Comptes spéciaux de la DGRK : vaste magouille

La Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) fonctionne désormais sous le régime des « comptes spéciaux », en violation flagrante des textes qui réglementent les modalités de recouvrement des impôts, droits, taxes et redevances de son ressort. Ainsi en a décidé le gouvernement provincial, passant outre les procédures de recouvrement qu’il s’était pourtant imposées. La magouille est généralisée – les dégâts en terme financier sont évalués en millions de dollars. Les fonds collectés dans la ville sont logés dans des comptes parallèles, soustraits du circuit officiel, avant de prendre une destination inconnue. Couvert d’un sceau officiel, une arnaque bien organisée s’est installée au sommet de la ville.

Ça sent le roussi à la jeune Direction générale des recettes de la ville de Kinshasa (DGRK). Tout récemment, le directeur général a.i. et trois autres directeurs ont été suspendus sur décision du gouvernement provincial. Il leur est reproché une mauvaise gestion des fonds collectés par la régie provinciale.

A l’Assemblée provinciale de Kinshasa, un autre son de cloche a été entendu. Selon le député provincial Martin Fayulu, la suspension de quatre hauts cadres de la DGRK ne serait qu’une fuite en avant, un arbre qui cache la forêt de magouille qui mine cette régie provinciale. En quelque deux ans de fonctionnement, la DGRK a fait pire que les trois autres régies nationales (DGI, DGRAD et DGDA).

En effet, elle a battu le record de détournement et de dilapidation des fonds publics en mettant en place un dispositif de soustraction des fonds destinés à alimenter le compte général de la ville, foulant aux pieds l’arrêté n°0002/08 du 22 janvier 2008 signé par le gouverneur de la ville, André Kimbuta, et portant sur les procédures relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et autres droits à la ville de Kinshasa.

La dernière campagne de recouvrement de vignette 2007-2008 et la toute récente campagne de recouvrement des impôts sur les revenus locatifs et impôts fonciers ont révélé le système mafieux mis en place entre le gouvernement provincial et la DGRK pour détourner les fonds publics mobilisés pour le compte de la ville de Kinshasa. C’est une véritable arnaque, clament maints observateurs.

Le gouvernement provincial - celui-là même qui a initié en 2008 la création de la DRGK - a, contre toute attente, déployé un système parallèle de recouvrement des impôts, droits et taxes, contournant le mode de perception mis en place par l’arrêté du gouverneur de la vile de 2008 par lequel tout recouvrement devait se faire via les comptes des receveurs des recettes fiscales et non fiscales, selon qu’il s’agit des impôts ou des taxes. C’est désormais via des comptes spéciaux, ouverts dans des banques commerciales que tout devait se faire, en violation flagrante de la loi régissant l’encadrement des recettes mobilisées par la DGRK.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Quels sont les mobiles qui ont motivé une telle décision ? En fin de compte, pourquoi le gouvernement a délibérément violé les procédures qu’il s’est imposées pour un meilleur fonctionnement de la DGRK. La suspension cavalière de quatre hauts de la DGRK ne serait-il qu’un paravent, une recherche éhontée de bouc émissaire pour masquer la vérité ?

C’est à toutes ces interrogations, et bien d’autres d’ailleurs, auxquelles le ministre provincial des Finances, Guy Matondo, devra apporter des réponses aujourd’hui vendredi devant l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Les faits soulevés par l’honorable Martin Fayulu traduit toute la dimension du désastre qui s’abat sur la ville de Kinshasa. En toute évidence, Kinshasa est mal gérée. Ceux qui en tiennent les commandes – le gouvernement provincial – sont pointés du doigt.

DANS LES COULISSES DE LA DGRK

Le 17 août 2008, le ministre provincial des Finances écrit à Ecobank, sollicitant l’ouverture d’un « compte spécial » afin de recevoir les fonds mobilisés par la DGRK pour le compte de la campagne vignette 2007-2008. Quelques jours après, Ecobank reçoit une nouvelle correspondance du ministre provincial qui précise que « le compte spécial campagne vignette est indisponible à tout décaissement, et ce, jusqu’à la clôture de la campagne vignette fiscale 2007-2008 ». C’est à partir de là que commence une série d’irrégularités qui vont s’étendre jusqu’à l’opération de recouvrement des impôts sur les revenues locatifs et impôts fonciers lancée en décembre 2009.

Sur ce dernier point, un communiqué du ministre des Finances précise, sans pour autant citer nommément le nom de la Banque concernée, que « le paiement des sommes dues à la ville de Kinshasa au titre d’impôt foncier et d’impôt sur les revenus locatifs s’effectue obligatoirement, au moyen d’une note de perception, dans les comptes bancaires ci-après : 4201-214000-01 (CDF) et 4201-214000-31 (Usd) ».

Aussi, pour toutes les opérations se rapportant au recouvrement de vignette 2007-2008 ainsi que celle portant sur l’impôt foncier et l’impôt sur les revenus locatifs, le gouvernement provincial, foulant aux pieds, les modalités prévues, à cet effet, dans l’arrêté n°0002/08/ du 22 janvier 2008 du gouverneur de la ville, a mis en œuvre un dispositif parallèle qui exclut totalement dans le schéma l’intervention, et à quelque niveau que ce soit, les comptes receveurs des recettes fiscales et receveurs des recettes non fiscales, dispositif légal prévu pour la mobilisation des recouvrées par la DGRK.

Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? C’est la clé de l’énigme.

Mais, pour avoir rappelé, par sa lettre du 22 décembre 2009, son ministre des Finances à la raison, lorsque l’instruisant de faire transiter tous les fonds collectés au niveau des communes au titre de l’impôt sur les revenus locatifs et de l’impôt foncier vers les comptes ouverts dans les livres des agences bancaires et des guichets Western Union, le directeur général a.i. de la DGRK, Kakwata a été suspendu de son poste. L’homme promet depuis quelque temps d’éventrer le boa en étalant l’affaire sur la place publique afin, dit-il, de laver son honneur qu’il dit avoir été « souillé ». Par qui ou pour quelle raison ? Il est le seul à le savoir.

UNE ARNAQUE COUVERTE DU SCEAU OFFICIEL

Deux ans après sa création, la DGRK se révèle comme une branche organisée des coups tordus du gouvernement provincial de la ville de Kinshasa. Le plus grand perdant de la vaste magouille qui implique DGRK et gouvernement est cette population démunie qu’on rançonne à longueur en colorant d’un sceau officiel l’acte lui imposé par ses gouvernants. Rien que pour la vignette 2007-2008, le gouvernement provincial a usé d’intimidations de tout genre pour soustraire des poches de congolais appauvris le peu des dollars de survie. A la fin de campagne lancée par la DRGK, certains automobilistes ont dû payer 50% des pénalités pour répondre à l’appel du gouvernement provincial.

Tout l’argent collecté au terme de la campagne a suivi non la direction du compte receveurs recettes non fiscales de la DGRK, mais plutôt un compte fantôme logé à l’Ecobank. Aux dernières révélations, le compte spécial ouvert à l’Ecobank est totalement vidé. Tout l’argent y logé aurait pris, confirment ses sources, une destination inconnue.

Répondant à la question orale du député Martin Fayulu, le ministre des Finances a prétendu avoir effectué certains décaissements sur ce compte spéciual pour le compte de la ville. Là encore, il s’agit d’une véritable flagrance. Car même constituée en violation des procédures réglementant les opérations de recouvrement des fonds à la DGRK, le compte spécial ouvert à l’Ecobank était censé servir d’un compte transitoire, les produits de la campagne vignette 2007-2008 étant censés alimenter le compte général de la ville sur lequel est effectué les opérations en dépenses, suivant les principes les plus élémentaires de la comptabilité publique.

Au gouvernement provincial de la ville de Kinshasa, les choses se sont passées autrement. On a cherché à réinventer la roue alors qu’une procédure claire, limpide existait depuis 2008 pour canaliser vers le compte général de ville toutes les recettes fiscales et non fiscales mobilisées par la DGRK. Se couvrant derrière la loi, on a ouvertement escroqué la population, dilapidé les ressources publiques et nourri un réseau de mafieux pour se couvrir en cas de revers. Le gouvernement a eu raison de suspendre la campagne de recouvrement 2007-2008. Mais, aujourd’hui, l’on sait à quoi aura servi l’argent récolté, soit plus de trois (3) millions Usd – une destination autre que la couverture des besoins de la ville.

L’Assemblée provinciale de la ville de Kinshasa qui reçoit aujourd’hui les réponses aux nombreuses questions soulevées par l’un de ses membres doit se saisir de l’opportunité lui offerte pour se laver de son opprobre. Elle a une belle occasion de prouver qu’elle est réellement une émanation du peuple souverain. Le gouvernement central, tout comme les instances judiciaires doit se saisir de graves dysfonctionnements qui minent la DGRK pour mettre hors d’état de nuire ceux qui ont pris l’ignoble décision de s’enrichir sur le dos de la population.

A l’occasion de cette question orale, le devoir de transparence devrait conduire à la publication des chiffres exacts issus de la campagne de vente de vignettes 2007-2008. L’affectation des recettes effectuée sur ces comptes spéciaux devrait également permettre le suivi des opérations, particulièrement les soldes existant encore dans ces comptes. « La manière dont se font les apurements, étant donné que les receveurs des recettes ne gèrent pas les comptes spéciaux », constituent aussi des pistes sérieuses du non respect des principes de bonne gouvernance. Le Potentiel