RDC: Violences "Bien au-delà du viol"
Le rapport d'une experte de l'Onu est accablant pour tous les hommes en armes.
Les pires abus sont l'oeuvre des rebelles hutus rwandais réfugiés au Kivu.
La violence sexuelle à l'égard des femmes est " rampante" dans tout le Congo-Kinshasa, où "une grande partie de la société" la considère comme un comportement normal, déplore Yakin Ertürk, rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'Onu chargée de la violence envers les femmes, à l'issue d'une enquête dans ce pays.
Elle conseille à cet égard de rapides réformes juridiques, notamment une modification du Code de la famille, qui place concrètement la Congolaise sous la tutelle de son mari comme si elle était une perpétuelle mineure d'âge, alors que la Constitution prévoit la parité entre les sexes.
Elle souligne également que les victimes de viol sont une seconde fois victimes dans de nombreuses communautés congolaises parce que celles-ci trouvent normal de rejeter une femme violée et que son mari la répudie , "alors que les violeurs jouissent de l'impunité".
La pire des crises
La rapporteuse, une avocate turque, a souligné que les violences sexuelles étaient commises par l'armée et la police congolaises (auteurs de 20 pc des cas) ainsi que par les autres forces de sécurité de l'Etat, mais aussi par les différents groupes armés non étatiques. Police et armée "répondent à l'agitation par des représailles indiscriminées" , incluant "pillage, torture et viols de masse" . Ce fut le cas à Karawa (Equateur) en décembre dernier.
Mme Ertürk a cependant jeté un cri d'alarme au sujet des deux provinces du Kivu où la situation "est la pire des crises que j'aie jamais rencontrées" . Le Sud-Kivu, en particulier, "nécessite une action immédiate".
Cannibalisme
Dans cette province, 4 500 cas de violence sexuelle ont été enregistrés dans les six premiers mois de 2007. Sans compter les innombrables victimes qui "vivent dans des régions inaccessibles, ont peur de porter plainte ou n'ont pas survécu à la violence", note l'avocate.
"La plupart des cas" , au Sud-Kivu, sont commis par des rebelles hutus rwandais liés aux anciens génocidaires (FDLR, Rasta...).
Leurs attaques " sont d 'une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol (...). A de nombreux égards, ces atrocités rappellent celles commises par les Interahamwés ( extrémistes hutus) pendant le génocide rwandais. Les femmes sont soumises à des viols collectifs brutaux, souvent devant leur propre famille ou leur communauté tout entière. Dans de nombreux cas, les hommes de la famille sont contraints, sous la menace d'une arme, de violer leur propre fille, leur mère ou leur soeur".
"Après le viol, il est fréquent que les bourreaux tirent au fusil dans l'appareil génital de la femme ou qu'ils la poignardent dans cette partie de son corps. Plusieurs femmes, qui ont survécu à des mois d'esclavage ( NdlR : les rebelles hutus rwandais enlèvent des villageoises congolaises et les retiennent prisonnières durant des mois) m'ont raconté que leurs tortionnaires les avaient forcées à manger les excréments ou la chair des membres de leur famille assassinés", a déclaré Mme Ertürk.
Crimes contre l'humanité
" Ces actes constituent des crimes de guerre et, dans certains cas, des crimes contre l'humanité. Le droit international fait obligation au gouvernement ( congolais) de traduire en justice tous les criminels, y compris ceux qui détiennent la responsabilité de commandement" , a rappelé la rapporteuse de l'Onu.