Muzito courbe l’échine face aux ukases du "raïs"... TES MAUX SONT DES ORDRES.. AVÉ JOSEPH !
Dans une lettre datée du 3 juin 2009, adressée directement au chef de l’Etat, le Premier ministre Adolphe Muzito s’est limité à prendre acte des injonctions contenues dans la lettre lui adressée, en date du 28 mai, par le directeur du cabinet du présidentiel sur «instruction de la haute hiérarchie». Le chef du gouvernement congolais ne soulève aucune question juridique encore moins les conséquences en termes de responsabilité politique du transfert des prérogatives du gouvernement au président de la République.
Après lecture, jeudi, à l’Assemblée nationale, de la lettre adressée au Premier ministre Muzito par le directeur du cabinet présidentiel - lui notifiant de la part de la «haute hiérarchie» la décision selon laquelle, désormais, tout ordonnancement des dépenses, devrait requérir l’autorisation préalable du chef de l’Etat -, tout Kinshasa bouillonnait d’impatience pour connaître la réponse du chef du gouvernement. Un vent favorable a fait parvenir cette correspondance à la rédaction de Congoindependant.com.
Il importe d’ouvrir la parenthèse pour relever que des observateurs s’étonnaient, jeudi soir, de l’habitude prise par Joseph Kabila de confier à son directeur de cabinet la charge de communiquer les instructions présidentielles au Premier ministre. «Au nom de quel principe, le chef de l’Etat peut-il estimer qu’il n’est pas tenu d’apposer sa propre signature sur les correspondances destinées au chef du gouvernement ?», s’interroge un ancien ministre. Fermons la parenthèse.
Lâcheté politique
Une certitude : la réponse d’Alphonse Muzito ne fera pas date. Cette lettre est un chef d’œuvre de lâcheté politique. Un seul point positif : le Premier ministre s’est adressé directement au chef de l’Etat. La correspondance porte le n°RDC/GC/PM/760/2009.
Après avoir accusé réception de la missive du directeur du cabinet présidentiel, Muzito se perd dans un lyrisme douteux comme pour démontrer le bien-fondé de l’ukase du «raïs». «Je note, écrit-il, que ces mesures exceptionnelles visent à régler une situation exceptionnelle temporaire et matérialisent, en ces temps particulièrement difficiles pour le Trésor public, le consensus résultant de nos échanges antérieurs sur la question. De même, elles confirment notre détermination commune de minimiser les pratiques qui, par leur extension grandissante, nuisent à la gestion orthodoxe des finances publiques et à la stabilité de la monnaie.»
Et de poursuivre : « En outre, je remarque que le but ultime de vos instructions est d’aligner la gestion des finances publiques et celle de la monnaie nationale sur le double objectif d’une bonne exécution des 5 chantiers de la République et de l’amélioration des conditions de vie de nos populations, à travers l’appui de nos partenaires multilatéraux à la stabilité macroéconomique.» Du bla-bla-bla !
Un homme blessé
En conclusion, Adolphe Muzito «demande» aux ministres des Finances et du Budget ainsi qu’au gouverneur de la Banque centrale du Congo «de respecter scrupuleusement lesdites instructions et d’intégrer les aspects monétaires dans le cadre du suivi hebdomadaire, tant des opérations financières de l’Etat que de la gestion de la monnaie nationale, en attendant la signature du décret mettant en place le cadre de travail devant arrêter les modalités pratiques des instructions de Votre Autorité.» Outre le directeur du cabinet présidentielle, Muzito réserve copie de sa lettre à tous les membres du gouvernement.
Bien qu’évasive, la réponse du Premier ministre cache mal une certaine frustration personnelle. L’homme est manifestement blessé dans son amour propre. Soucieux de préserver son «fauteuil», il se garde de toute remarque susceptible d’être interprétée comme de l’«indiscipline». Muzito préfère courber l’échine face aux ukases du "raïs". «C’est assez étrange de voir l’incapacité de Muzito à comprendre que Kabila n’as plus confiance en lui, commente un expert. Quand on ne jouit plus de la confiance du «chef», il faut savoir partir.» Le souci de bonne gestion est-il la raison qui a déterminé cette démarche? «Difficile à croire. Le chef de l’Etat aurait dû dire à Muzito que dorénavant le plan de trésorerie sera adopté par le Conseil des ministres, souligne cet expert. Le chef de l’Etat ne doit pas s’immiscer dans la gestion quotidienne. Le processus de paiement va s’alourdir inutilement et une nouvelle maffia va mettre en place un système pour truander les usagers», souligne notre expert qui accuse au passage la Banque centrale du Congo d’ordonner parfois des décaissements à l’insu du Premier ministre.
La décision prise par Joseph Kabila viole l’article 91 de la Constitution. Que dit cette disposition ? «Le Gouvernement définit en concertation avec le Président de la République la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le Gouvernement conduit la politique de la Nation. (…)». Il incombe donc au gouvernement d’assumer la responsabilité politique devant le Parlement. C’est assez curieux de voir le Premier ministre s’abstenir d’appeler l’attention du chef de l’Etat sur ces éléments. Est-ce pour préserver sa situation ?
«Coup de force permanent»
Depuis l’organisation des élections générales de 2006, la RD Congo peine à présenter le visage d’un pays politiquement apaisé. La nation toute entière vit, hélas, dans une ambiance de «coup de force permanent». C’est à croire que «quelqu’un» chercherait à détourner l’attention de l’opinion de l’incapacité des pouvoirs publics à trouver des solutions pour sortir le pays du marasme économique et social. Sans oublier, l’incapacité de relever le défi lancé au pouvoir par les groupes armés étrangers ou nationaux qui narguent l’autorité de l’Etat dans la partie orientale du pays.
Après l’affaire Kamerhe qui a paralysé le pays durant quatre mois (janvier-avril), voilà qu’un nouveau sujet tient le landerneau politique kinois en haleine. Cette fois, c’est le Premier ministre Adolphe Muzito qui est sur la sellette. Vendredi 5 juin, on apprenait qu’une motion de censure aurait été initiée par un député de l’opposition – manifestement instrumentalisé par certaines officines – pour obtenir le renversement de l’actuel chef du gouvernement. Selon des sources à Kinshasa, à 13 heures, la motion avait déjà recueilli 130 signatures. Il n’en faudrait que 125 pour la mise en route du processus.
Et après ?
O.M/B. A. W.