Au Congo démocratique, les rebelles rwandais du CNDP passent, les trafics prospèrent... Le gouvernement de Kabila ferme les yeux
Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), un trafiquant chasse l'autre, avec la bénédiction du gouvernement central et de la communauté internationale. Jusqu'à récemment, des hauts gradés de l'armée congolaise et des rebelles hutus originaires du Rwanda, les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), contrôlaient l'exploitation de minerais de haute valeur, très prisés par l'industrie mondiale, tel le tantale et l'étain, qui entrent dans la composition de téléphones mobiles et de circuits informatiques. Mais l'alliance scellée, début 2009, entre Kigali et Kinshasa a redistribué les cartes, permettant à de nouveaux acteurs de s'enrichir. De manière illicite, cela va sans dire.
Les nouveaux maîtres des mines du Nord-Kivu sont les ex-rebelles du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), pour la plupart des Tutsis congolais. C'est ce que révèle l'ONG britannique Global Witness à l'issue d'une mission de quatre semaines sur place. Fin 2008, les hommes du CNDP, soutenus activement par le Rwanda voisin, avaient lancé une vaste offensive militaire, balayant les troupes de Kinsahsa et provoquant des déplacements massifs de population. Un véritable désastre humanitaire, condamné par la communauté internationale. Mais, début 2009, coup de théâtre: le chef du CNDP, Laurent Nkunda, était écarté par Kigali, qui décidait de s'allier avec le régime congolais aux Kivus.
Visiblement, cette alliance a permis de faire d'une pierre deux coups. A la faveur d'offensives militaires, soutenues localement par les Casques bleus de la Monuc (Mission des Nations unies au Congo), les Hutus du FDLR ont dû lâcher leurs positions, sans pour autant être défaits militairement. Par la même occasion, les ex-rebelles du CNDP, intégrés depuis au sein de l'armée congolaise, se sont emparés des richesses locales, en particulier dans la région de Walikale. "Ils ont ainsi acquis un contrôle bien plus important des zones minières que celui dont ils jouissaient en tant qu'insurgés (...)", écrit Global Witness.
L’ONG juge cette situation particulièrement inquiétante dans la mesure où les revenus de cette exploitation pourraient servir à financer une nouvelle guerre en cas d’échec du processus de paix.
Emilie Serralta a enquêté sur le terrain. Elle explique que « dans certaines parties du territoire du Nord-Kivu, le CNDP opère, comme à son habitude, une administration parallèle, où il prélève des taxes entre autres, et que dans ces territoires-là – en particulier le Masisi – le gouvernement a très peu de capacité de contrôle et de pouvoir.»
Les cargaisons de cassitérite et de tantale sortent toujours, principalement, par le Rwanda voisin, sans que personne ne s'en offusque. A commencer par le gouvernement central de Kinshasa qui, semble-t-il, ferme les yeux en échange du maintien d'une paix précaire dans les Kivus. Un "deal" qui pourrait s'avérer illusoire. "Du fait de leur capacité à détourner les recettes des mines, les anciens rebelles auraient les moyens financiers de se réarmer s’ils décrétaient que la paix ne leur convenait plus", analyse Global Witness, Quant à la communauté internationale, elle fait de même. "Les gouvernements bailleurs de fonds occidentaux ont fait grand cas de leurs engagements visant à rétablir la paix et la stabilité dans l’est de la RDC. Mais ces belles paroles sont en contradiction avec le fait qu’ils persistent à ne demander aucun compte aux entreprises de leur juridiction qui achètent des minerais du conflit", affirme l'ONG.
Jusqu'à récemment, une entreprise britannique, AMC, était très impliquée dans l'achat des minerais congolais du Kivu. Elle a été remplacée par une firme basée en Malaisie, MSC, quatrième producteur d'étain au monde, dirigée par un ressortissant britannique. O.M / Libération