes d’affaires congolais et/ou étrangers, à la Gécamines, à la Miba, dans certains pays du Sud et du Nord, etc. Ces réseaux fonctionnant à merveille ont permis à leurs acteurs majeurs de disposer des sommes inimaginables d’argent pour corrompre et acheter les consciences de plusieurs de nos compatriotes aux différentes étapes de la mascarade électorale dont ils semblaient être les seuls à en détenir les secrets.

Ils nous ont attirés sur le terrain des élections – mascarade électorale- pour donner une coloration ‘démocratique’ à leur travail de prédation.

III. Luttes et des interstices de résistance

Faire prise avec et sur de pareils réseaux requiert un travail permanent de la pensée et des analyses politiques menant à des luttes de résistance ayant pour unique horizon, sans illusion, un autre Congo. C’est déjà bien que notre lutte pour qu’un bon nombre de « brebis galeuses » soit écartée des institutions actuelles ait trouvé un petit écho dans les oreilles des acteurs majeurs de ces réseaux. C’est signe qu’ils ne se foutent pas complètement de nous ; malgré les apparences. Mais cela ne donne aucune garantie quant à l’orientation réelle des actions de ces réseaux dans les jours à venir. « Les néophytes » du gouvernement peuvent être entraînés à un certain moment à jouer le rôle des figurants. D’où l’importance de la vigilance citoyenne et des évaluations auxquelles nous nous livreront de manière constante, tous les cent jours (de la gestion de ce gouvernement).

N’empêche que nous apprenions de ce que nous venons de vivre que les élections peuvent servir d’instrument assez maîtrisé par le néolibéralisme et la mondialisation marchande pour hisser le marché sans restriction au rang d’une norme incontournable des rapports entre les humains. Les réseaux d’élite partagent cette vision des choses et du monde. La preuve nous a été donnée : « « les grands électeurs » ont été achetés aux élections des sénateurs et des gouverneurs. Certaines franges importantes de nos populations ont été achetées à la présidentielle et aux législatives. » Donc, le Grand Tireur de ficelles tapi dans l’ombre est le néolibéralisme ayant le néocolonialisme comme corollaire. Ses acteurs majeurs, « petites mains du capital », « gens de l’économie », consultant conseil en management, les médiasmensonges et les autres « petites mains médiatiques » friandes du « coupagisme » travaillent au quotidien à notre décervelage pour nous « convertir » en « réalistes », en hommes et femmes « achetables » et/ou « vendables » à moindre frais ; soucieux de devenir « riches » avant de mourir et /ou d’être, à la mort, les plus riches des cimetières. Ce décervelage conduit à la banalisation de la vie et au manque de respect de soi et des autres.

Il détruit les interdits structurants l’imaginaire du genre du quadrologue luba (ne pas voler, ne pas tuer, ne pas envoûter autrui, ne pas prendre ses biens ou sa femme c’est-à-dire le tshibi, tshiangudi, tshipatuki tshilowi, tshiangatshi mukaji wa bende). Le décervelage participe du « viol de l’imaginaire ».

S’il y a une révolution à faire, c’est d’abord et avant tout au niveau de la conception de nos représentations des choses et du monde. L’acharnement d’un Kä Mana ou d’une Aminata Traoré sur l’indispensable révolution mentale et de l’imaginaire ne se comprend mieux que dans ce contexte de la déification du marché (et de l’argent) rendant la vie et le respect de soi superflus.

Poursuivre nos luttes d’autodéterminations en les axant sur les valeurs d’humanisation de la vie pour une révolution mentale et de l’imaginaire permanente, telle nous paraît être l’une des grandes leçons à tirer du processus de décervelage qui tend à se perpétuer avec l’aide d’un gouvernement où les acteurs majeurs des réseaux d’élites prédateurs sont encore présents.

Il n’y a pas d’illusion à se faire. Notre salut ne nous viendra pas d’un gouvernement ayant confié la sécurité du pays et les affaires étrangères aux amis de nos agresseurs.

Dieu merci ! Plusieurs « ascètes du provisoire », beaucoup d’ « empêcheurs de penser en rond » et les autres « veilleurs-protecteurs » de la mémoire historique de nos populations n’ont pas été charmés par les chants des sirènes. Ils continuent sans coup férir leurs luttes de résistance de façon que « l’insurrection des consciences », chez nous, rende la vigilance citoyenne constante. Ils ont appris que mettre du vin nouveau dans quelques vieilles outres finira par les faire éclater. Ils ont « un sacré devoir » : « Recréer politiquement le Congo. C’est-à-dire, instituer et entretenir des lieux de co-production locale qui soient aussi des interstices de résistance permanente et protection mutuelle où la création politique intègre le doute, la remise en question et les débats autour des affirmations gratuites du genre « le Congo est maintenant une démocratie », « les Congolais(es) sont désormais nos partenaires bilatéraux », « ce gouvernement n’ a pas de brebis galeuses », « Bundu dia Kongo est une secte politico- mystique dangereuse », « ces élections ont prouvé la maturité politique du peuple congolais », etc.

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