Questions directes à Jean-Jacques Bemba
De nationalité belge, père de trois enfants, Jean-Jacques Bemba Bere, 40 ans, est cité dans une affaire d’escroquerie. La presse belge du jeudi 8 mars fait état du prononcé de son arrestation décidée par la juge du tribunal correctionnel de Bruxelles. Encore en liberté, « Jean-Jacques » donne sa version des faits. L’entretien a été réalisé dans la matinée du vendredi 9 mars dans une taverne bruxelloise.
Comment expliquer que vous soyez encore libre de vos mouvements alors que la juge du tribunal correctionnel de Bruxelles a prononcé, mercredi 7 mars, votre arrestation ?
Vous savez autant que moi que la Belgique est un Etat de droit. Il y a toute une procédure entre le prononcé du jugement et son exécution par le procureur du Roi. Vous avez sans doute appris que je n’étais pas présent à l’audience du tribunal correctionnel. C’est ainsi que j’ai été condamné par défaut. Mon avocate, Me Virginie Baranyaka, a, d’ores et déjà, fait opposition à cette décision. J’attends donc que la justice statue sur ma demande. Je fais confiance à la justice belge. Je ne doute pas que celle-ci ne va pas me condamner sans m’avoir entendu.
Avez-vous déjà reçu la signification du jugement ?
Pas encore. Mon avocate, non plus.
En toute vérité, que vous reproche-t-on ?
Il m’est reproché d’avoir tenté d’escroquer la somme de 50.000 euros à un citoyen belge du nom de Duprez. Voici les faits. J’ai été contacté par M. André Olela, un de mes connaissances, qui m’a dit qu’il possédait une mallette contenant des billets de dollars « encrés ». Il était à la recherche d’un « partenaire » pouvant financer l’achat d’un produit spécial pour « nettoyer » ces coupures. Je l’ai introduit chez M. Duprez pour ce faire. Je tiens à dire que cette affaire n’a aucun rapport avec le dossier judiciaire portant sur la tentative d’escroquerie imputée à André Olela, Telo Mobutu Zemanga et consorts au détriment d’un notaire belge. Ce qui est vrai c’est qu’il s’agit, dans les deux cas, du même modus operandi.
A combien s’élevait la somme contenue dans la fameuse mallette ?
Je n’en sais rien. D’ailleurs, je n’ai jamais cherché à le savoir. Mon rôle s’est limité à mettre André Olela en contact avec Duprez. Seulement voilà, bien qu’il n’ait pas l’argent demandé, Duprez s’est refusé à restituer la mallette à son propriétaire préférant porter plainte pour « tentative d’escroquerie ».
Qui avait « encré » ces billets de dollars et d’où provenaient-ils?
Je n’en ai pas la moindre idée. J’insiste sur le fait que je me suis limité à accompagner Olela chez Duprez. Je suis devenu malgré moi un complice pour avoir accompagné le premier chez le second. Ce n’est qu’après que j’ai compris que les dollars encrés devaient servir d’appât.
Qu’entendez-vous par « appât » ?
Cela veut dire que les dollars encrés n’étaient pas des vrais billets. C’est ce que j’ai pu apprendre plus tard. Ces « dollars » servaient de leurre. Dès que la personne contactée remettait l’argent destiné à l’achat du prétendu produit de « nettoyage », l’autre partie s’évanouissait dans la nature. C’est malheureux à dire mais c’est ainsi que ça devait se passer. Nous avons été trompés. Je tiens à dire que je n’ai pas soutiré un seul euro à M. Duprez.
Vous avouez donc d’avoir été le complice passif d’une tentative d’escroquerie ?
Je mentirai si je disais le contraire. La preuve est que l’affaire est désormais du ressort de la justice. Je regrette d’insister que je n’ai pas pris un seul euro à Duprez. Il en est de même de M. Olela. Mon rôle a été passif.
Je vais vous poser une question un peu vache. Vous avez l’air d’un homme plutôt équilibré. Comment êtes-vous tombé dans une affaire aussi scabreuse qui frise la naïveté ?
On peut être équilibré et naïf. Je regrette d’avoir mêlé le nom de ma famille dans cette affaire.
Pourquoi, selon vous, les médias belges font-ils le lien entre votre cas et celui de Telo Mobutu Zemanga et André Olela?
C’est la question que je me pose. Est-ce parce que M. Olela est impliqué dans les deux dossiers ? En tous cas, je n’ai rien avoir avec cet autre dossier judiciaire.
Je ne devais dès lors pas me retrouver sur le même banc d’accusés que ces « gens là » dont le dossier a été jugé à la 44ème chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles. Alors que mon cas avec Olela devait être examiné au niveau de la 61ème chambre de cette même juridiction. Je suis étonné par cet amalgame. Je laisse néanmoins la justice du royaume faire son travail.
Que comptez-vous maintenant ?
Comme je l’ai dit précédemment, mon avocate a amorcé les démarches nécessaires. Elle a fait opposition. Par ailleurs, elle sera reçue au début de la semaine prochaine par le procureur du Roi de Bruxelles. J’espère que ce haut magistrat pourra apprécier ma bonne foi.
Citant la juge, la presse belge insiste sur le fait que vous n’étiez pas présent au tribunal lors de l’audience du mercredi 7 mars.
Je n’ai pas été absent parce que j’avais l’intention de me dérober. Bien au contraire. La raison est simple : je n’ai jamais reçu l’ « invitation » à venir comparaître devant la 44ème chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles. Mon avocate, non plus ! Je n’ai jamais refusé de répondre à une convocation. Suite aux nombreux reports d’audience, mon avocate avait l’habitude de me représenter aux audiences chaque fois je devais m’absenter de la Belgique. Je dirige en effet une petite entreprise commerciale.
La presse bruxelloise du mercredi 7 mars n’a pas manqué d’insister sur votre lien de parenté avec Jean-Pierre Bemba Gombo. Avez-vous le sentiment qu’on tente de politiser une affaire strictement judiciaire qui ne concerne que « Jean-Jacques »?
Absolument. Ce genre d’affaire judiciaire a lieu quasiment chaque jour dans les tribunaux correctionnels dans ce pays. Je vis à Bruxelles. J’en sais pas mal de choses sur des gens impliqués dans des affaires d’escroquerie. Certains sont condamnés et sont en prison depuis six mois. Et pourtant personne n’en parle.
Sauf que ces « condamnés » ne portent pas le patronyme de Bemba…
Il est vrai que le nom « Bemba » est devenu un patronyme lourd à porter. Je dois le porter. C’est mon nom de famille. Je n’ai pas le choix.
Ne faudrait-il pas être précautionneux lorsqu’on porte un tel patronyme?
Je vous le concède. J’ai cependant tendance à croire que la vie serait moins engageante à force de se sentir prisonnier du nom que l’on porte. Il reste qu’à l’avenir, je ferai preuve de plus de prudence. Je me rends compte qu’il n’y a pas que de gens qui me veulent du bien. Et ce, en dépit du fait que je n’ai rien avoir avec les activités politiques de mon grand-frère Jean-Pierre Bemba. Depuis la création du MLC, j’ai toujours vécu en Belgique. Je n’ai jamais rejoint le mouvement à l’époque de la rébellion. Et encore moins durant le gouvernement de transition. J’ai suivi le processus électoral à partir de la Belgique qui est devenue, depuis une dizaine d’années, ma patrie d’adoption. Je me pose dès lors une question : quel est l’objectif poursuivi dans le « lynchage médiatique » lancé à mon encontre ? D’aucuns rêveraient-ils de trouver les noms Bemba et Mobutu sur le même banc des accusés ?