RD CONGO-CHINE : Kinshasa, le prix de la modernisation.. Des "autoroutes" en pleine ville !
La construction, à Kinshasa, de deux boulevards transformés en autoroutes en
pleine ville émerveille les Kinois, qui admirent le savoir-faire de l’entreprise
chinoise qui exécute les travaux. Mais, ces chantiers s’accompagnent
d’importants dégâts: des arbres cinquantenaires coupés, des accidents qui se
multiplient...
Bennes, excavatrices, bulldozers géants... La CREC (China
railway engineering company), une puissante société chinoise, a mis de gros
moyens pour refaire le grand boulevard du 30 Juin, long de 11 kilomètres, la
principale artère du centre-ville de la capitale congolaise, Kinshasa. De jour
comme de nuit, ces engins lourds sont à l’œuvre sous l’œil vigilant de leurs
maîtres et des ouvriers congolais, qui s’affairent à donner forme au nouveau
boulevard. Un spectacle auquel viennent assister des Kinois, émerveillés par le
génie et le travail de ces petits hommes venus d’Asie.
Sur l’autre
grande artère de Kinshasa, le boulevard Patrice Lumumba qui traverse une grande
partie de la ville jusqu’à l’aéroport international de Ndjili sur 15 km, le
spectacle est le même. "Le président Joseph Kabila veut doter la capitale de
boulevards à la dimension d’un grand pays", déclare Barnabé Milinganyo, le
porte-parole de l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT).
Des
centaines d’arbres abattus
Les chantiers sont ambitieux, peut-être un
peu trop car la modernisation de ces deux boulevards a un coût, à la fois humain
et environnemental. Leur élargissement a entraîné l’abattage des centaines
d’arbres géants qui bordaient l’ancienne chaussée : 600 à 700 arbres sur le seul
30 Juin, selon Belade Wapu, du cabinet de la ministre provinciale de
l’Education, Environnement et Genre.
"Comme on veut avoir quatre voies
dans les deux sens, il faut aller à 10 ou 12 mètres des anciennes bordures de
route et couper les arbres visés par les périmètres des travaux", explique-t-il.
Des arbres plus que cinquantenaires, qui donnaient de la belle verdure à la
capitale, et qui ne fêteront pas les 50 ans d’indépendance du pays le 30 juin
2010.
Les Kinois qui aimaient bien l’allure de leurs boulevards s’en
mordent un peu les doigts : "Je ne suis pas contre ces travaux de modernisation.
Mais dans une ville où il fait très chaud, ces arbres avaient leur place. Ils
nous apportaient de l’ombre", regrette un fonctionnaire à un arrêt de bus.
"Comme deuxième poumon forestier du monde, notre pays devrait être plus
sensible à la coupe des arbres", commente, pour sa part, Moïse Musangana de 'Eco
Plus', une organisation non gouvernementale de défense de l’environnement.
Alors que la polémique enfle à Kinshasa autour de l’abattage de ces
arbres, les Chinois à qui l’on reproche souvent le peu de respect à l’égard de
l’environnement, restent muets. Mais ils ne semblent faire que ce qu’on leur
demande. "Ils exécutent le plan que le gouvernement leur a présenté", affirme
Belade, indiquant que 4.000 jeunes pousses sont cultivées en pépinière pour être
replantées le long de ces boulevards.
Autoroutes dangereuses
Les
travaux accusent souvent des moments d’arrêt quand les financements ne suivent
pas. Le trafic, lui, reste intense sur ces routes qui n’ont jamais été fermées
malgré le déroulement des travaux. Embouteillages monstres, piétons désemparés
pour traverser de larges bandes de chaussées qui n’ont pas encore reçu des
marques de signalisation, conducteurs fous qui roulent à tombeau ouvert sur les
voies fraîchement refaites ou sur des couches de terre qui attendent de recevoir
l’asphalte, soulevant une nuée de poussière... Les accidents ne se comptent
plus. Ce qui pousse certains Kinois à parler de nouveaux "boulevards de la
mort".
Les sources policières ne donnent pas de chiffres précis sur le
nombre d’accidents, mais les usagers affirment sans détour que ces boulevards
sont beaucoup plus dangereux qu’avant. "Les traverser devient tout un
cauchemar", témoigne une vendeuse ambulante, qui a vu mourir deux de ses
collègues, fauchées sur le boulevard du 30 Juin par un conducteur indiscipliné.
Dans certains milieux des partenaires extérieurs de la RD Congo, qui
restent très critiques à l’égard des contrats signés avec la Chine, on parle
"d’autoroutes" qui ne devraient pas avoir leur place en pleine ville.