Gizenga dans la tourmente
Les Congolais en général et les Kinois en particulier
croient rêver en apprenant, le jour même de l'élection de Léon Kengo wa Dondo à
la présidence du Sénat, la hausse des prix du carburant. En portant le litre
d'essence de 510 FC à 580 FC, le gouvernement Gizenga rappelle à nos
compatriotes le paradoxe des années '80, où la rigueur avait fait de l'ex-Zaïre
l'élève modèle du FMI, sans retombées positives pour l'assiette du plus démuni
des Zaïrois de l'époque. A telle enseigne que Mobutu fut contraint, au terme
d’une mémorable session du Comité Central de l’ancien parti unique en 1986,
d’avouer publiquement " qu'on ne mange pas la rigueur ", désavouant ainsi pour
une fois les politiques anti-sociales du FMI et de la Banque
Mondiale.
Les Congolais commencent à se demander, trois mois après son
investiture, si le Premier ministre n'est pas en train de les entraîner dans un
feuilleton du même genre c’est-à-dire la rigueur pour les plus démunis et
l’opulence pour la classe au pouvoir. Le dernier réajustement des prix de vente
des produits pétroliers est perçu comme un signal fort négatif sur le social des
millions de compatriotes toujours dans l'attente du démarrage des chantiers du
Chef de l'Etat comme de ceux du chef du premier gouvernement de la 3me
République.
Connaissant le sens que les décideurs congolais donnent aux
mesures " d'encadrement " de chaque épisode marquant la révision à la hausse des
prix de commercialisation du carburant au détail, les consommateurs congolais ne
se doutent pas des lendemains difficiles qui se profilent à l'horizon.
La
logique de l'anticipation
En termes chiffrés, le litre d'essence a subi
une augmentation d'environ 16 %. Selon des experts des ministères de l'Economie
et des Hydrocarbures, qui semblaient banaliser la hausse, cela ne devrait pas
avoir un impact trop négatif sur les bourses de nos compatriotes. Or, les mœurs
bien de chez nous veulent qu'à chaque vérité des prix du carburant corresponde
la vérité des prix des biens et services, à commencer par le secteur du
transport en commun.
Sur ce terrain en effet, l'emballement des tarifs à
Kinshasa varie de 150 FC à 200 Fc la course en taxi ou taxi-bus entre la Gombe
et Matonge/Victoire. Des parcours plus longs vont coûter davantage cher dans la
capitale comme en provinces, surtout dans les liaisons terrestres, aériennes,
fluviales, ferroviaires et lacustres sur l'ensemble du territoire
national.
Naturellement, les coûts d'exploitation pour les opérateurs
économiques spécialisés dans la production locale ou l'approvisionnement du pays
en biens et denrées de première nécessité vont flamber. Quoique disent les
experts proches du gouvernement, le Congolais va inévitablement acheter plus
cher non seulement son billet d'avion, de train, de bateau et de bus, mais aussi
sa chikwangue, son bol de farine de manioc, son pain, sa botte de légumes et de
feuilles de manioc, sa bière, sa cigarette, son eau, son électricité, son
ciment, son sucre, son clou, son cachet d'aspirine, etc.
C'est là le tableau
généralement projeté devant les Congolais chaque fois que le prix de vente du
carburant prend l'ascenseur.
Le social du Congolais
au plus
bas
Les Congolais ont entendu leur Premier ministre prendre, entre autres
engagements, le jour de son investiture, celui de lutter contre la pauvreté.
Jusqu'ici, les signes du changement des conditions de vie du Congolais moyen se
font attendre. Au contraire, c'est un signal négatif qui annonce le bouclage du
projet de budget 2007 que le gouvernement s'apprête à déposer au Parlement.
D'où d'aucuns s'interrogent sur la suite des événements dans un Etat qui
donne l'impression de s'inscrire dans les discours de ses partenaires
occidentaux sur la bonne gouvernance et la lutte contre la pauvreté sans pour
autant traduire les effets d'annonce par des actes concrets. Ce n'est pas en
tout cas à travers des réajustements à la hausse des prix de vente du carburant
que la misère du commun des Congolais pourrait se muer en " chantier de
prospérité ", selon l'expression chère à un membre du gouvernement
Gizenga.
Chaque jour qui passe, l'avenir des Congolais semble davantage
s'assombrir au plan social. Manger, se déplacer, se loger, se faire soigner,
s'instruire, trouver un emploi, vivre en sécurité, s'aménager une tombe, se
divertir… relève désormais d'une gymnastique compliquée. Alors qu'il avait
suscité beaucoup d'espoirs lors de sa désignation comme Premier ministre,
Antoine Gizenga fait de plus en plus douter des millions de Congolais sur sa
capacité à leur faire oublier les affres de l'enfer social. Crédité d'un pouvoir
d'achat inférieur à un dollar américain, le Congolais reste logé à une enseigne
peu enviable.
Des interrogations sur la structure des prix
Des
interrogations traversent de nombreux esprits au sujet de la " structure des
prix des produits pétroliers ". Depuis qu'elle existe, cette innovation apporte
peut-être des résultats au niveau du trésor public mais les masses ont du mal à
les percevoir. Pour ne prendre que le cas des routes, leur état globalement
désastreux sur l'ensemble du pays peut pousser certains à croire au détournement
des recettes provenant de la taxe routière incluse dans le prix de vente du
litre de carburant à la pompe.
Quant aux autres éléments de la structure des
prix des produits pétroliers inconnus du grand public et tout aussi sans impact
visible sur le vécu quotidien du Congolais, il serait temps qu'ils soient
rediscutés ou carrément évacués, de manière à faire jouer la vraie vérité des
prix dans le secteur de la commercialisation des produits pétroliers. L'on sait
que dans les milieux aéronautiques par exemple, le kérosène congolais est réputé
le plus cher de la planète. Et pour cause ? Nul ne le sait avec certitude, en
dehors du cercle des initiés. Conséquence : les compagnies internationales
desservant Ndjili préfèrent s’approvisionner dans les aéroports des pays de la
périphérie où le carburant est moins cher.
Le flou qui entoure le concept de
la " structure des prix des produits pétroliers " fait penser à un mal qui ne
dit pas son nom mais dont les Congolais continuent de souffrir inutilement
depuis des années.