Belgique-RD Congo : Dur, dur pour obtenir un visa belge
................................................Après l’affrontement par voie médiatique, assiste-t-on à une «guerre de tranchées» entre Joseph Kabila et le ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht ? Le premier aurait décrété discrètement le «boycott» des vols de la compagnie aérienne Brussels Airlines. Le second, lui, a renforcé les conditions d’octroi de visa aux dignitaires du régime kabiliste. Les malades désireux de se faire soigner en Belgique sont pénalisés. Le ministre belge de la Coopération au développement, Charles Michel, se débat pour «normaliser» les relations entre les deux pays.
Selon une dépêche de l’Agence de presse chinoise «Xinhua», datée mercredi 6 août, l’ambassadeur de Belgique en RD Congo, Johan Swinnen, étiqueté chrétien-démocrate (CD&V), a remis mardi 5 août à Kinshasa, une lettre du ministre belge de la Coopération au développement, le libéral francophone (MR) Charles Michel, au ministre congolais des Affaires étrangères Antipas Mbusa Nyamwisi. Le contenu de la missive porte sur la «normalisation de la coopération bilatérale» entre les deux pays. Michel, fils de Louis du même nom, demande à la partie congolaise de fixer la date de la tenue de la commission mixte afin de procéder au «réexamen» de la coopération entre Kinshasa et Bruxelles. Et ce suite à la décision du Conseil des ministres lors de sa réunion tenue dernièrement à Matadi de fermer les consulats belges à Bukavu et Lubumbashi. "La convocation rapide de cette rencontre permettra au comité des partenaires de se pencher sur un certain nombre de questions d’évaluation et de faire un état des lieux des relations de coopération entre les deux pays", a dit le diplomate belge. Au cours d’une question orale, Mbusa avait fait état de la nécessité de procéder à une «requalification» des relations entre les deux pays. Les relations belgo-congolaises ont engendré une réelle fracture entre la puissante Flandre et la Wallonie-Bruxelles. Il n’est pas sûr que la démarche de Michel ait reçu l’«onction» de son collègue en charge des Affaires étrangères, le libéral flamand (Open VLD) Karel De Gucht.
Devoir moral
On le sait, les rapports entre la RD Congo et la Belgique se sont «détériorées» à la suite des déclarations faites en mai dernier par De Gucht, selon laquelle son pays avait un «devoir moral» sur le Congo-Kinshasa du fait notamment de l’effort financier consenti en faveur de celui-ci. Auparavant, ce ministre avait dénoncé la corruption, la mauvaise gouvernance et les violations des droits humains au Congo. «Qu’avais-je dit ? Personne ne voulait me croire», s’est exclamé «Karel» commentant à la presse flamande les «révélations» faites par le ministre Godefroid Mayobo sur un détournement d’une somme estimée à 1,3 milliard USD. Selon nos sources, De Gucht boirait du petit lait. Deux conceptions des rapports belgo-congolais s’affrontent au sein de la diplomatie belge. A l’«amitié très critique» incarnée par De Gucht s’oppose la «critique amicale» de Michel. Signes incontestables du pourrissement. Coté congolais, le Premier ministre Antoine Gizenga vient de rentrer de la Chine où il a passé ses vacances au mois de juillet 2008. En juin 2007, l’homme fort du Parti lumumbiste unifié (Palu) déboulait à l’hôpital Bracops, situé dans la commune d’Anderlecht, pour faire un check-up. «Mbuta» Gizenga devait revoir ses médecins belges douze mois après. Il n’y est pas revenu. Le 21 juillet dernier, le PPRD Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, avait décliné poliment l’invitation lui adressée par son homologue belge Herman Van Rompuy à assister au grand défilé. Selon des sources proches du parti présidentiel, Joseph Kabila aurait instruit les personnalités politiques de son obédience de «boycotter», à l’avenir, les vols de la compagnie aérienne belge SN Brussels et par ricochet la ville de Bruxelles.
«La lutte finale»
Une chose paraît sûre : entre Kabila et De Gucht, l’affrontement prend la tournure d’une «lutte finale». De passage mi-juillet à Paris où il a été reçu à l’Elysée, Kabila n’a caché, aux journalistes belges, son «souhait» de voir l’ancien président de l’Open VLD (parti libéral flamand) quitter son poste. Coté belge, le ministre De Gucht entend apparemment relevé le défi en frappant là où ça pourrait faire mal à une certaine nomenklatura congolaise. Il s’agit de la délivrance du visa spécial ou diplomatique. Ouvrons la parenthèse pour signaler que le royaume de Belgique assume la présidence tournante du Conseil de sécurité de l’Onu au cours de ce mois d’aôut. Une situation privilégiée pour passer des messages. Fermons la parenthèse. En Belgique, la délivrance du visa ordinaire relève de la compétence du ministère de l’Intérieur à travers l’Office des étrangers. Le visa spécial ou diplomatique est, en revanche, du ressort exclusif du ministère des Affaires étrangères. Il se raconte que l’ambassade belge à Kin à durcir les conditions d’octroi de visa aux «dignitaires» du régime. Plusieurs personnalités proches du PPRD ont sollicité le fameux «sésame». Sans succès. «Les délais d’attente sont devenus de plus en plus longs», entend-on dire. Un parlementaire provincial dont l’état de santé nécessitait le transfert à un centre hospitalier bruxellois a dû renoncer au fameux visa. Et pourtant, l’intéressé avait même acquitté le montant de la caution exigée par l’hôpital.
L’amour propre blessé
Lassé d’attendre et surtout blessé dans son amour propre, le patient a écrit à l’ambassade de Belgique à Kin : «Je viens par la présente porter à votre connaissance que pour de raisons de convenance personnelle, je renonce à ma demande de visa pour soins médicaux déposée à l’Ambassade de Belgique depuis (…) sous le numéro (…), après mon hospitalisation aux Cliniques universitaires de Kinshasa (…) ». C’est connu, le système médical congolais dont le sous-équipement est devenu légendaire, est très dépendant des centres hospitaliers belges ou sud africains où sont «évacués» les patients congolais présentant des affections les plus «complexes». A Bruxelles, le médecin soignant de ce malade ne cache pas une colère certaine de voir le mauvais état des relations entre Kinshasa et Bruxelles interférer dans le domaine sanitaire : «Cette personne m’a contacté en mi-avril pour son état de santé lequel exigeait un transfert à l’étranger selon les avis de trois médecins congolais ; elle a payé sa caution pour le transfert médical. La preuve a été déposée à l’ambassade belge. Il s’agit donc d’une personne solvable…» Et d’ajouter : «L’hôpital a accusé réception de son acompte tout en lui demandant de se faire consulter par les médecins de l’ambassade belge à Kin au Centre Médical de Kinshasa.» Pour ce médecin, il s’agit ni plus ni moins que des «manoeuvres dilatoires» pour faire traîner les choses…
B.A.W