Kahemba: Kinshasa donne raison à l’Angola
A l’Assemblée nationale, le rapport «BDK» traité à
huis clos.
Les décisions sont tombées au dernier Conseil des ministres.
Ainsi, le dossier Kahemba est-il classé sans suite. Quant à l’affaire Bundu dia
Kongo, des instructions ont été données pour que les coupables soient châtiés et
que le ministre de la Justice règlemente, dès ce jour, l’existence des sectes
religieuses. L’Assemblée nationale, saisie des mêmes affaires, contredira-t-elle
l’Exécutif ?
Le gouvernement a pris des décisions en ce qui concerne les
dossiers brûlants de l’heure : Kahemba et Bundu dia Kongo. Dans le premier cas,
l’affaire est désormais classée. En clair, le gouvernement a la conviction qu’il
n’y a pas eu violation du territoire congolais par les forces armées angolaises.
Confirmant ainsi la thèse soutenue par la partie angolaise, Kinshasa se fonde,
paraît-il, sur les rapports des commissions techniques mises sur pied à cet
effet. Quant au dossier Bundu dia Kongo, des instructions ont été données pour
que les coupables soient punis et que le ministre de la Justice règlemente
l’existence des sectes religieuses.
La question que l’on se pose est
celle de savoir s, au niveau de l’Assemblée nationale, en ce qui concerne
Kahemba, les députés aboutiront à la même conclusion. C’est probablement ce que
laisse deviner le huis clos décrété, hier vendredi, à l’Assemblée nationale au
moment de l’audition du Rapport Bundu dia Kongo.
Il a donc fallu 106
jours pour connaître le dénouement de la crise frontalière entre l’Angola et la
République démocratique du Congo, en ce qui concerne la polémique sur
l’occupation ou non par des éléments armés angolais des villages relevant du
territoire de Kahemba, dans la province de Bandundu.
Dans le compte
rendu de la réunion du gouvernement tenue le 17 mai, le Conseil des ministres a
donné sa dernière position. «Le gouvernement a pris acte des conclusions
techniques des différentes équipes des experts affirmant : primo, que la
frontière n’a pas bougé. Secundo, qu’il n’y a pas eu franchissement de cette
frontière par des troupes angolaises. Tertio, qu’il n’y a pas eu des
déplacements massifs des populations. Le gouvernement décide de la création
d’une commission mixte «gouvernement - autorités provinciales locales», chargée
de la matérialisation et de la gestion de nos 9.000 km de frontière avec ses 9
pays voisins. Par ailleurs, le gouvernement réaffirme son engagement à
entretenir des relations de fraternité qui ont toujours existé entre la
République sœur d’Angola et la République démocratique du Congo».
UN
COMPTE RENDU SANS AMBIGUÏTE
Le compte rendu est clair. Sans ambiguïté. Il
s’observe que, fort de ses informations, le gouvernement a décidé de clore le
«Dossier Kahemba». Bien plus, sa décision confirme la thèse soutenue jusqu’ici
par la partie angolaise selon laquelle les forces armées de Luanda n’avaient
jamais violé le moindre millimètre carré du territoire congolais. Et qu’en plus,
le drapeau angolais ne flottait qu’en territoire angolais.
Dans un passé
récent, devant la persistance des accusations des parties congolaises, dans un
communiqué publié dans l’Agence angolaise de presse, Angop, le gouvernement
angolais avait qualifié «de mauvaise foi les déclarations de certains secteurs
civils et politiques congolais qui continuent à revendiquer cette partie
angolaise et répudie vigoureusement les prétentions expansionnistes inhérentes».
Mais que dire alors du drapeau angolais qui flotte à Shayimbwanda
considéré comme village congolais et habité par des Congolais ? Difficile de se
prononcer. Toutefois, il nous revient, selon les coordonnées géographiques, que
cette localité se trouverait à 2,3 km du parallèle 7 en territoire angolais,
7°01’18’’29’’’ latitude Sud, et 19°53’27’’91’’’ longitude Est.
La
première décision qui est tombée vient du gouvernement. Celui-ci s’est appuyé
sur le travail technique effectué par les experts des deux pays. Au moment où
les deux parties s’employaient à trouver des éléments et des indices
convaincants, proposition avait été faite d’associer la Belgique et le Portugal,
deux anciens pays colonisateurs qui ont administré respectivement le Congo et
l’Angola en vue de décanter la situation. C’est ainsi que lors de son passage à
Kinshasa, Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères, avait débattu
de cette question avec les autorités congolaises.
Evidemment,
l’interrogation demeure entière. Pourquoi les deux pays, indépendants
respectivement en 1960 et en 1975, n’ont jamais souffert de conflit de
frontières dans le passé ? On sait, par ailleurs que pendant la guerre
d’agression subie par la RD du Congo, l’Angola était bien à ses côtés. Faut-il
lier ces soubresauts à la présence du diamant dans la zone ?
REACTION DE
L’ASSEMBLEE NATIONALE
Quoi qu’il en soit, le gouvernement a joué sa
partition. C’est premier acte. L’Assemblée nationale va-t-elle entériner la
décision du gouvernement alors qu’elle avait mis en place une commission,
dénommée «Commission Roger Lumbala» qui s’est rendue sur place, précisément à
Kahemba, pour faire l’état des lieux ?
Il se fait, malheureusement, qu’à
ce jour, le Rapport de cette commission n’a pas encore été auditionné. Pire, les
députés ont donné l’impression d’éviter de froisser quelqu’un s’ils abordaient
le cas Kahemba. Cette observation est étayée par des reports successifs des
plénières, les documents ad hoc n’ayant pas encore été distribués aux députés.
Partant de la décision du gouvernement qui enlève désormais tout intérêt audit
rapport, l’on se demande si les députés iraient jusqu’au bout
Hier
vendredi, la plénière sur le sujet s’est déroulée à huis clos, selon le vœu des
députés. Ce sera également le cas comme du Dossier Bundu dia Kongo. Ce contexte
permet-il d’attendre des résultats spectaculaires ? Ce n’est pas acquis
d’avance, nonobstant l’indépendance proclamée de chaque institution. DE toutes
les façons, l’Assemblée nationale évitera d’entrer en «guerre» contre le
gouvernement à propos de ces matières qualifiées de «hautement sensibles».
Quelle leçon tirer de la décision gouvernementale ? Et que pensent tous
ceux qui ont soutenu la version contraire à celle du gouvernement ? Il reste
entendu que les données techniques sont têtues. Personne ne peut les contredire.
Mais au regard de la connotation politique, diplomatique et sociale de cette
affaire, il est important d’encourager la voie pacifique pour préserver la
cohabitation pacifique, surtout au niveau des frontières entre les populations
de la République démocratique du Congo et l’Angola.
Le fait que cette
quasi crise ait eu des similitudes avec d’autres conflits surgis sur le
continent – en l’espèce, l’affaire de la presqu’île pétrolifère de Bakassi ayant
opposé le Cameroun et le Nigeria - il serait imprudent de ne pas revisiter
conjointement les bornes afin de fixer une fois pour toutes la délimitation des
frontières.
En attendant, les populations congolaises doivent se rendre
à l’évidence. N’ayant pas d’autre voie de recours, elles n’ont qu’à accepter le
verdict du gouvernement. A ce dernier d’éviter à l’avenir de traiter pareils
dossiers dans la précipitation. Sa cote de crédibilité en dépend.