Jean-Pierre Bemba: C'est moi ou bien rien du tout " Pas de retour, pas d’élections "
"Rien ne se perd, rien ne se créer, tout se transforme"
L’homme a gardé toutes ses ressources morales, disent ses proches,
malgré un congé médical qui avait tendance à se transformer en exil
plus ou moins forcé. Son récent séjour d’environ une dizaine de jours à
Bruxelles en a fourni la preuve par le nombre des contacts et la
qualité des interlocuteurs du Chairman.
Début avril, le leader du MLC avait quitté Kinshasa dans des
circonstances dramatiques. Officiellement pour des raisons de santé
liées à une jambe malade. Personne ne se faisait pourtant des
illusions. Après les événements des 22 et 23 mars, durant lesquels les
Fardc avaient décidé d’anéantir sa garde, JP Bemba n’avait plus d’autre
voie de sortie que de se retrancher à l’ambassade d’Afrique du sud
avant de prendre le chemin de la ville de Faro au Portugal.
L’échec d’un modèle
Certes, l’Union Européenne, les Etats-Unis et la Monuc s’étaient
unanimement émus d’une réaction qualifiée de disproportionnée. Avant de
déplorer le recul des libertés ainsi qu’un coup mortel donné au
processus démocratique. Mais toutes ces pressions n’ont toujours pas
donné – du moins jusqu’ici - des résultats concrets. Ni le forcing de
l’eurocommissaire Louis Michel et les engagements pris devant lui par
Jean Pierre Bemba de respecter les institutions élues et d’axer toute
sa démarche dans un cadre républicain, ni l’implication de la
diplomatie européenne par le biais du Haut Représentant Javier Solana,
ni la médiation de certains Présidents africains et encore moins
l’activisme de l’ONU n’ont débouché sur aucun résultat concret. A moins
que ce ne soit la multiplication des pressions et la tentative d’un
hold-up sur les membres du MLC, dont certaines langues – pas toujours
méchantes il est vrai - disent que bon nombre d’entre eux étaient déjà
prêts, pour mettre fin à une disette de plus en plus longue, à
traverser la rue avec armes et bagages. D’où les attaques à fleurets
mouchetés lancées par ses propres camarades contre le Secrétaire
général Francçois Mwamba, obligé de multiplier les conventions pour
maintenir l’ordre et la discipline au sein de la troupe. D’où aussi le
récent rappel à l’ordre signé par JP Bemba en personne à travers une
lettre adressée aux membres du Bureau politique du MLC.
Dans une partie de poker menteur où l’hypocrisie restait la règle d’or,
le leader du MLC prenait en plus les allures surréalistes d’une balle
de ping-pong que se renvoyaient les différentes institutions : la
Présidence de la République arc-boutée sur une ligne de fermeté et
agitant le spectre des poursuites judiciaires ; le Sénat qui
prolongeait automatiquement le congé maladie du sénateur, enfin les
Cours et Tribunaux visiblement embarrassés sur l’attitude à prendre.
Perplexe, la Communauté internationale ne pouvait que redouter
l’effondrement de son modèle en RDC. Mais aussi et surtout le signal
négatif qu’un tel développement constituerait par rapport à son image
et à ses différents engagements dans le monde. Près de 500 millions de
dollars avaient en effet été engloutis dans un processus électoral dont
l’ultime succès résidait dans la cœxistence d’un pouvoir et d’une
opposition démocratiquement élus. Ce qui était loin d’être le cas avec
l’exil forcé du leader d’une opposition censée représenter près de 42%
des Congolais.
Elections locales contre retour
Face à la persistance de l’impasse, JP Bemba s’est finalement décidé de
jeter toutes ses forces dans la difficile négociation qui continuait de
passer par Bruxelles. Où le leader du MLC vient de séjourner deux
semaines durant. D’abord pour renouveler les engagements auxquels il
avait déjà souscrits lors de sa rencontre de Faro avec Louis Michel et
Vital Kamerhe. Et rappeler que, malgré tout, il reste un homme de paix
et de dialogue. Ensuite pour abattre sa dernière carte.
Une carte maîtresse qui a pour nom « élections locales ». Selon des
sources crédibles, JP Bemba a dû puiser dans toutes les ressources de
son éducation pour ne pas exploser et taper du poing sur la table.
N’empêche, récitant à merveille la leçon que lui ont apprise les
derniers événements survenus en RDC, il entend désormais peser de tout
son poids là ou ça fait mal à la Communauté internationale, dont on dit
qu’elle a déjà mobilisé près de 140 millions de dollars pour les
élections locales, en la prenant finalement à son propre jeu. Ou
celle-ci s’implique pour que le processus électoral qu’elle pilote soit
un succès, ou son modèle échoue lamentablement et entraîne dans sa
chute toute la crédibilité de la Communauté internationale.
Un dilemme cruel, traduit tout aussi cruellement par la formule «
retour de JP Bemba contre tenue des élections locales ». L’élève aura
donc rejoint le maître en reprenant son compte tout le machiavélisme
d’une négociation qui avait tendance à tourner le leader du MLC en
bourrique. En d’autres termes, « pas de retour de JP Bemba, pas de
participation du MLC aux élections locales ». En fait, un véritable
coup de tonnerre qui consommerait l’échec d’un processus électoral dont
la crédibilité a déjà beaucoup souffert du boycott décrété en son temps
par l’Udps. A moins que la Communauté internationale s’implique à ne
pas laisser son processus prendre les allures d’un échec historique et
accepte d’en payer le prix le plus fort en arrachant envers et contre
tout la fin de l’exil du Chairman. C’est justement là que se situe le
calcul de JP Bemba. Et tout le bien qu’il souhaite aux diplomates
onusiens, américains et européens.
Losako/Le phare