Sommet de la CEEAC sur le Tchad : Kinshasa théorique, Dakar sera concret
Joseph Kabila a réussi son opération de marketing politique et
diplomatique à Kinshasa, après que des rumeurs bruissent sur sa santé
ou son assassinat. C’est du moins la lecture qu’en font les
observateurs du Sommet de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale
(CEEAC dont il est le président en exercice) qui s’est tenu lundi 10
mars dans la capitale congolaise. Le président Idriss Déby du Tchad a
remercié ses pairs pour ‘‘des résolutions allant dans le sens de la
solidarité agissante au sein de la sous-région’’ après qu’ils eurent
condamné, dans un communiqué final lu par le ministre congolais des
Affaires étrangères, Mbusa Nyamwisi, tout ‘‘recours aux armes et autres
voies non constitutionnelles comme mode d’accession au pouvoir, ainsi
que toute déstabilisation des institutions démocratique issues de la
volonté du peuple tchadien’’.
Ils ont exprimé leur solidarité à l’égard du gouvernement et du peuple
tchadien et invité tous les voisins du Tchad à s’abstenir de toutes
initiatives ou attitudes susceptibles de porter atteinte à l’ordre
institutionnel, à la sécurité et à l’intégrité du territoire du Tchad.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont promis d’apporter leur soutien
à Denis Sassou Nguesso et Mouammar Kadhafi dans le rôle de médiation
qui leur a été confié par l’Union africaine pour la question du Tchad.
Les Etats de la CEEAC ont décidé de porter assistance au Tchad en proie
à des difficultés de tout ordre. S’agissant de la reconstruction et de
la réhabilitation du Tchad, les chefs d’Etat s’engagent à porter leur
assistance d’urgence en faveur du pays frère. Presque du déjà entendu,
des résolutions du type protocolaire qui n’ont rien de concret dans la
réalité.
Le sommet a été vidé de tout son contenu du fait que, consacré sur le
conflit au Tchad pour proposer des pistes de solutions à la tourmente
que vit cet Etat de l’Afrique centrale, n’a que fait le lit d’un autre
sommet, plus concret celui-là, qui se tient mercredi 12 mars à Dakar.
Seulement, au lieu de proposer des pistes de solutions, la rencontre du
Sénégal, dans le cadre de la Conférence islamique, mettra face à face
le président Idriss Déby du Tchad et Omar El-Béchir du Soudan, deux
hommes qui s’entraccusent de soutenir des rébellions contre leurs pays.
La finalité de la réunion de Dakar est de concrétiser la signature d’un
accord de paix obtenu par le président sénégalais Abdoulaye Wade lors
du sommet de l’organisation islamique, il y a quelques semaines. A
Dakar, on espère un règlement du conflit pour une ‘‘solution
définitive’’ de la crise entre les deux pays, une option qui a
court-circuité les assises de Kinshasa.
Bongo, Biya et Dos Santos absents
Neuf chefs d’Etat et de gouvernement ont répondu à l’invitation du
président de la RDC pour débattre de la situation au Tchad. Six chefs
d’Etat ont honoré l’invitation de Joseph Kabila : le tchadien Idriss
Deby Itno naturellement, le burundais Pierre Nkurunziza, le
centrafricain François Bozizé, l’équato-guinéen Théodore Obiang, le Sao
Toméen Fradique de Menezes et Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville
voisin dont la présence a été jugé d’un réconfort inestimable.
Deux absences de taille cependant ont été notées, notamment celle de
Omar Bongo Ondimba du Gabon (qui a envoyé son ministre de la
Communication Jean-Boniface Assélé) ainsi que celle de José Eduardo Dos
Santos d’Angola représenté par son Premier ministre Fernando da
Piedade. L’émissaire camerounais est son chef de diplomatie Henri
Ebeye. Selon la presse officielle kinoise, le succès de ces assises a
auréolé le président Kabila, mettant la réunion sur le Compte de la
diplomatie congolaise au lieu de la mettre dans le cadre d’une
organisation qui continue à se chercher.
La CEEAC, une organisation politique sans leadership
Depuis sa création en 1983, la CEEAC n’est que l’ombre d’elle-même.
Presque tous ses objectifs n’ont jamais été atteints, à l’instar de la
finalité qu’elle s’est donnée de déboucher sur la baisse des barrières
douanières et l’intégration économique. Elle s’est donnée en plus de
mettre en place une force de défense mais les observateurs ont constaté
que celle-ci n’a pas bougé d’un seul doigt pour s’interposer contre les
rebelles qui ont envahi N’djamena en début février. L’armée Tchadienne
a attendu les rebelles jusque dans la capitale pour en découdre avec
eux, avec l’aide de la France, occasionnant des massacres et des
violations massives des Droits de l’Homme.
Sur 10 Etats dont elle est constituée, la CEEAC est caractérisée par
des conflits violents dans six Etats membres. Aucune diplomatie n’a été
mise en œuvre pour réduire la souffrance des populations victimes
innocentes de la folie égoïste des dirigeants de l’Afrique centrale
dont les pays se comptent parmi les plus vulnérables à cause de la
mauvaise gestion des affaires de l’Etat. Faute de mener à terme son
intégration, la CEEAC constitue l’ensemble sous-régional africain le
plus enclavé d’Afrique. La somme d’un ensemble d’attitudes fait que
l’organisation est restée naine, pour ne pas dire mort-née par le
déficit d’une gestion orthodoxe de ses potentialités dont elle a
toujours fait preuve.
Un ensemble qui bâillonne les libertés individuelles
La sous-région est en plus indexée pour sa haute prédation des libertés
individuelles, plus précisément de la presse. Dans une lettre ouverte
aux présidents de la sous-région, des organisations de défense des
Droits des journalistes n’ont pas raté l’occasion de ces assises pour
dénoncer le bâillonnement dont les médias sont l’objet. ‘‘Libérer les
médias et la liberté d’expression pour plus de démocratie est un pas
géant sur cette voie tant souhaitée de la paix, la sécurité et la
stabilité’’, tel est le titre d’un plaidoyer plutôt acerbe et
sarcastique.
Après analyse d’un tableau sombre de la situation de la liberté de la
presse dans la sous-région, JED a voulu miroité ce que la RDC présente
comme image : ‘‘La RDC qui préside et accueille le Sommet de la CEEAC
sur le Tchad, n’est pas, loin s’en faut, le modèle dans l’art de la
protection du droit d’informer et d’être informé. Face à ce que d’aucun
appelle un déficit de communication, il a suffit d’une bête rumeur
sortie de nulle part sur ‘‘la santé’’ du chef de l’Etat, pour que le
ministère de l’Intérieur, Sécurité et Décentralisation sortent la
grande artillerie ramenant ipso facto le pays aux années d’avant 1990.
Outre les écoutes téléphoniques, à en croire le porte-voix du ministère
de l’Intérieur, les services de sécurité sillonneront désormais les
bus, taxi, trains, café et Nganda pour mettre la main sur ‘‘les
propagateurs des folles rumeurs’’, avec ce que cela comportera en
termes de dérives et d’arbitraire !’’. Journaliste en danger (JED) et
l’Organisation des médias d’Afrique centrale (OMAC) dénoncent ainsi le
‘‘refus du jeu démocratique’’, les processus ‘‘bâclés avec des
élections controversées’’ ou à ‘‘la mauvaise gouvernance et aux
violations massives des droits de L’Homme’’. Les ONG appellent les
dirigeants de la région au respect de la liberté de la presse,
‘‘thermomètre à travers lequel on jauge le degré de démocratie d’un
pays’’. Le Révélateur