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LOSAKO
19 mars 2013

La mystérieuse reddition de «Bosco»

Bosco1Délogé le 15 mars dernier de sa «planque» quelque part dans la province congolaise du Nord Kivu par les hommes du duo Bisimwa-Makenga, le «général» fugitif Bosco Ntaganda a réapparu, comme par enchantement, lundi 18 mars, à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali. L’homme qui était en cavale depuis avril 2012 pour échapper aux mandats d’arrêt lancés – en 2006 et 2012 - à son encontre par la CPI (Cour pénale internationale) «demande» maintenant son extradition à La Haye. C’est la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo qui a donné l’information…sur Twitter. Manipulation ?     

Twitter 

«Nous avons appris aujourd’hui que Bosco Ntaganda est entré au Rwanda et s’est rendu à l’ambassade américaine à Kigali», annonçait lundi 18 mars le chef de la diplomatie rwandaise sur son compte «Twitter». La nouvelle a été aussitôt confirmée par Victoria Nuland, porte-parole du département d’Etat américain. Celle-ci a parlé d’une «demande spécifique» formulée par «Bosco» d’être transféré à La Haye. Etrange. L’homme s’y opposait depuis 2006. Le Rwanda de Paul Kagame et le Congo démocratique de «Joseph Kabila» semblaient le protéger. Depuis l’éclatement de la mutinerie des éléments FARDC étiquetés CNDP, en avril 2012, Kinshasa et Kigali ne semblent plus regarder dans la même direction.

Rares sont les observateurs qui croient sérieusement à la version des faits relatée par la ministre Louise Mushikiwabo. A tort ou à raison, les dirigeants rwandais ont, à plusieurs occasions, démontré leur maîtrise de l’art de la manipulation de l’information. Bref, l’art de la désinformation. Qui pourrait croire franchement qu’après avoir franchi la frontière entre le Congo et Rwanda, Ntaganda est entré dans le territoire rwandais sans rencontrer un membre des forces de sécurité. Il a poursuivi son bonhomme de chemin jusqu’à l’ambassade américaine dans la capitale rwandaise. C’est trop beau pour être vrai dans ce pays qui passe pour un des "meilleurs" Etats policiers du continent. Questions : Quel «deal», l’officier fugitif a pu passer avec les dirigeants rwandais avant sa "reddition"? Quelle est la contrepartie qui lui a été offerte ? En «livrant» Ntaganda, les dirigeants rwandais tentent-ils de desserrer l’étau diplomatique d’une communauté internationale qui les accuse de soutenir la déstabilisation dans la partie orientale du Congo ? Pourquoi Ntaganda a-t-il jeté son dévolu sur la mission diplomatique américaine dont le pays n’est pas signataire du Statut de Rome créant la CPI? Y a-t-il eu des tractations entre Kigali et Washington ?   

Enfants soldats

LubangaAncien bras droit de l’ex-chef milicien de l’Ituri, Thomas Lubanga, Ntaganda est poursuivi par la CPI pour «crimes contre l’humanité et crimes de guerre» commis, entre 2002 et 2003, au Congo-Kinshasa. On ne dit pas assez que «Thomas» et «Bosco» sont des purs produits de l’occupation de la partie orientale du Congo par les armées ougandaise et rwandaise. Et ce, après la rupture de la «coopération militaire» décidée par LD Kabila avec l’Ouganda et le Rwanda qui l’avaient porté au pouvoir un certain 17 mai 1997. Les deux pays avaient mis sur pieds une nouvelle « rébellion congolaise » dénommée RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie).   

Dans le District de l’Ituri (Province Orientale), Lubanga et Ntaganda ont été, dès juillet 2001, tour à tour, au service des Ougandais et des Rwandais. Les deux chefs miliciens ont été initiés au recrutement des enfants soldats, les fameux «Kadogo». C’est grâce à des officiers ougandais que Lubanga a pu mettre sur pieds sa milice dénommée «UPC» (Union des patriotes congolaises). Les officiers de Museveni vont attiser la haine entre les Hema (apparentés aux Tutsi hima) et les Lendu (agriculteurs). Après avoir servi les Ougandais, Lubanga et Ntaganda avaient changé d’alliance en se mettre au service de la "rébellion" pro-rwandaise du RCD-Goma. L’enjeu ici n’était rien d’autre que l’occupation du terrain pour se ruer sur les diamants et les mines d’or de l’Ituri.

Après les travaux du dialogue inter-congolais, fin 2002, qui a donné naissance au gouvernement de transition dit «1+4», Lubanga et Ntaganda ont amorcé un rapprochement avec «Joseph Kabila». En «récompense», l’ancien chef milicien devait être intégré dans le haut commandement des Forces armées de la RD Congo. "Bosco" attendait dans l’Ituri. Patatras ! En février 2005, neuf Casques bleus du Bangladesh sont tués en Ituri. Qui les a abattu ? Pourquoi ? Les meurtres sont imputés aux miliciens de l’UPC. Lubanga est accusé d’en être le commanditaire. A la demande du Conseil de sécurité des Nations unies, le chef milicien est arrêté dans un grand hôtel à Kinshasa où il attendait sa nomination à un poste. Le 19 mars 2005, il est transféré en catimini à La Haye à bord d’un avion militaire français. "Bosco" a, pour sa part, rejoint le maquis du CNDP dans le Nord Kivu.

Lubanga embastillé aux Pays-Bas, il restait «Bosco». Celui-ci a bénéficié pendant longtemps de la «bienveillance» - connivence ? - de «Joseph Kabila». Le locataire du Palais de la Nation clamait à qui voulait l’entendre sa volonté de "faire passer la paix avant la justice". Pour lui, le transfert de Ntaganda à La Haye pouvait menacer la paix et la sécurité dans la province du Nord Kivu. En janvier 2009, Laurent Nkunda est évincé de la direction du CNDP. Il y est remplacé par «Bosco» qui, bien que sujet rwandais, est promu au grade de général-major des FARDC dans le cadre du «mixage» des combattants du CNDP.

« Curieux business » En avril 2012, la CPI lançait un nouveau mandat d’arrêt, après celui de 2006,  contre Ntaganda. C’est la perplexité tant à Kinshasa qu’à Kigali. Dans une interview accordée au magazine parisien «Jeune Afrique» (voir n°2682 du 3-9 juin 2012), la ministre rwandaise des Affaires étrangères «tance» la justice internationale. Elle fait remarquer que «Bosco Ntaganda n’est pas recherché par le Congo, mais par la Cour pénale internationale». Il n’empêche. Le malaise est là ! Faut-il continuer à protéger «Bosco» ? A Kinshasa, Lambert Mende Omalanga, porte-parole de son état, qui «porte» plus la «parole» de «Joseph Kabila» que celle du gouvernement - dont les réunions du conseil des ministres sont rarissimes - soutient que le fugitif sera jugé par les cours et tribunaux congolais. Vraiment ?

Kabila-hippo-militaireFin septembre 2012, ulcéré manifestement par le «double langage» du «raïs»,  le ministre rwandais de la Défense, le général James Kabarebe, fait une sortie médiatique surprenante. Dans un entretien au quotidien bruxellois «Le Soir», daté du 30 septembre dernier, il décrit «Joseph Kabila» en une sorte de parrain maffieux qui se livrerait à de «curieux business» avec «Bosco». Une allusion claire notamment à l’affaire du jet Gulftream américain qui a atterri le 3 février 2011 à Goma avec à son bord quatre passagers qui venaient d’acheter 480 kilogrammes d’or. Valeur marchande : plus de 20 millions de dollars (14,1 millions d’euros). Le vendeur de cette cargaison n’était autre que Ntaganda. Celui-ci aurait empoché  6,8 millions $ US (4,8 millions d’euros) en cash. Il semble que l’ex-lieutenant de Lubanga avait «des mines personnelles en Ituri». Selon des indiscrétions, Ntaganda «travaillait» avec la fratrie «Kabila». 
Une affaire dérangeante

Dans cette interview, «James» a dit sa part de vérité sur la crise née au Nord Kivu. «Au lendemain des élections (Ndlr : 28 novembre 2011), racontait-il, le président Kabila a été mis sous pression par la communauté internationale qui exigeait l’arrestation du général Bosco Ntaganda». Et d’ajouter que Kinshasa dépêcha, début février dernier, une délégation à Kigali. Objectif : faire savoir aux interlocuteurs rwandais que «Joseph» souhaitait l’arrestation de Ntaganda «mais sans le déférer devant la Cour pénale internationale». Au mois de mars 2012, le patron de l’ANR (Agence nationale de renseignements), Kalev Mutond, aurait confié à Kabarebe que le numéro un Congolais «était déterminé à protéger Bosco Ntaganda, à ne pas le transférer à la CPI mais le faire traduire devant une juridiction congolaise». Quelques semaines plus tard, «Joseph Kabila» se rend à Goma et annonce qu’il fallait «à tout prix» appréhender Ntaganda. «Ce message, fera observer Kabarebe, était le contraire de ce que j’avais entendu la veille, où on me disait que Bosco pouvait rester dans sa ferme».

Dans un article mis en ligne le samedi 16 mars dernier, notre journal annonçait que Bosco Ntaganda a été délogé de sa cachette par des forces fidèles au duo Makenga-Bisimwa. Et qu’il aurait fui en direction du Parc de Virunga accompagné d’une trentaine de combattants chargés d’assurer sa garde. Comment a-t-il pu atteindre Kigali et surtout l’ambassade US à l’insu des autorités rwandaises? Mystère.

L’heure est aux questionnements. Quelle décision pourra prendre l’Administration Obama ? Va-t-elle livrer Ntaganda à la CPI au risque de gêner aux entournures non seulement «Joseph Kabila» mais aussi les potentats rwandais et ougandais et pourquoi pas certains lobbies anglo-saxons? L’Administration Obama va-t-elle invoquer la "neutralité" en refilant la «patate chaude» à un Etat signataire du Statut de Rome? Une chose paraît sûre : au-delà des apparences, l’affaire Ntaganda dérange. Elle pourrait éclabousser plus d’un…

Baudouin Amba Wetshi

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