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LOSAKO
12 juin 2007

Revisitation des contrats miniers : le pari de Gizenga

99793Investi Premier ministre du tout premier gouvernement de la 3ème République, Antoine Gizenga n’a pas attendu longtemps pour afficher ses vraies intentions, notamment celle de tout mettre en œuvre pour la refondation de la République démocratique du Congo. Sa première bataille est évidemment le secteur minier dont il entend revisiter la plupart des contrats miniers signés par l’Etat congolais depuis 1996. Déterminé à marquer son époque. C’est sur des contrats libellés en milliards de dollars que la commission chargée de leur revisitation devra travailler pendant trois mois. Lundi, le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, a donné le coup d’envoi de ses travaux. Car, le gouvernement a conscience qu’il sera jugé finalement dans ses actes.

Il a fallu attendre plus d’un mois pour voir l’arrêté du ministre des Mines, Martin Kabwelulu, signé le 20 avril 2007, produire ses effets. Il institue une commission chargée de la revisitation des contrats miniers.

Les autorités congolaises vont en effet revoir 63 contrats miniers conclus depuis 1996, année qui marque le début de la conquête du pouvoir par Laurent Kabila, qui finança sa guerre en signant des contrats suspectés aujourd’hui d’être léonins.

Il s’agit, pour la plupart, des contrats passés entre des entreprises publiques ou semi-publiques et des opérateurs privés. Les termes en sont souvent si défavorables à l’Etat congolais qu’on soupçonne certaines autorités alors en place d’avoir accepté des pots-de-vin pour les signer.

Selon des sources gouvernementales, 41 de ces contrats concernent des entreprises installées au Katanga, 11 dans la province Orientale, six au Kasaï oriental et cinq au Maniema. Les entreprises publiques éventuellement lésées sont la Gécamines, Kisenge Manganèse, Sodimico, Okimo, Sakima et la Miba.

LA GRANDE BATAILLE

C’est hier lundi dans le salon rouge du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale qu’ont été officiellement ouverts les travaux de la commission de revisitation des contrats miniers.

A cette occasion, le ministre des Mines a indiqué que le gouvernement « donne la chance à la RDC » de « voir un peu plus clair sur la manière dont ses ressources minières ont été cédées ou louées aux tiers ». C’est donc, pour lui, « une question de s’autodéterminer, en appelant nos partenaires à plus de justice et d’éthique dans les affaires ».

Y a-t-il soupçon d’irrégularités dans des contrats miniers négociés par ses prédécesseurs ? A cette question, Martin Kabwelulu s’est montré sibyllin, se contentant de déclarer que « là où il sera clairement établi des incohérences sous quelques formes que ce soit, que des comptes soient demandés aux partenaires en vue d’un rééquilibrage ».

Rééquilibrage, réajustement, revisitation… Le gouvernement ne se lasse pas d’innover dans les termes devant traduire ce qu’il attend de ces travaux, prévus pour durer trois mois. Et, il n’a pas non plus ménagé les moyens.

Outre les experts nationaux recrutés dans différents services techniques du ministère des Mines et institutions, l’Etat congolais a fait appel à trois cabinets internationaux. Il s’agit du sud-africain OSISA (Open society initiative for southern africa), de l’américain Centre Carter et du suisse Rocthild.

De l’apport de cette expertise extérieure, on peut déjà citer l’étude évocatrice réalisée par un citoyen congolais sous la coordination du cabinet sud-africain OSISA. Elle porte sur la révision de cinq contrats miniers mettant en exergue les entreprises Chemaf, Kingamiambo Tailing, Tenke Fungurume, Kinross-Forrest/KCC et Global entreprise Corporate (GCC).

Les conclusions de ces études traduisaient le désastre du secteur minier congolais. L’auteur fondait sa conviction sur l’obligation faite à la Gecamines – alors la plus grande société minière du pays – de « conclure des contrats totalement déséquilibrés avec non pas des institutions bi ou multilatérales, mais des intermédiaires pour la plupart non professionnels avec des adresses bancaires dans des paradis fiscaux ».

AMERICAINS, SUD-AFRICAINS ET SUISSES DANS LE JEU

Le gouvernement pense donc, avec cette présence étrangère, donner plus de crédit aux conclusions de la commission. Mais, n’empêche, il n’y a aucune certitude de résultat, commente-t-on dans les milieux spécialisés. Car, le défi est énorme et le travail à accomplir l’est également. Surtout lorsqu’on sait que cette revisitation porte, dans un premier temps, sur plus de 60 contrats miniers représentant en valeur des milliards de dollars.

Pis encore, les mêmes contrats mettent l’Etat congolais en face d’importants groupes miniers internationaux, parmi les plus en vue.

Sur la liste de Gizenga, figurent le premier groupe minier mondial BHP Billiton, le géant de l’or sud-africain Anglogold Ashanti, le canadien First Quantum Minerals et l’américain Phelps Dodge, récemment racheté par son compatriote Freeport McMoRan Copper & Gold (FCX), etc.

Ironie du sort, c’est aussi vers cette même expertise étrangère que le gouvernement a recouru pour l’aider à « voir un peu plus clair » dans les contrats signés depuis les années 1990.

Qu’est-ce qui garantit alors l’impartialité de cette expertise ? Les puissantes multinationales, qui voient leurs intérêts acquis remis en cause, vont-elles baisser la garde face au Premier ministre congolais ? Ne pourront-elles pas rebondir d’une manière ou d’une autre, devant par exemple des instances judiciaires internationales pour réclamer réparation de la part du gouvernement congolais ?

On ne peut que s’inquiéter de ce qui sortira de la boîte de Pandore que vient d’ouvrir Antoine Gizenga.

INTERROGER LE PASSE

Quelques années auparavant, le panel des experts des Nations unies sur le pillage des ressources naturelles de la Rdc avait nommément désigné les personnes impliquées dans le « bradage » du patrimoine naturel du pays. Des Ong internationales, telles que la Niza et Global Witness, sont revenues sur cette question.

De même, la commission parlementaire, dite commission Lutundula, a établi clairement dans son rapport des responsabilités sur des contrats « léonins » signés entre 1996 et 2003.

Malheureusement, la principale difficulté réside dans le fait que tous ceux qui sont impliqués dans ce dossier sont les mêmes qui ont porté Gizenga à la Primature.

Alors, le patriarche du Palu est-t-il à même de les sacrifier au nom de l’intérêt supérieur de la nation ? Là, se trouve l’énigme.

Au gouvernement, on semble ne pas vouloir effrayer les investisseurs, en soulignant par exemple que l’objectif est de « relever tous les vices qui entacheraient ses contrats, de confronter la valeur déclarée à la valeur réelle ou réaliste, et de proposer les mécanismes de correction à soumettre au gouvernement pour décision ».

Dans tous les cas, pour Antoine Gizenga - sur la base de cette première expérience - l’objectif consiste à amener tous les partenaires extérieurs de la RDC à « respecter l’Etat congolais (…) pour que les ressources naturelles servent effectivement à financer le programme et axes importants de l’économie nationale ».

Dans cette bataille, la Bolivie du président Eva Morales fait figure d’école. L’homme a réussi à aligner de grandes multinationales minières à sa cadence. Mais, il lui a fallu courage et ténacité. Gizenga dispose-t-il des mêmes vertus ?

C’est cela aussi sa bataille royale, s’il veut réellement marquer son passage à la tête du premier gouvernement de la 3ème République.

Global Witness appelle à plus de transparence

Global Witness, ONG basée à Londres et spécialisée dans les liens entre les conflits et l’exploitation des ressources naturelles, a appelé dernièrement le gouvernement Gizenga à « rompre avec les anciens schémas reposant sur des décennies de corruption et d’impunité dans le secteur minier ».

Au cours des dix dernières années, marquées par deux guerres successives et une période de transition politique, « une part considérable de la richesse minérale du pays a été cédée dans le cadre d’accords opaques qui ont grandement profité aux entreprises concernées (à), des personnalités politiques et militaires haut placées (et à d’anciens) dirigeants des forces rebelles» mais «peu, voire pas du tout, au pays », affirmait l’ONG.

Global Witness a relevé « avec satisfaction la décision de revisiter ces contrats », mais s’est dit « préoccupée par la réticence apparente du gouvernement à envisager de résilier des contrats ».

« L’argument selon lequel la résiliation de contrats pourrait dissuader de futurs investisseurs ne devrait pas être une excuse pour approuver sans discussion des contrats illégaux ou défavorables », selon Patrick Alley, directeur de l’ONG.

« Cet examen représente une opportunité unique de mettre un terme au pillage systématique des ressources du Congo et de créer un précédent pour des pratiques d’investissement responsables et conformes aux réglementations et normes nationales et internationales », a-t-il souligné. L’ONG a aussi plaidé pour la transparence totale de la revue et la mise en place d’un « organe de surveillance » indépendant composé d’experts internationaux et de représentants de la société civile.

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