Kinshasa attend fiévreusement le retour de Jean-Pierre Bemba
Jean-Pierre Bemba est réclamé à Kinshasa. A l’approche des 60 jours de
sa permission pour soin au Portugal, les commentaires dans tous les
sens sont entendus dans les salons de la Capitale. L’élection de Kengo
wa Dondo au Sénat où Bemba siège a assuré les convictions de cette
masse qui a offert dans sa grande majorité les 43 % du score que le
leader de l’opposition a obtenu lors de la présidentielle 2006.
Une plénière de prise de contact
Léon Kengo wa Dondo a présidé mercredi 16 mai la première plénière de
la Chambre haute du Parlement, qui marque son entrée officielle en
fonction après sa brillante élection surprise. Cette élection, en tant
qu’indice de l’ouverture politique, a eu le mérite d’ouvrir un espace
d’expression à ceux qui ne soutiennent pas la conduite actuelle de la
politique de la chose publique en RDC.
En effet, les observateurs continuent à noter que le pouvoir a montré
ses limites. Ainsi, l’opinion tant nationale qu’internationale
souhaitait ramener sur l’échiquier politique national des énergies qui
ont fait leur preuve par le passé. Le Représentant sortant de l’Union
européenne en RDC, Carlo de Filipi, revenant sur la volonté exprimée
par les ambassadeurs européens au lendemain de la guerre de la Gombe,
avait appuyé officiellement le 10 mai, lors de la Journée de l’Europe,
cette option de voir le rééquilibrage de la scène politique par la
présence de l’opposition dans les institutions de la République, au
regard de la dérive dictatoriale qui se dessinait en RDC.
Kengo au centre
Comme le commentent nombre d’éditorialistes, l’élection de Kengo porte
aujourd’hui un caractère salvateur, celui d’éviter au pays de retomber
dans les travers du totalitarisme. C’est même un plus au fonctionnement
des nouvelles institutions qui ne devraient pas se regarder l’une
l’autre mais regarder dans la même direction.
Les commentateurs pensent cependant que la position de centriste
qu’adopte aujourd’hui le président du Sénat n’est pas un reniement au
soutien qu’il a accordé à la candidature de Jean-Pierre Bemba au second
tour de la présidentielle. Kengo wa Dondo, autorité morale du Cartel
CDC-Renaissance, a bel et bien soutenu Bemba dans le cadre d’un accord
de partenariat signé avec l’Union pour la Nation, une plate-forme
circonstancielle. ‘‘J’ai attendu longtemps ce moment. Les
sollicitations, les négociations, les concertations tous azimuts ont
permis de rapprocher les uns et les autres pour constituer des grands
ensembles. Ainsi, tous les nôtres, le Cartel CDC-Renaissance et
d’autres ont rejoint l’Union pour la nation’’, a-t-il justifié en
octobre 2006 lors de cet événement.
La CDC-Renaissance qui regroupe des associations, des personnalités et
des partis politiques avait même, avant le dépôt des candidatures à la
présidentielle prié l’actuel président du Sénat à briguer la
magistrature suprême, ce qui n’était pas son projet. Ce rapprochement
ponctuel a ouvert des amitiés entre les deux groupes politiques, ce qui
amène les observateurs à affirmer que l’élection de Kengo à la tête du
Sénat est de nature à favoriser le retour de Bemba au pays mais surtout
sur la scène politique. On se souviendrait que le sénateur Jean-Pierre
Bemba qui a quitté le pays le 14 avril dernier courait la menace de se
voir dépouiller de son immunité parlementaire. La tâche de mener les
débats autour de la levée ou non de cette immunité est réservée au
bureau définitif du sénat que dirige Kengo wa Dondo.
Bemba très attendu
Le discours d’investiture de Kengo, pragmatique et professionnel, a
laissé aussi entrevoir une volonté de remettre sur le rail le leader de
l’opposition institutionnelle, Jean-Pierre Bemba. Kinshasa parle déjà à
haute voix de ce retour au moment où certains de ses lieutenants se
repositionnent et vacillent dans les tentations autour d’un
hypothétique gouvernement d’union nationale. Nombreux sont ceux d’entre
eux qui se comporteraient en électrons libres, ce qui nécessiterait un
encadrement.
Ce retour tant souhaité du chef de l’opposition servira à redonner à
l’opposition tout le respect qu’on lui doit, en tant que contrepoids au
pouvoir. Les observateurs reviennent sur l’humiliation dont elle a été
l’objet après la rencontre manquée avec le président de la République
et son retour précipité dans l’hémicycle du Palais du peuple sans avoir
vu la réalisation de toutes ses revendications. Lesquelles exigeaient
la sécurité des acteurs politiques de l’opposition, la remise à leur
disposition des locaux des médias appartenant à l’opposition, le siège
du MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba, etc. Jean-Pierre Bemba revient
pour réorganiser cette opposition quelque peu dispersée et fragilisée
et qui ne s’est jamais auto évaluée depuis les consultations
électorales.
Le centre attire
Les observateurs enregistrent un séisme au sein de la majorité depuis
l’élection de Kengo au Sénat. Les mécontentements consécutifs à la
difficile gestion des ambitions au sein du camp présidentiel fait
apparaître des fissures longtemps redoutées. Les commentateurs
indiquent qu’André-Philippe Futa, le Coordonateur de l’AMP qui aurait
même voté pour Kengo, ne cacherait plus son humeur maussade.
Peut-être envisagerait-il, après avoir manqué un portefeuille au
gouvernement et le poste de président du Sénat, de se rapprocher des
centristes, lui qui a conduit la majorité à la victoire sans en
récolter les dividendes. On rapporte de même pour Kisimba Ngoy. Ayant
entrevu qu’il serait écarté de la liste de son parti, il n’a pas hésité
de monter un scénario macabre pour paraître incontournable. Mal lui en
prit. Il bruisse au sein de l’AMP des rumeurs d’éclatement. Le
Révélateur l’avait entrevu. La démesure des ambitions commence à
produire ses conséquences.