Contrats miniers : Joseph KABILA joue-t-il son avenir politique ?
Le peuple congolais est agréablement
surpris de découvrir les observations et recommandations de la
Commission instituée par le Gouvernement Gizenga en vue de revisiter
les contrats miniers. Dans la situation actuelle de la RD Congo, rien
ne présageait la publication de cet important et excellent travail de
la Commission lorsqu’on se réfère aux sorts réservés aux rapports de
différentes commissions parlementaires, notamment sur le massacre des
adeptes de la secte BUNDU dia KONGO dans le Bas-Congo et l’occupation
de Kahemba par l’Angola.
L’honnêteté intellectuelle nous impose
l’obligation de féliciter les membres de la Commission qui ont abattu
un travail de haute facture. Un constat qui se dégage après la lecture
de ce rapport est la leçon de nationalisme donné aux acteurs politiques
par les membres de la Commission. Cette dernière ne laisse aucune autre
alternative au Gouvernement Gizenga qui se trouve dans l’obligation de
suivre ses observations et recommandations. Agir autrement équivaudrait
à une complicité active du Gouvernement dans la criminalisation de
l’économie congolaise. Le rapport stigmatise le caractère léonin de
tous les contrats miniers revisités. Situation extrêmement grave pour
un pays potentiellement riche qui est l’un des plus pauvres au monde à
cause de l’incurie de ses dirigeants qui ont laissé se poursuivre le
pillage et les pratiques maffieuses.
Au-delà de l’excellente
qualité incontestable du rapport, il est intéressant de se poser des
questions essentielles auxquelles des réponses précises s’imposent.
Quelle sera la finalité de ce rapport ? Le Gouvernement aura-t-il le
courage d’établir les responsabilités politiques et pénales qui
s’imposent dans ce dossier ? Sommes-nous en droit de nous attendre à
des sanctions à l’endroit de criminels et un dédommagement conséquent
pour le préjudice subi par les Congolais ?
La finalité du rapport et les blocages en vue
Certes,
le Gouvernement Gizenga a initié cette Commission, en partie, à la
suite des pressions de l’opinion publique. Mais la même opinion attend
avec impatience le sort qui sera réservé à ce rapport. Toute tentative
de dissimulation risquerait de provoquer des réactions imprévisibles au
sein de la population. Seulement, il se fait que l’Exécutif congolais
se trouve en présence d’un dossier hautement sensible qui pourrait
déstabiliser les Institutions actuelles. La Commission a donné
suffisamment de renseignements au Gouvernement pour permettre à ce
dernier d’agir. Il y a de quoi donner des insomnies aux signataires de
ces contrats ainsi qu’aux bénéficiaires de plantureuses commissions. En
plus de pressions exercées sur les membres de la Commission, il y a des
implications diplomatiques. Certains gouvernements étrangers ont déjà
donné leurs positions. C’est le cas de Karel De Gucht, Ministre belge
des Affaires Etrangères qui estimait il y a encore quelques mois que la
renégociation de ces contrats serait une catastrophe pour l’Etat
congolais (sic). C’est à se demander si la RD Congo est encore un Etat
souverain.
Peut-on s’attendre à une réaction appropriée du Parlement congolais ?
Rien
n’est moins sûr tant l’actuel Parlement congolais commence à nous
habituer, soit à la langue de bois, soit à l’art de bien couvrir les
abus et égarements du Gouvernement en place. En principe, le Parlement
congolais (Assemblée Nationale et Sénat) réuni récemment en Congrès
aurait dû se saisir de ce dossier conformément à ses attributions
rappelées par Vital Kamhere, Président de l’Assemblée Nationale.
Seulement, il se fait qu’après la publication de ce rapport par le
Journal Le Phare, certains parlementaires de la majorité (députés et
sénateurs) se disent non concernés par ce rapport initié par le
Gouvernement et au nom, selon eux, de la séparation des pouvoirs entre
les Institutions de la République. C’est une véritable fuite en avant
pour endormir les naïfs dans la mesure où l’Assemblée Nationale garde
dans ses tiroirs le fameux rapport de la « Commission Lutundula » dont
personne ne veut entendre parler. Un tel comportement des
Parlementaires serait ni plus, ni moins une trahison à l’endroit d’un
peuple qui a fait confiance aux Parlementaires actuels lors de derniers
scrutins électoraux. A cette allure, le rendez-vous de 2011 promet
d’être une sanction politique en règle pour ces élus qui se soucient
plus de leurs « panses » que de véritables attentes de leurs électeurs.
Certains observateurs estiment qu’on ne devrait pas s’attendre à une
réaction sérieuse du Parlement dès lors que certains partis de
l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP) ont bénéficié de
larges libéralités de la part de ces entreprises criminelles. Les
Congolais n’ont pas encore oublié certaines déclarations faites en son
temps.
Les responsabilités politiques et pénales
La
question majeure demeure. Qui établira les responsabilités politiques
et pénales de ce pillage de nos richesses du sol et du sous-sol ? A ce
sujet et comme d’habitude, tout le monde risque de faire le « Ponce
Pilate » en se rejetant les responsabilités. Est-il nécessaire de
rappeler que la criminalisation de l’économie relève des Cours et
tribunaux ? La Commission a fait l’essentiel en donnant au Gouvernement
les informations dont il a besoin pour d’une part, sanctionner
sévèrement les auteurs de ces contrats léonins et, d’autre part,
ordonner la mise en examen des responsables congolais impliqués dans la
magouille.
C’est à ce niveau que la situation devient délicate,
dans la mesure où il faudrait sanctionner les « intouchables » du
régime qui jusqu’à ce jour continuent à peser lourd dans les décisions
au sommet de l’Etat. Tout est connu, mais par pudeur politique ou
lâcheté, les responsables politiques font semblant d’ignorer ce qui se
passe. En les écartant de son Gouvernement, le Premier Ministre Gizenga
a fait son devoir, bien qu’il soit continuellement combattu par ces «
dinosaures » d’un genre nouveau. Mais la véritable sanction, la pénale,
n’est jamais arrivée, à cause de l’impunité légendaire dont ils
bénéficient de la part des autorités judiciaires.
Le Chef de
l’Etat, en tant que garant de la Constitution et des lois de la
République, devrait intervenir pour éviter que la RD Congo devienne une
république bananière où les voyous et les criminels de tout bord
trouvent un terrain de prédilection pour opérer en toute quiétude.
C’est vrai que le Chef de l’Etat joue son avenir politique dans ce
dossier, mais les RDcongolais se posent la question de savoir comment
le Président de la République peut-il lutter contre la pauvreté en
laissant les criminels économiques piller son pays comme le révèle le
rapport de la Commission dont il est question. S’il arrivait que le
Président de la République décide de ne pas suivre les recommandations
pertinentes de la Commission gouvernementale, hypothèse peu probable
politiquement selon notre point de vue, le peuple congolais s’en
souviendra pendant longtemps. Il ne faudra plus qu’on s’étonne de voir
ce même peuple entonnez le célèbre refrain « bateki mboka », qui veut
dire « on a vendu le pays ».
Nous pensons que c’est le moment de
convoquer une large Table Ronde sur la gestion de nos ressources
naturelles. Cette proposition avait été faite, en son temps, par la
Société Civile, Forces vives. Où est passée cette Société civile? Où
sont les Eglises, notamment la CENCO (Conférence Episcopale Nationale
du Congo) ? La maison brûle et le moment n’est plus à la dénonciation,
mais à l’action. Que l’on ne s’y méprenne pas, car le peuple congolais,
malgré son extrême pauvreté, garde encore toute sa lucidité et sa
capacité de réagir.