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LOSAKO
17 mars 2008

Le réveil du Katanga ? En attendant les Chinois...

126447 Ce n'est désormais plus des Européens mais des Chinois que les Congolais attendent le développement. Le problème est que, précisément, ils attendent.
Reportage

Kasumbalesa ressemble à une ville du Far West. Echoppes malingres, hôtels sordides, kiosques de téléphonie mobile, temples de sectes religieuses et pharmacies se pressent des deux côtés de la route qui, sur plusieurs km, servent de parkings à camions. La ville, sur la frontière Congo-Zambie, est en effet le principal poste d'entrée et de sortie des marchandises au Katanga, en plein boom minier.

Ici, un camion d'explosifs est garé en double file le long de trois transporteurs de carburant. Là, des véhicules chinois attendent au côté des poids lourds rouges "Hakuna matata" (pas de problème, en swahili) du gouverneur du Katanga. Les autorités douanières ne laissent passer les poids lourds que vers 16h, pour éviter qu'ils encombrent la route de Lubumbashi la journée; longue d'une cinquantaine de km, elle compte, en effet, plusieurs tronçons en très mauvais état.

"Il faut 106 millions de dollars pour la réhabiliter", nous explique le gouverneur élu de la province, Moïse Katumbi. "Et nous ne les avons pas. Kinshasa a donc passé un contrat avec une entreprise chinoise pour qu'elle refasse la route en échange du péage de Kasumbalesa."

M. Katumbi, en poste depuis 9 mois, a, par une bonne gestion, amené les revenus de ce péage de 300 000 à 2 millions de dollars par mois. Depuis la mi-février, "lorsque leur matériel est arrivé", les Chinois ont reçu le contrôle du péage.

Gigantesque embouteillage

Aujourd'hui, à 18h, en cette fin de saison des pluies, un gigantesque embouteillage bloque complètement la voie : plusieurs camions se sont embourbés sur un tronçon de terre à la sortie de la ville. Quelque 250 mastodontes sont immobilisés (ils le resteront durant près de 24 h) avec des jeeps et des autos. On discute à grands gestes dans la nuit tombante. Des flots de jeunes chauffeurs dépenaillés vont aux nouvelles. Les moteurs fument et la tension monte. On crie, des claques volent. Des jeunes gens chanvrés font de grands discours agressifs; d'autres retrouvent des amis et discutent, la main dans la main. Attirées par la perspective de clients, des belles de nuit se faufilent entre les véhicules, repassant très vite en sens inverse, suivies d'amateurs. Des vendeurs de biscuits mettent l'aubaine à profit. Un chauffeur, fataliste, allume un feu au pied de son véhicule. Des groupes circulent en huant "les Chinois".

Ceux-ci sont l'objet de tous les espoirs des Congolais depuis l'annonce, en septembre 2007, de la signature d'un contrat (voir www.lalibre.be 07/12/07) par lequel des firmes chinoises s'engagent à construire des infrastructures (routes, logements, chemin de fer...) en échange de mines. Selon un avenant au contrat, les constructions représenteront une valeur de 15 milliards de dollars; les 8 millions de t de cuivre réclamées en échange dans le seul premier contrat valent, elles, 64 milliards de dollars, sans compter les 200000 t de cobalt (19000 dollars la tonne) et les 370 t d'or (1000 dollars l'once) revendiquées par les Chinois.

"Le Congo doit payer 440 millions de dollars au Fonds monétaire international (FMI) pour être accepté comme pays pauvre très endetté", explique Eric Monga, expert minier. "La population, fâchée, veut que cet argent serve à la sortir de la pauvreté. C'est pour pallier cette exigence que le gouvernement a signé les contrats chinois."

"Quand les premiers arpenteurs chinois sont arrivés à Kinshasa, il y a quatre mois, c'était la folie générale", poursuit-il. "Les gens étaient impatients d'avoir des routes, même si cela doit coûter 2 ou 3 fois plus cher que la norme. Puis, l'attente est retombée : les gens ne veulent pas savoir que cela prend du temps..."

Pour certains Kinois de la rue, cependant, "ces contrats sont une erreur : les milliards des Chinois seront bouffés (détournés, en langage populaire) aussi vite que ceux venus des Européens"...

"On attend tout d'eux"

Les contrats chinois ont "enorgueilli le pouvoir", remarquent Eric Monga et des observateurs : "Enfin des chiffres à la taille du Congo !" Dans les capitales étrangères, on note que, depuis la signature des contrats, Kinshasa a snobé plusieurs réunions internationales.

"La signature des contrats chinois est la seule nouveauté de cette première année de gouvernement Gizenga", note, pour sa part, le député d'opposition (MLC) Delly Sesanga Hipungu. "Mais le gouvernement est naïf : il croit que les Chinois sont désireux de nous développer, ce qui nous épargnerait l'effort de transformer notre société. On attend tout d'eux..."

Un autre député d'opposition, le démocrate-chrétien Gilbert Kiakwama, met en garde. "Les crédits chinois, c'est bien. Mais cela doit être fait dans la transparence; or, une opacité complète règne. Ceux qui ont tripoté les autres contrats sont encore au pouvoir. Le parlement n'a pas encore reçu les contrats chinois; nous les attendons - et, s'agissant de l'opposition, de pied ferme."

A Lubumbashi aussi, l'heure est à l'expectative face aux Chinois. "On les fait venir. Mais saura-t-on les forcer à partir le jour où on n'en voudra plus ?", s'interroge un ingénieur congolais.

Deux sortes de Chinois

"Il y a deux sortes de Chinois", souligne le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. "Ceux qui sont là pour les contrats signés avec le gouvernement. Et les autres, installés depuis plusieurs années au Katanga, où ils ont de petites unités métallurgiques."

Les autorités katangaises "tombent" parfois sur des entreprises chinoises non déclarées. "Quand on dénonce une de ces sociétés, je suis à leur porte à 7h du matin", confirme le gouverneur. "Et on voit une nuée de Chinois fuir par les portes, les fenêtres, sauter par-dessus les murs, se cacher dans des sacs... Parce que j'arrête les illégaux et les patrons qui ne fournissent pas les conditions de travail légales. Il y en a qui donnent 20 dollars/mois (15 euros ) de salaire ! Parfois, les Chinois qui travaillent au four ont une protection d'amiante et les Congolais, non... Mais, en général, ils donnent très peu d'emplois aux Congolais; même le jardinier est Chinois !", s'indigne le M. Katumbi. Selon ce dernier, l'ambassade de Chine l'a encouragé à expulser 306 illégaux chinois qu'il avait fait arrêter.

"Les Européens ne font rien au Congo parce que les banques occidentales posent trop de conditions lorsqu'il s'agit de financer un projet au Congo", explique, pour sa part, l'industriel belge George Forrest. "Les Chinois prennent la place, avec des financements faciles de leurs banques. Et c'est normal : la nature a horreur du vide."

Envoyée spéciale au Katanga 
Marie-France Cros

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Commentaires
H
Je vie avec un homme congolais à Bruxelles et j'essaye de lui faire comprendre que le Chinois ne fairons jamais rien de positiv pour le Congo. Dans leurs pays il y trop de monde et on essaye d'envahir le congo par des promesses. Mais observé bien que p.e. dans les mines l'ouvrier congolais n'est plus neccessaire et est remplace par un Chinois. <br /> <br /> Il vont faire comme les Belges dans le temps: devenir le vouveau colonisateur... Prenez garde<br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> Viola Hochleitner
M
Croire que le développement d´un pays peut être fait par un autre, c´est l´erreur fondamentale des africains aliénés ou incapables. Ou ne s´agit-il ici que d´en mettre plein la vue la population...et l´occident. Certes notre contentieux avec l´occident nous révolte; mais ce n´est pas une raison pour se jeter dans la bêtise et le m´as-tu vu gratuit et ruineux pour autant. La Chine ne se développe pas parce que les étrangers ont construit ponts et chaussées chez elle, mais bien parce qu´elle a tout fait par elle-même pour protéger le travail de ses enfants et l´épanouissement de leur créativité ! Par ailleurs, construire des routes avant d´avoir construit la voiture est l´utopie la plus insultante qui soit. J´obterai plutôt par créer des industries lourdes (à haut potentiel d´emploi et de diversité de production industrielle). Faut aller au Sénégal. Eux ne jouent pas à la frime. Les congolais, décidément...!<br /> Musengeshi Katata<br /> "Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu"<br /> www.realisance.afrikblog.com
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